Affaire Théo: les trois policiers fixés sur leur sort vendredi

Violence policière ou légitime ? La cour d'assises de Seine-Saint-Denis rend son verdict vendredi au procès de trois gardiens de la paix jugés pour l'interpellation en 2017 de Théo Luhaka, grièvement blessé...

Théo Luhaka arrive à l'ouverture du procès des trois gardiens de la paix, le 9 janvier 2024 à Bobigny © Thomas SAMSON
Théo Luhaka arrive à l'ouverture du procès des trois gardiens de la paix, le 9 janvier 2024 à Bobigny © Thomas SAMSON

Violence policière ou légitime ? La cour d'assises de Seine-Saint-Denis rend son verdict vendredi au procès de trois gardiens de la paix jugés pour l'interpellation en 2017 de Théo Luhaka, grièvement blessé à l'anus par un coup de matraque.

Presque sept ans après les faits, l'affaire Théo, devenue emblématique des violences policières, touche à son épilogue.

La cour s'est retirée vers 10h00 pour délibérer. Peu avant, les accusés ont pris une dernière fois la parole. Le verdict est attendu en fin d'après-midi.

"Je maintiens mes déclarations, je n’ai rien à rajouter", a déclaré le principal accusé, Marc-Antoine Castelain, 34 ans.

Il est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné "une mutilation ou infirmité permanente" sur la victime, avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion.

Le fonctionnaire risque jusqu'à quinze ans de prison.

"Je regrette les conséquences (…) je pense avoir effectué mon travail dans le respect des lois", a dit Tony Hochart, poursuivi pour violences volontaires avec son collègue Jérémie Dulin.

C'est parce que Théodore Luhaka garde des séquelles irréversibles de son arrestation le 2 février 2017 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) que les policiers se retrouvent devant une cour d'assises depuis deux semaines. Un fait rare dans les affaires de violences policières.

Trois ans de prison avec sursis ont été requis à l'encontre de M. Castelain, l'auteur du coup de matraque qui a blessé Théo Lukaha. Pour M. Dulin, 42 ans, et M. Hochart, 31 ans, l'avocat général a requis respectivement six et trois mois de prison avec sursis.

Le magistrat Loïc Pageot les a justifiées par l'"absence d'antécédent" judiciaire des trois accusés et le temps long de l'affaire, qui a basculé avec la vidéo de l'interpellation.

Ces images montrent la victime dos au mur, prise en étau par deux fonctionnaires de police, lorsqu'elle reçoit un coup avec la pointe d'un bâton télescopique de défense (BTD). Son sphincter (muscle annulaire) se déchire.

"Je me suis senti violé", a confié Théo Luhaka à la barre. Le jeune homme, qui a célébré sa 29e année à l'ouverture du procès, se rêvait "grand footballeur".

Exaspération

Il souffre désormais d'incontinence et s'enferme dans sa chambre où il regarde la même série policière en boucle.

L'agent qui a effectué le coup d'estoc a exprimé sa "compassion" pour la victime mais a estimé son "coup légitime" et affirmé qu'il lui avait été "enseigné à l'école".

A ce geste, s'ajoutent des tirs de gaz lacrymogène, des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix quand Théo était menotté au sol.

L'un des policiers a concédé un coup illégitime lors de son interrogatoire lié à son "exaspération" d'avoir perdu "le contrôle sur une interpellation". 

Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, avait conclu à "un usage disproportionné de la force".

"Il faut arrêter avec l'image d'Epinal d'un geste qu'on a appris à l'école (...) Ce n'est pas parce que c'est un geste acquis en formation que de facto cela va porter un caractère légitime", a dit le coauteur de l'enquête de l'IGPN en audience.

La brigade spécialisée de terrain (BST) où les trois policiers exerçaient avait fait l'objet de plusieurs plaintes. Ils ont été mutés dans leurs régions d'origine. 

Le ministère public a aussi requis une interdiction d'exercer de cinq ans sur la voie publique pour M. Castelain et de deux ans pour M. Dulin.

Leurs avocats ont plaidé l'acquittement, jugeant que leurs clients étaient en situation de légitime défense. 

Cette affaire avait provoqué une vague d'indignation et des violences en banlieue parisienne. Théo Luhaka avait appelé au calme depuis son lit d'hôpital, où il avait reçu la visite de l'ex président de la République François Hollande.

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