A Ouistreham, "rien n'a bougé" pour l'hygiène des migrants malgré une injonction du Conseil d'Etat
Onze jours après l'injonction du Conseil d'Etat à la commune de Ouistreham, près de Caen, de faciliter l'accès à l'hygiène pour les migrants d'un campement installé au bord d'un canal, "rien...
Onze jours après l'injonction du Conseil d'Etat à la commune de Ouistreham, près de Caen, de faciliter l'accès à l'hygiène pour les migrants d'un campement installé au bord d'un canal, "rien n'a bougé" regrettent les ONG sur place.
"Durant l'été la préfecture a installé ces cabines sanitaires (un toilette et une douche par cabine, ndlr), mais le budget n'a pas été voté par la commune pour les raccorder à l'assainissement, donc ça déborde", déplore Philippine Bouvier, coordinatrice terrain pour l'ONG Solidarités International.
Elle fait face à l'unique point d'accès à l'eau potable du campement, "deux boutons poussoir de quatre secondes".
A quelques pas des toilettes condamnées pour cause de trop plein, une cocotte fume au-dessus d'un feu de camp: on prépare l'assida, un repas traditionnel soudanais de semoule bouillie.
Ce camp, à quelques centaines de mètres du terminal ferry qui relie Caen à l'Angleterre, ne comptait qu'une trentaine de personnes cet hiver, mais il a connu un afflux important durant l'été, et c'est une petite centaine d'hommes de 14 à 40 ans qui se regroupent autour du feu.
"Je suis venu en Europe pour faire une demande d'asile car j'ai fui la guerre", déclare un migrant d'une vingtaine d'années sous couvert d'anonymat.
"Je suis allé à Dunkerque, Calais, mais les conditions sont pires qu'ici", estime le jeune homme. "Je suis revenu à Ouistreham car je peux installer ma tente et me protéger, et il fait également moins froid, tu n'es pas congelé par le vent dans tes os comme là-bas".
La commune s'est vu enjoindre le 1er décembre par le Conseil d'Etat de "créer des points d'eau et des latrines, ainsi qu'un dispositif d'accès à des douches" pour ces hommes venus pour la plupart du Darfour, un territoire soudanais en guerre où l'ONU soupçonne un "génocide".
La mairie avait huit jours pour "prendre les mesures indispensables au fonctionnement des équipements sanitaires" sous peine d'une amende de 1.000 euros par jour.
Sollicité par l'AFP, le maire LR de Ouistreham, Romain Bail a répondu par SMS: "Aucune réaction".
Manque de vêtements
Une fois le repas distribué, les exilés s'assoient à même le sol sur le parking humide pour partager l'assida fumante.
Moussa, cheveux en tresse et charisme en bandoulière, s'enfonce dans le sous-bois qui sert de dortoir.
Le sol gorgé d'eau est jonché des traces d'une vie précaire: papier à cigarettes, brosses à dents, mouchoirs, bouteilles d'eau, chaussettes...
"Ici on est une seule tribu, on parle la même langue et on se protège", explique Moussa, 25 ans, parti de son pays en 2014 et arrivé en France après douze tentatives infructueuses de traversée de la Méditerranée.
Environ 90 tentes s'étalent le long d'un couloir étroit sur près de 200 mètres, leurs occupants y vivent le plus souvent à deux.
"L'eau est froide pour se doucher, il n'y a pas d'électricité pour charger nos téléphones et garder contact avec nos familles, les toilettes débordent", déplore le jeune homme, "mais le plus dur c'est le manque de vêtements et de chaussures".
Christine Lannéval, une infirmière de 61 ans bénévole à l'association CAMO (collectif d'aide aux migrants de Ouistreham), assiste un médecin dans des consultations médicales deux fois par semaine.
"Il y a des infections pulmonaires, la gale, des problèmes digestifs principalement liés au stress même s'ils ne le disent pas comme ça", indique-t-elle, "et nous avons eu un cas de tuberculose".
Elle serre dans ses bras un sac contenant deux paires de chaussures à donner qu'elle prend garde de ne pas exhiber: "Ca vaut de l'or ici".
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