Trois questions à Anaïs Bouchard, directrice artistique et stratégie d'innovation de À Demain, agence de design écoresponsable
«Zeca récompense ceux qui ont une consommation le plus bas carbone possible»
Dans l'hypermarché de demain, le consommateur qui dépense les montants les plus élevés n'est pas récompensé ! Une agence de design a imaginé un modèle basé sur une logique totalement nouvelle, qui vise l'objectif zéro carbone. La grande distribution y prête un œil attentif.
Qu'est-ce qui vous a motivé à imaginer le supermarché du futur ?
A elle seule, la chaîne alimentaire représente le tiers des émissions carbone dans le monde ! Il nous a donc semblé nécessaire et urgent de montrer une voie ambitieuse aux distributeurs et aux marques qui ont plutôt une vision de court terme. Il faut impérativement réfléchir à la consommation de demain. L'objectif européen de neutralité carbone en 2050, par exemple, implique d'être prêt dès 2035...
Par ailleurs, notre démarche se base sur le constat de plusieurs évolutions : en France, où les hypermarché sont historiquement très implantés, la rentabilité au mètre carré de ces établissements subit un lent effritement depuis plusieurs années, phénomène qui s'accompagne d'un désamour des consommateurs vis-à-vis de ces lieux très artificialisés. Et aujourd'hui, les distributeurs préfèrent tourner leurs investissements vers leur réseau de proximité.
Autre tendance nouvelle, les Français sont de plus en plus sensibilisés à la mesure de l'empreinte carbone de leurs activités du quotidien : ils disposent déjà du bilan carbone de leur voyage quand ils prennent le train ou l'avion ou pour leur consommation d'énergie. Sur ce point comme sur d'autres, les consommateurs vont s'attendre à une évolution de la part des distributeurs.
A quoi ressemble Zeca, votre nouveau modèle ?
Imaginez un hypermarché situé en zone péri-urbaine. Il pourrait devenir... un hub qui regroupe plusieurs fonctions, un centre de l'alimentation plutôt que de la consommation : le parking deviendrait un champs, le bâtiment, un lieu de production, de transformation et de revalorisation des aliments. En fait, ces hubs ont avant tout une vocation pédagogique et proposent des expériences au public : une famille veut venir apprendre à faire son pain, regarder comment se fabrique un fromage... Ce lieu, où l'on peut aussi passer commande, permet d'alimenter un réseau de magasins de proximité. Et les produits locaux y occupent une place centrale, même si les magasins ont aussi besoin de distribuer une gamme plus large.
Par ailleurs, ces lieux représentent beaucoup de mètres carrés qui sont valorisables. Il est possible de les désartificialiser en compactant les parkings, en laissant place à des cultures, de produire de l'énergie, par exemple en mettant des panneaux solaires sur les toits... Le nom, Zeca, fait référence à zéro carbone : il s'agit d'un réseau de distribution grand public zéro carbone qui réconcilie le consommateur avec l'environnement, en le récompensant pour ses gestes du quotidien.
Sur quelle logique est basé Zeca ? Peut-elle réellement intéresser les acteurs de la grande distribution ?
La logique de Zeca est entièrement tournée vers le zéro carbone, ce qui en fait un modèle totalement différent de la grande distribution actuelle. Sur le choix des produits, Zeca favorise ceux à l'empreinte carbone la plus limitée possible en prévoyant la production ou la transformation de produits sur place, alors que le point faible de la distribution aujourd'hui est de compter beaucoup d'intermédiaires. Les distributeurs mettent en avant des produits d'appel ou ceux à forte marge. Chez Zeca, ce sont les produits bas carbone qui sont valorisés.
Dans le même sens, quand la grande distribution accorde une prime aux clients qui consomment le plus, Zeca récompense ceux qui ont une consommation le plus bas carbone possible, notamment en achetant des produits zéro déchet, ou en ramenant des déchets valorisables...Zeca a été conçu avec des experts du zéro déchet, du commerce, du marketing, de l'aménagement de l'espace dans la grande distribution. Son modèle économique n'est pas encore établi, mais nous travaillons actuellement avec les pôles innovation de grands réseaux de distribution : ils sont à l'affût de cette approche totalement différente qui naît d'un changement radical de perspective.