Transmanche : le succès au bout de la jetée ?

A Calais, les résultats annuels du port de Calais-Boulogne

Le port de Calais-Boulogne a dévoilé les résultats de l’année 2020 le 26 janvier dernier. Positifs malgré un contexte totalement aléatoire, les résultats montrent un port «résilient» au moment où le projet d’agrandissement de ses infrastructures arrive à son terme. Le 5 mai prochain, le constructeur du nouveau port remettra en effet les clés à la Société d’exploitation des ports du Détroit (SEPD). Encore un moment historique.

Le port de Calais : une année 2020 en dents de scie, un tournant en 2021.  (© SEPD)
Le port de Calais : une année 2020 en dents de scie, un tournant en 2021. (© SEPD)

C’est l’année de tous les records. A Calais et Boulogne-sur-Mer, la SEPD aura tout vécu : la pandémie et de formidables à-coups dans l’activité, le saut vers l'inconnu avec le Brexit, le variant anglais de la Covid, et un transmanche dans tous ses états…

A Boulogne-sur-Mer, l’inquiétude des pêcheurs est restée vive toute l’année. 

«Dès mars, lors du premier confinement, ils se sont organisés et se sont entendus sur les sorties en mer. C’est ainsi qu’ils ont pu maintenir les prix», explique Jean-Marc Puissesseau, président de la SEPD.

Il y eut ainsi 28 000 tonnes de pêchées en 2020, en recul de 12% par rapport à 2019, soit 65,1 millions d’euros de chiffre d’affaires (en recul de 19%). 

La criée reste la première place française en tonnages avec près de 20 millions de tonnes, malgré un recul de 9%. Point notable de l’effet Covid, la part de la vente à distance a poursuivi sa hausse entamée depuis trois ans, avec un tiers du total des ventes aux enchères. Autre point positif, la fin de l’année fut marquée par un rebond, notamment sur la coquille Saint-Jacques (+ 47%)

Le trafic poids lourds dévisse

A Calais, l’année 2020 fut «historique». La pandémie a ralenti les consommations de l’Europe entière et conséquemment des flux de marchandises dans l’espace européen. 

Le port de Calais a ainsi vu son tourisme s’effondrer avec la perte de plus de 5 millions de voyageurs, soit à peine 3,26 millions de passagers. «Une chute de 61% avec la perte d’un million de véhicules (- 70 % de son trafic)»... Les autocars marquent une chute de - 84%…

Côté poids lourds, l’addition est lourde : avril et mai derniers dévissèrent respectivement de 25 et 20%. Au final, Calais a vu passer 1,66 millions de PL (- 8%) pour un tonnage de 38,56 millions (- 8%). «Nous avons toujours la première part de marché du transmanche avec 44,7% du trafic», souligne toutefois le président. Dès juin, le trafic repartait à la hausse jusqu’à culminer de manière exponentielle les trois derniers mois de l’année.

Fin d’année : du "jamais-vu"

En effet, à l’approche du Brexit, les Britanniques ont réalisé des stocks faramineux par crainte d’un no deal

D’éventuelles taxes d’importation ont conduit les distributeurs à anticiper et à acheter leurs derniers produits avant Noël... 

«Ce qui est arrivé est du quasi jamais-vu : nous étions à 44 000 camions par semaine les trois premières semaines de décembre», souligne Jean-Marc Puissesseau. 

Le trafic n’a jamais été interrompu au cours de l’année et les équipes ont répondu présent tout au long de l’année. «On a fait des rotations, acheté des masques FFP2 à prix d’or dès le début de la pandémie», explique Benoit Rochet, directeur général délégué du port. Au final, l’activité des ports n’a conduit qu’à 10% de chômage partiel, soit une soixantaine de personnes.

L'activité ferroutage a été un peu moins affectée que les autres secteurs avec une baisse de 5,7% sur les remorques non accompagnées, une branche sur laquelle parie la direction du port. «On se développera sur d’autres lignes que Calais-Douvres grâce à notre plateforme ferroviaire, avec l’Espagne, l’Italie et la Pologne. On attend une ligne Calais-Sète aussi. Tout cela se met en place», explique le président.

Le nouveau port comme horizon proche

Si l’ambiance est à la concurrence sur le littoral (le port de Dunkerque a récemment ouvert une ligne vers Rosslare), Calais bénéficie du passage des camions irlandais via l’Angleterre.

Calais se prépare surtout à franchir un nouveau cap grâce à la livraison du nouveau port le 5 mai prochain, même si l’exploitation réelle est programmée pour octobre.

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(© SEPD)

Ainsi s’achèvera le plus gros investissement européen (680 millions d’euros) et le doublement des capacités de Calais : trois nouveaux postes à quai pouvant accueillir des bateaux de 235 mètres, un nouveau bassin dont la digue est à 800 mètres de la côte au plus loin, un nouveau terminal d’accueil, de multiples parkings et voiries… 

Les compagnies maritimes s’apprêtent à mettre trois bateaux supplémentaires cette année (un pour DFDS, deux pour P&O), marquant leur confiance en la traditionnelle route vers l’Angleterre.

L’année en cours sera encore probablement mouvementée, mais le port a montré un indéniable esprit de résilience, n’affichant pas de pertes en 2020 avec un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros. 

Vingt ans après la discrète réunion de février 2001 qui vit l’accord (verbal) entre la Région et la CCI de Calais (alors exploitante du port) de décider de ce chantier et de la fusion de Calais et Boulogne-sur-Mer, Jean-Marc Puissesseau arrive au bout d’un chemin. «Où serait-on aujourd’hui si l’on avait pas fait cet accord de fusion des deux ports et du projet Calais Port 2015 ?»