2024 : année de tous les dangers et de toutes les opportunités

Adaptation continue, mais jusqu’à quand ? 2023 s’achève dans un contexte conjoncturel plus que houleux. Semaine après semaine, le millefeuille des incertitudes ne cesse d’augmenter. La crise géopolitique en marche conditionnée par le récent conflit israélo-palestinien accentuera les problématiques nationales déjà présentes. Crise énergétique, immobilier en berne, insécurité générale, inflation maîtrisée mais à un niveau élevé, les répercussions locales sont déjà palpables. Les transitions en marche aujourd’hui tentent de cohabiter avec cette gestion du quotidien de plus en plus délicate pour la sphère entrepreneuriale. Industrie, bâtiment, travaux publics, services, commerce, tous les pans de l’activité des territoires s’interrogent pour construire l’avenir. Quid du comment en local ? 2024 s’annonce déjà comme l’année de tous les dangers, et de toutes les opportunités…

2024 arrive à grande vitesse avec son lot d’interrogations sur l’évolution générale de la conjoncture et les répercussions sur nos territoires
2024 arrive à grande vitesse avec son lot d’interrogations sur l’évolution générale de la conjoncture et les répercussions sur nos territoires

«L’année 2024 sera plus difficile que 2023 ! Nous entrons réellement dans le solde de la période Covid !» C’était le 15 novembre à Nancy, François Asselin, le président national de la CPME allait intervenir devant ses troupes meurthe-et-mosellanes dans les Grand salons de l’hôtel de ville de Nancy. «L’économie est un cycle. Il y aura des perturbations et de la casse. L’investissement va être bien moindre pour bon nombre d’entreprises et beaucoup vont mettre un genou à terre.» 

En quelques mots, il résume la situation actuelle et les perspectives des mois à venir. En 2024, l’écosystème entrepreneurial va entrer encore un peu plus dans le dur. «Nous sommes aujourd’hui dans une phase de décélération», note de son côté Jean-Paul Nollet, le président du groupe de travail conjoncture du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) Grand Est à l’occasion de la présentation de son 21e tableau de bord de la conjoncture économique de la région fin novembre. 

Tous les voyants s’affichent à l’orange pour ne pas dire au rouge et interrogent légitimement sur la réelle vitalité économique de la région. Signe évocateur, «la balance commerciale se tasse même si la tendance demeure positive.» Une tendance positive tirée par les exportations agricoles et agroalimentaires. Sans ces deux secteurs, la balance commerciale régionale serait déficitaire, une première depuis la création de la région Grand Est !


Modèles économiques remis en cause

Le solde commercial de la région affiche aujourd’hui 1,4 milliard d’euros soit 5 milliards de moins qu’en 2021. Aura-t-on un jour une balance commerciale négative dans le Grand Est ? La question est aujourd’hui posée. «Il est certain que 2024 sera beaucoup plus compliquée que 2023. Il existe naturellement une disparité selon les secteurs. Le numérique et la tech en général continuent leur développement mais les secteurs traditionnels, à l’image du bâtiment ou de l’industrie, sont en difficulté certaine. Les entreprises qui affichent aujourd’hui un modèle économique qui ne fonctionnent plus risquent de disparaître», assure Benoît Voinot le directeur général du groupe ILP, fonds d’investissement régional. 

Quid des autres ? La réponse apparaît toute trouvée. Les défaillances d’entreprises s’accélèrent avec un rythme de 1 000 défaillances par trimestre au niveau national. Sur un an, la hausse régionale affiche les 49,2 % dont 38,4 % pour la Meurthe-et-Moselle, 60,8 % pour la Moselle, 48,1 % pour les Vosges, seul la Meuse enregistre une baisse de 14 %. «Cette tendance devrait se poursuivre car bon nombre de TPE et de PME n’ont pas la trésorerie pour faire face au remboursement des PGE (Prêt garanti par l’État)», continue le président du groupe de travail conjoncture du Ceser Grand Est. D’après les chiffres fournis par le Ceser Grand Est, 40 % des entreprises ont remboursé leur PGE aujourd’hui et 60 % sont donc en phase de remboursement, du moins si elles le peuvent. 

«Les modèles économiques qui sont rentables mais qui traversent des difficultés, que l’on espère temporaires, pourraient être maintenus en injectant des fonds propres», continue le directeur général du groupe ILP. La trésorerie demeure le nerf de la guerre, si elle ne sert qu’au remboursement des PGE, impossible d’investir donc d’assurer un développement face à des marchés changeant. C’est dans ce contexte où la structure financière des entreprises va être l’élément moteur (ou non) de la poursuite d’activité, que l’année 2024 se profile. 

La résilience d’hier se mue en adaptation continue. Les différents plans stratégiques de développement engagés notamment au niveau des différentes transitions, énergétique, numérique mis en œuvre dans la région et leur déclinaison en local se veulent être les moteurs d’un développement dans un futur plus ou moins proche. La région abat ses cartes et ses atouts et ils sont nombreux.


Adaptation structurelle

Exemple typique dans l’univers de la transition énergétique où la filière hydrogène en cours de réelle structuration pourrait s’afficher comme un vecteur de croissance indéniable. Au même titre que le développement du photovoltaïque avec l’annonce de l’implantation, notamment en Moselle et bientôt, selon certaines sources, en Meurthe-et-Moselle, d’industriels spécialisés dans la fabrication de panneaux solaires. 

La quasi-totalité des territoires s’engage dans cette transition énergétique, mère de tous les développements. Dans sa dernière livraison du label Territoire d’Industrie, programme étatique lancé en 2018 afin d’amplifier la dynamique de réindustrialisation dans les territoires, trois territoires meurthe-et-mosellans sont présents, Val de Lorraine, le Pays du Lunévillois et Terres de Lorraine. Ce dernier ambitionne de développer son tissu industriel en intégrant les problématiques nouvelles dont la transition environnementale. Requalification des friches, investissements pour le maintien d’infrastructures stratégiques pour le transport du fret ou encore déploiement d’un plan de développement de production d’ENR photovoltaïque. 

Un genre de réindustrialisation version ENR qui entraîne également son lot d’interrogations et vu, par certains, avec une extrême vigilance. Cette adaptation, aussi bien structurelle que sur le développement de nouvelles activités, s’opère dans un climat conjoncturel national et international des plus mouvementés. 

«L’incertitude est de mise, c’est indéniable ! Il nous est aujourd’hui difficile de se projeter mais si vous ne faites rien, vous courez directement à la perte. Il nous faut aujourd’hui saisir toutes les opportunités mais encore faut-il que l’on puisse les maîtriser», assure bon nombre de chefs d’entreprise. Allez de l’avant en tentant d’éviter les embûches, 2024 s’annonce sportive et rien à avoir avec les futurs Jeux Olympiques à Paris...

Liaison ferroviaire Lorraine vers le Sud : déraillement en vue ?

Le bout du tunnel pour un retour réel des liaisons ferroviaires de la Lorraine vers le Sud ? Cela semblait être sur des bons rails depuis l’annonce du cabinet du ministre des Transports, le 26 octobre, de la mise en place d’un Train d’équilibre du territoire (TET) reliant la Lorraine à Lyon et au sud de l’Hexagone. Cela risque de coincer, voire même tout simplement de dérailler, au niveau de son financement. Dans une phase transitoire, les premiers trains pourraient rouler à partir de 2025 grâce à des rames prêtées par la Région Grand Est. Deux allers et retours quotidiens entre Metz et Lyon via Nancy, Toul et Dijon sont programmés. Clément Beaune, le ministre des Transports a assuré le soutien financier de l’État. Il devrait prendre en charge la moitié du déficit prévisionnel d’exploitation. Le financement de cette phase transitoire a été discuté avec les collectivités territoriales concernées fin novembre. La pilule ne passe pas pour bon nombre ! «L’État nous a présenté la facture : 33,8 M€. Comment cette facture a-t-elle pu exploser de la sorte en à peine quelques semaines ? Avec en plus, un temps de parcours qui ne sera manifestement pas compétitif, c’est-à-dire un déficit d’exploitation qui risque fort de se creuser, c’est-à-dire potentiellement un train d’équilibre du territoire dont la perspective sera remise en cause d’ici à 2029», assure Chaynesse Khirouni, la présidente du département de Meurthe-et-Moselle.