Maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine
Entretien avec Patrice Vergriete : à Dunkerque, 12 000 logements à construire sous dix ans
La réindustrialisation en cours sur le territoire, combinée à un déficit de logements déjà identifié conduisent l’agglomération dunkerquoise à devoir construire 12 000 logements dans la décennie, soit 4 500 de plus que ce qui était déjà acté. Sur le terrain, c’est la mobilisation générale, emmenée par la Communauté urbaine de Dunkerque qui se place comme facilitatrice auprès des promoteurs privés et des bailleurs sociaux. Nous avons rencontré son président, Patrice Vergriete.
«Le plan d’urbanisme qui avait été établi il y a quelques années, en prenant en compte le foncier disponible et l’évolution de notre population, prévoyait la construction d’environ 7 500 logements dans la décennie répartis proportionnellement sur l’ensemble de notre territoire», pose Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine (CUD). Mais la réindustrialisation en cours et ses 20 000 emplois promis sont venus chambouler tous les plans, notamment parce que l’agglomération va connaître une forte augmentation de sa population. Alors même qu’elle manque déjà de logements et cela pour plusieurs raisons : l’éclatement des familles, la diminution de la rotation du parc social et un accroissement de la mise sur le marché de logements pour de la location de courte durée. «Nous avons fait les comptes. Il nous faut construire 4 500 logements de plus pour répondre à la fois à la demande des habitants et à celle des nouveaux arrivants», résume Patrice Vergriete. «En prenant en compte le niveau de revenus de nos habitants et leurs besoins, nous avons prévu une production de 40% de logements dans le parc privé et 60% dans le social, avec 40% de locatif, 5% d’accession sociale à la propriété et 15% de logements dits intermédiaires, c’est-à-dire la fourchette haute du logement social».
Construire la ville sur la ville
Or, cet immense défi se heurte à une contrainte supplémentaire : La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) de 2021 qui raréfie le foncier disponible. «Il y a 60 ans, cela aurait été très simple : on aurait construit en périphérie des villes, dans des champs de betteraves. Aujourd’hui, la donne a complètement changé. Nos 4 500 logements, on va les bâtir sans consommation foncière supplémentaire, je m’y engage, et à proximité de lignes de transport en commun. L’idée est bien de construire la ville sur la ville en utilisant des friches d’usines, d’entreprises, de parking, de bureaux…», assure l'ex-ministre du Logement. Dans ce cadre, les services de l’Agence d’urbanisme de Dunkerque ont d’ailleurs entrepris le travail immense de cartographier toutes les friches disponibles sur l’ensemble du territoire. Et il y en a beaucoup.
Actuellement, la construction de 9 200 logements est déjà enclenchée, avec 140 opérations en cours sur le territoire, dont une centaine à Dunkerque. 540 logements sociaux vont sortir de terre dès cette année et 2 800 sur la période 2024-2027. «Pour arriver aux 12 000 logements, nous prévoyons aussi de multiplier par trois la construction de logements en 2029, soit 1 500», précise Patrice Vergriete. Parvenir à convaincre les propriétaires de remettre sur le marché des logements vacants (ils sont estimés à 8 000 sur le territoire actuellement) et lutter contre la prolifération des locations de courte durée par le biais de quotas ou de taxes (plus de 1 200 logements aujourd’hui) font également partie des pistes étudiées.
Des interrogations
Dans ces conditions, le territoire semble prêt à relever ce défi immense. «Ce n’est pas si simple», répond pourtant Patrice Vergriete. «On a repéré le foncier disponible, on a les friches, on a les opérateurs privés, on a les bailleurs sociaux. Mais on a aussi nos limites. Nous avons par exemple des interrogations sur la capacité des entreprises du BTP à suivre la cadence, notamment en raison d’un manque de main d’œuvre récurrent. Je crains aussi que les SRADDET* instaurés dans les régions ne conduisent à une réduction du foncier disponible dont nous avons besoin pour nos 12 000 logements. Enfin, la CUD accompagne les bailleurs sociaux. Avec la réduction des budgets des collectivités locales qui se profile, serons-nous encore en capacité de le faire autant que nous le souhaiterions ?», s’interroge le président de la Communauté urbaine alors même que le logement, avec la formation, est l’une des composantes essentielles d’une réindustrialisation réussie.
*Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires