À Calais, l’État rattache le câble

Numéro un mondial de la fabrication et de la pose de câbles, Alcatel Submarine Network (ASN) redevient français. L’occasion d’une visite ministérielle ce 5 novembre.

Le site calaisien d’ASN emploie 600 personnes. © Aletheia Press/M. Railane
Le site calaisien d’ASN emploie 600 personnes. © Aletheia Press/M. Railane

Qu’un gouvernement libéral nationalise, pour des raisons stratégiques, une entreprise qui fut française dans un secteur-clé de l’économie mondiale est à la fois incongru et bienvenu. Française entre 1925 et 2016, Alcatel Submarine Network (ASN) et ses entreprises-mères reviennent dans le giron national pour 100 millions d’euros. Et pour souligner cet événement, le ministre de l’Économie et de l’Industrie, Antoine Armand, est venu montrer le contrat d’acquisition, ce 5 novembre à Calais. Le dernier acte d’une longue et tumultueuse histoire.

Il y a près de dix ans, un autre ministre de l’Économie était venu à Calais avant de valider la vente d’ASN au finlandais Nokia pour 1,5 milliard d’euros. Aujourd’hui, c’est «une bonne affaire», glisse un financier lors de la visite. 80% des actions de Nokia sont ainsi rachetées par l’Agence des Participations de l’État (APE), dont le directeur général Alexis Zajdenweber était présent. «Nokia a été un très bon investisseur. L’APE est un actionnaire de long terme. On souhaite que l’entreprise soit rentable pour financer le développement du futur», explique-t-il.

Les câbles de fibre optique, un sillon géostratégique

Si les besoins en connectivité du monde entier sont en très forte croissance et placent ASN dans une position a priori confortable, le contexte géopolitique et la constitution d’un monde multipolaire peuvent minorer l’enthousiasme de l’État. Ce dernier aura néanmoins marqué un point pour «renforcer la souveraineté numérique de la France», comme l’a dit son ministre de tutelle.

Dans les ateliers, Antoine Armand parle sécurité : «De quoi doit-on se protéger ?»... «Des rochers des grands fonds», répond le guide de la visite. «Les câbles bougent beaucoup ?», rebondit le ministre. «Non, on creuse un sillon d’environ un mètre de profondeur. Cela fait comme un rail», constate son interlocuteur. Avec des eaux territoriales de classe mondiale, la France a de quoi jouer. Avec ASN, elle pourra s’appuyer sur 2 400 salariés (dont 600 à Calais) et des actifs diversifiés comme des sites de production en Norvège, au Royaume-Uni et en France, sept navires de pose et de maintenance.

ASN rayonne et dégagera du résultat derrière son milliard d'euros de chiffre d’affaires annuel, contre 500 millions en 2018. On s’attend encore à un doublement de l’activité à brève échéance. Il ne reste qu’à clôturer les dernières opérations financières pour lever les dernières purges juridiques du dossier. Nokia restera au capital pour une «transition» puis l’Etat devrait acquérir la totalité des actions.

L’APE, bras armé de l’Etat

L’Agence des Participations de l’État est un service national sous l’autorité de Bercy qui emploie une soixantaine d’agents. Elle gère les actifs qu’elle a acquis dans 85 entreprises (dont 10 cotés sur les marchés), qui balaient les secteurs comme l’énergie, les transports, l’industrie… En tout, son portefeuille est estimé à 180 milliards d’euros (à mi-2024) contre 150 en 2023. Cette année-là, les dividendes de ses investissements avaient amené 2,3 milliards d’euros au budget général de l’État. Chez ASN, il faudra investir pour suivre la croissance du marché avant d’espérer des dividendes.

Antoine Armand ce 5 novembre. © Aletheia Press/M. Railane