30% des paysans en moins ces dix dernières années : stopper l'hémorragie
Le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs organisait à Dunkerque son 51e congrès national. Pas moins de 800 congressistes ont participé aux débats, dont le thème principal cette année était la gestion des risques. Rencontre avec le président de JA, Jérémy Decerle, qui revient sur les points importants de ces trois journées.
La Gazette : Ce 51e congrès national des JA vous a permis de vous pencher sur de nombreux sujets, à commencer par les risques. Pourquoi avoir choisi de mettre plus précisément ce thème au cœur de votre rassemblement ?
Jérémy Decerle : Chaque année, on choisit une thématique pour débattre des orientations spécifiques à notre structure. Vu le contexte agricole du moment, les aléas climatiques et la fluctuation du marché, c’était le moment pour approfondir cette question des risques. L’objectif était d’essayer d’apporter un maximum de solutions pour répondre aux différents risques, de proposer un panel d’outils permettant de faire face au mieux aux risques auxquels les exploitants agricoles sont confrontés.
Il a été question de prêts d’honneur, d’assurances, de plan de gestion des risques… Quelles suggestions ont été faites pour permettre aux agriculteurs d’anticiper les risques ? De quels outils avez-vous besoin pour gérer ces multiples crises ?
On a tenté d’aborder le sujet de manière assez large, de segmenter ce qui pouvait être du ressort national, avec la participation de l’Etat, des assurances, mais aussi avec l’appui des institutions locales… Et il y a encore du travail à faire. Au-delà de convaincre les parties prenantes, il faut trouver des outils répondant à des spécificités régionales. Mais il faut aussi envisager des possibilités au niveau européen, comme des systèmes mis en place par rapport aux aléas de gestion de marché qui permettaient d’anticiper les variation de prix et les surproductions. L’idée est de pouvoir mettre de l’argent de côté quand tout va bien et se servir de cette épargne quand la situation se complique. On travaille sur des pistes pour atteindre nos objectifs avec des outils les plus utiles possible.
Parmi les autres sujets abordés au cours de ces trois jours, la simplification, le renouvellement des générations, les aides à l’installation et à la transmission, ou encore les problématiques liées au foncier sont souvent revenus dans les échanges. Ce sont des préoccupations récurrentes. Comment comptez-vous faire avancer les choses ?
On a perdu 30% des paysans en France ces dix dernières années. Or, la richesse de notre profession ne se maintiendra que si on enraye ce déclin. Pour ça, il faut encourager les dispositifs d’aide à l’installation pour avoir des agriculteurs les plus professionnels possible, leur permettre d’être dans les meilleures conditions pour faire face aux aléas du métier et répondre aux enjeux sociaux, alimentaires, écologiques et économiques. Leur permettre aussi d’avoir un accompagnement digne de ce nom, avoir un revenu décent, travailler sur la valeur ajoutée de nos produits – ce qui passera par la réorganisation de nos filières. Ou encore que notre offre soit en adéquation avec la demande… C’est sûrement ambitieux, mais c’est notre volonté. On est dans un pays où l’on perd l’équivalent d’un département en terres agricoles tous les sept ans. L’artificialisation, le foncier indisponible, tout ça n’aide pas les jeunes à s’installer. Ce ne sont pas les seuls freins, mais c’est une question essentielle.
Quelles sont les propositions que vous comptez transmettre au gouvernement et sur lesquelles il sera dur de vous faire plier ?
On sera assez ferme sur la question de l’installation et le renouvellement des générations, mais aussi sur le maintien du dispositif d’accompagnement des jeunes, comment le renforcer et l’adapter pour faire en sorte qu’encore plus de jeunes en bénéficient. On sera également très regardant sur la reconquête de la valeur ajoutée pour qu’elle redescende dans les cours des fermes. On ne sera pas vent debout contre les différents maillons de la chaîne, mais il faut rééquilibrer les curseurs.
Vous avez reçu la visite du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Qu’en espériez-vous, au-delà du symbole ?
Nous avons beaucoup bataillé pour qu’un représentant du gouvernement nous rende visite. On ne s’attendait pas à de grandes déclarations à cause de la période (ndlr : le congrès a eu lieu juste avant les élections législatives), mais cette visite était importante. Le ministre nous a réaffirmé sa volonté de faire du renouvellement des générations une priorité, tout comme vouloir rééquilibrer le rapport de force entre les différents acteurs de la filière… Tout ça fait du bien à entendre.
La future PAC a été évoquée par le ministre, qui prévoit une concertation avec l’ensemble des acteurs à l’automne et projette de défendre «un budget le plus ambitieux possible». Comment vous positionnez-vous sur ce sujet ?
C’est rassurant, parce que c’est impossible de faire autrement si l’on veut mettre en place des outils qui répondent aux problématiques agricoles du moment. Et puis la France doit dire à l’Europe que l’agriculture paie et reste un secteur stratégique qui peut répondre aux enjeux mondiaux de demain.
Jacques Mézart est également revenu sur les besoins de modernisation et d’adaptation de la filière, sur la question de la simplification et du droit à l’erreur, sans oublier celle du juste prix. Le ministre a aussi confirmé le déblocage d’une enveloppe de 5 milliards d’euros sur cinq ans et l’organisation des Etats Généraux de l’alimentation cet été. Qu’en attendez-vous ?
On est toujours content quand on nous avance de telles sommes. Après, il faut les distribuer et les utiliser correctement : pour l’innovation, l’évolution de nos pratiques sur nos exploitations, pour répondre aux enjeux environnementaux, sociaux, pour répondre aux besoins du terrain. Vous pouvez compter sur nous pour faire des propositions.
En conclusion, comment voyez-vous l’agriculture de demain ? Et l’avenir des jeunes agriculteurs en France ?
L’agriculture aura toute sa place dans l’économie mondiale, pas uniquement pour relever le défi du renouvellement des générations, mais pour retrouver une certaine richesse et donc une rentabilité. Je reste convaincu que l’agriculture a largement sa place dans l’économie française pour devenir une puissance forte avec un peu plus de cohérence et de logique politique.