Affaire Grégory: à Lépanges, le "ras-le-bol" des habitants

Un village "tranquille" où "il fait bon vivre": les habitants de Lépanges-sur-Vologne, tristement célèbre pour avoir été le domicile de Grégory Villemin, veulent tourner la page, 40 ans...

L'entrée du village de Lépanges-sur-Vologne, dans les Vosges, le 15 juin 2017 © PATRICK HERTZOG
L'entrée du village de Lépanges-sur-Vologne, dans les Vosges, le 15 juin 2017 © PATRICK HERTZOG

Un village "tranquille" où "il fait bon vivre": les habitants de Lépanges-sur-Vologne, tristement célèbre pour avoir été le domicile de Grégory Villemin, veulent tourner la page, 40 ans après le meurtre du petit garçon.

Des dizaines de curieux viennent encore chaque année dans ce village de 850 habitants pour se rendre sur la tombe du "petit Grégory", assassiné à l'âge de 4 ans.

Situé en hauteur, avec vue panoramique sur la vallée de la Vologne, ses collines et les maisons blanches du bourg, le cimetière de Lépanges jouxte aussi l'église et la mairie. 

Près de l'une des entrées, le nom de l'enfant ne figure plus sur la pierre tombale. Tout de lui a disparu lorsque ses parents, Christine et Jean-Marie Villemin, l'ont exhumé et ont incinéré sa dépouille près de 20 ans après sa mort, en 2004. Eux-mêmes vivent en région parisienne.

Un cahier placé dans l'église témoigne du passage de nombreux visiteurs. 

"Lieu très émouvant de par les événements cruels, tragiques, inoubliables ! Petit Grégory, comment peut-on garder le silence ?" interroge "Marie du Finistère", dans un message laissé en octobre 2023.

Des messages comme celui-ci, il y en a des dizaines, écrits par des voyageurs venus de toute la France ou même de Belgique. Ce sont "des personnes de tout âge, parfois des familles", explique un riverain à l'AFP.

"Ces mots-là sont inutiles", peste Danielle Didier, membre d'un collectif qui milite pour changer l'image de Lépanges. Dans le cahier, "les gens devraient simplement parler de l'église. Pas de l'affaire, pas de Grégory, pas du cimetière".

Dépossédés" de leur village

Au quotidien, "on n'en parle pas", assure une habitante en train de promener son fils dans une poussette et qui ne souhaite pas donner son identité.

"Il faut laisser l'eau couler sous les ponts", renchérit Adrien Michel, 37 ans, installé ici voilà trois ans pour "la tranquillité" du bourg. Il vient de déposer sa fille à l'école maternelle du village, parmi des dizaines d'autres enfants.

Désormais, le village vit paisiblement, et ce jour dramatique est bien loin, sauf quand Vosges Matin, le journal local, publie un article relatif à l'affaire: "Les gens le lisent et en parlent", dit un commerçant.

Au "Bistrot", le café-restaurant de Lépanges, un historien, une correspondante de presse locale et un conseiller municipal proposent de découvrir "autre chose" de ce village qu'ils "aiment" et qui est "plus que l'affaire Grégory", comme le dit Cédric Prévot, l'historien. Comme ses "17 commerces, 30 associations", sa "tranquillité"... 

Le choix du lieu n'est pas anodin: en octobre 1984 et durant les mois qui ont suivi, les Lépangeois ont été "dépossédés" de ce restaurant, où les rédactions avaient pris leurs quartiers.

Le midi, des dizaines d'ouvriers y déjeunent. A la gare, les trains ne s'arrêtent plus, mais des bus transportent les habitants pour aller travailler à Epinal ou Rambervillers. 

Le boucher, installé depuis 20 ans, en a "ras-le-bol" d'être questionné sur l'affaire, et dit servir la même réponse, un brin agacé, à tous les journalistes qui poussent la porte de son commerce.

Tourner la page

Certes, "il s'est passé quelque chose de terrible, un véritable drame, un traumatisme pour le village, et notre initiative n'est absolument pas de nous positionner contre l'affaire Grégory, contre son traitement journalistique, ou contre les victimes", assure Cédric Prévot.

Mais pour les habitants de Lépanges, la curiosité morbide est malvenue, d'autant que c'est à Docelles, à six kilomètres, que le corps de l'enfant a été retrouvé. 

Propriétaire depuis une vingtaine d'années d'une maison à Docelles, Jean-Michel Boucaud dit n'avoir "jamais entendu personne parler de l'affaire" dans ce village. "J'ai appris qu'ils avaient retrouvé le corps ici" avec la série Netflix sur l'affaire sortie en 2019, affirme-t-il. "Les gens ont été un peu dégoûtés. Ils ne veulent plus en entendre parler".

Docelles est toutefois moins évoqué, notamment dans les médias, que Lépanges, connu jusqu'au Canada, selon un habitant d'un village voisin.

A Lépanges, "il n'y a pas seulement le quarantenaire de l'affaire Grégory, il y a aussi le centenaire de deux toiles présentes dans l'église, inscrites au patrimoine depuis 2008", explique Cédric Prévot.

Autant de "richesses patrimoniales ou culturelles" que le collectif souhaite mettre en avant, loin de "tous les fantasmes" liés à l'affaire Grégory.

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