"A vingt ans, on rêve"

Pas de fête grandiose pour marquer le 20e anniversaire du lien fixe sous la Manche. Plutôt une fête intimiste pour solder les mécomptes du passé et regarder vers l'avenir.

Affichant fièrement ses 20 ans de "premium service", le shuttle s'engouffre dans le tunnel.
Affichant fièrement ses 20 ans de "premium service", le shuttle s'engouffre dans le tunnel.
Hervé Morcrette

Jacques Gounon et Frédéric Cuvillier entourés des élus locaux lors de la commémoration.

La météorologie offrait un point commun − pratiquement le seul − entre le 6 mai 1994 et le 6 mai 2014 : un temps maussade, riche en crachin. Pour le 20e anniversaire de l’inauguration du tunnel sous la Manche, Eurotunnel avait délaissé les fastes. Exit la Rolls dans laquelle avaient pris place Sa Gracieuse Majesté et le président de la République de l’époque. Cet anniversaire se contentera d’une exposition dressée dans une navette qui, dès le lendemain, aura retrouvé sa fonction première : transporter d’une rive à l’autre de la Manche. Au bord de la tranchée de Beussingue, un chapiteau dressé accueille les invités : élus locaux, partenaires, actionnaires et les membres du personnel qui ont pu se rendre libres. Le tout se déroule dans la simplicité et la modestie. Au diapason de ces temps de crise, sans oublier qu’Eurotunnel, qui revient de loin, ne veut pas fanfaronner.

 

Sous la Manche, peu visible… Président d’Eurotunnel, Jacques Gounon fut en son temps au centre de ceux qui sauvèrent l’entreprise. Après avoir salué “ceux qui ont cru à ce projet“, il a rendu un hommage appuyé aux salariés. Car Jacques Gounon sait qu’il n’aurait rien pu faire sans “la détermination des salariés à sauver leur entreprise“. Un sauvetage chaque jour en meilleure voie : 20 millions de voyageurs et 20 millions de tonnes de marchandises ont transité par le tunnel en 2013, générant un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros, en hausse de 12% sur l’année précédente. Le résultat est de 101 millions d’euros après impôt. De quoi redonner le sourire aux actionnaires qui ont beaucoup souffert dans les 15 premières années d’exploitation et dont le dividende, d’abord modeste, a augmenté l’an dernier de 25%. Jacques Gounon veut “regarder l’avenir et continuer à célébrer les succès d’Eurotunnel“. Et comme M. Gounon n’est pas dénué d’humour, il veut mettre ces succès en lumière, attendu que “le tunnel est sous la Manche : il est peu visible“…

 

hervé Morcrette

Affichant fièrement ses 20 ans de "premium service", le shuttle s'engouffre dans le tunnel.

On n’attendra pas deux siècles et demi ! Secrétaire d’Etat aux Transports, Fédéric Cuvillier a célébré la rencontre entre une aventure humaine et la volonté politique que symbolise le lien fixe transmanche. Celui-ci, selon le ministre, participe à la redynamisation du territoire et rapproche les capitales européennes. Estimant que “pour les grands chantiers d’avenir, la réussite est toujours au bout” et que “à vingt ans, on rêve“, M. Cuvillier a fait ce qu’aucune autorité gouvernementale n’avait fait depuis très longtemps : il a rappelé que le traité initial prévoyait la construction d’un second tunnel. Clause enfouie dans un parchemin que les déboires initiaux du premier tunnel semblaient avoir voué à l’oubli. “On n’attendra pas deux siècles et demi“, a précisé M. Cuvillier. Certes, mais le premier coup de pioche n’est sans doute pas pour demain.

 

ENCADRE

Le téléphone et l’Internet cent mètres sous la mer

Comme pour l’inauguration, le 20e anniversaire a été marqué par l’émission par La Poste d’un timbre commémoratif. Là n’est sans doute pas l’essentiel. Plus important semble la mise en service le même jour d’un dispositif de téléphonie mobile par Vodafone et d’autres partenaires dans le tunnel Nord. Ce dispositif permet aux passagers d’utiliser leur portable aussi bien pour le téléphone que pour accéder à Internet. Le tout à cent mètres en dessous de la mer… Ce qui était possible depuis juillet 2012 à l’occasion des Jeux olympiques, grâce aux trois opérateurs français, dans le sens France/Grande-Bretagne l’est désormais en sens inverse.