à l’entretien préalable motivée ?
À en suivre deux décisions de justice récentes, le salarié devrait être informé des griefs de l’employeur à son encontre dès la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement. Revirement de jurisprudence ? Explication.
Un employeur doit-il motiver une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement ? La question semble étrange. En effet, s’agissant du licenciement pour motif personnel, l’article L.1232-2 du Code du travail prévoit que l’employeur qui envisage le licenciement d’un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. «La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation». Et la chambre sociale de la Cour de cassation a sans cesse affrmé, dans le passé, que «l’employeur n’est tenu de préciser dans la lettre de convocation à l’entretien préalable que l’objet de la convocation, et non les griefs allégués contre le salarié» (Cass. soc.4 novembre 1992. Pourvoi n° 91- 41189). Toutefois, dans deux décisions récentes, des juridictions ont pris une position contraire, la cour d’appel de Paris (Pôle 6, Chambre 6. 7 mai 2014. RG n° 12/02642) et la section encadrement du conseil des prud’hommes d’Évreux (26 mai 2015. RG n° 13/00379). S’agitil d’une nouvelle orientation de la jurisprudence ? Dans les deux affaires, les salariés concernés invoquaient l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) qui dispose que «tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense», ainsi que l’article 7 de la convention n°158 de l’Organisation internationale de travail (OIT), ratifiée par la France et d’application directe, selon lequel «un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité».
Droit du salarié à s’expliquer
Dans ces conditions, selon la cour d’appel de Paris, «l’entretien préalable constituant la seule étape de la procédure pendant laquelle le salarié a, légalement, le droit de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, avec l’aide d’un défenseur, le respect des droits de la défense implique effectivement, que celle-ci puisse être préparée, dans la perspective de l’entretien préalable en connaissance de cause, c’est-à-dire en connaissant, non seulement la sanction que l’employeur envisage de prendre, mais surtout les reproches que l’employeur s’apprête à articuler à l’encontre de son salarié». Certes, il appartiendra à la Cour de cassation de trancher ce débat. Mais la prudence s’impose pour les chefs d’entreprise. Dans l’affaire jugée par le conseil de prud’hommes d’Évreux, le 26 mai dernier, l’employeur a été condamné à verser 46 000 euros de dommages et intérêts alors que la salariée avait moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, pour n’avoir pas énoncer les griefs dans la lettre de convocation à l’entretien préalable. En outre, il n’est pas inutile de rappeler que dès lors que l’employeur serait allé plus loin que les obligations légales, en faisant mention des faits reprochés dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, seuls les motifs indiqués dans la lettre de licenciement seraient analysés. Une évolution de jurisprudence à suivre…