Le Tunnel sous la Manche fête ses 30 ans

Yann Leriche : «Le Tunnel est devenu un lien vital»

Le 6 mai 1994, le Tunnel sous la Manche était inauguré. Trente ans plus tard, l’infrastructure a démontré sa fiabilité et s’est rendue indispensable. Plongée dans les coulisses d’une entreprise unique au monde.

Yann Leriche, directeur général de Getlink. © Aletheia Press / Valentin De Poorter
Yann Leriche, directeur général de Getlink. © Aletheia Press / Valentin De Poorter

Le 6 mai dernier à Coquelles, Getlink a fêté les trente ans d’Eurotunnel. L’occasion de plonger dans les coulisses du Tunnel sous la Manche, inauguré le 6 mai 1994, après six ans de travaux. Aujourd’hui, 25% des échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Royaume-Uni passent par le Shuttle, en faisant un outil stratégique. «Le Tunnel est devenu un lien vital», a analysé Yann Leriche, directeur général de Getlink. «Si, pour une raison ou une autre, il ne pouvait pas remplir sa mission, c’est l’ensemble de l’économie britannique qui serait impactée».

Quotidiennement, ce sont 400 trains et navettes qui partent toutes les 4 minutes. L’an dernier, les navettes ont ainsi transporté 2,2 millions de véhicules de tourisme et 1,2 million de camions, faisant du Tunnel sous la Manche l'autoroute ferroviaire la plus fréquentée au monde. Un bilan de fréquentation qui porte un bilan financier robuste. En 2023, Eurotunnel a généré un chiffre d’affaires en hausse de 8% à 1,1 milliard d’euros.

«Nous sommes armés pour le futur»

Cet ouvrage et ses équipements, malgré les années et les cadences, continuent d’assurer leurs missions grâce à une maintenance quotidienne et des investissements. «Notre travail est de faire évoluer tous les équipements, de les remplacer par les dernières technologies et de nous assurer que toute obsolescence soit traitée», avance Laurent Brouttier, manager power supply et caténaires. Depuis 1994, les rails ont ainsi été remplacés trois fois par la centaine de techniciens qui, les nuits de vendredi, samedi et dimanche, entrent dans les tunnels pour assurer les travaux de maintenance.

«Nous sommes armés pour le futur parce quon investit dans notre infrastructure», reprend le directeur général de Getlink. Le dernier investissement en date : le Statcom, plus puissant compensateur statique synchrone du monde, mis en service début 2023. Un investissement de 45 millions d’euros pour améliorer le flux d’électricité et accueillir les locomotives dernière génération. En 2018, l’entreprise inaugurait déjà son usine de refroidissement, plus grand système dans le genre en Europe. «Tout a été surdimensionné pour maîtriser les températures dans le Tunnel», relate Sébastien Feutry, responsable de l’usine de refroidissement.

Située à Sangatte, la nouvelle usine de refroidissement a permis de réaliser 40% d’économie d’énergie par an. © Aletheia Press/Valentin De Poorter

Une maintenance quotidienne

Du côté du matériel roulant, ce ne sont pas moins de 350 salariés qui entretiennent la flotte de navettes. Dans le bâtiment «F46», le plus grand bâtiment de maintenance ferroviaire d’Europe, les neuf navettes sur lesquelles embarquent les véhicules de tourisme – longues de 800 mètres – sont révisées tous les 44 jours. «On est sur une maintenance qui se déroule entre un et quatre jours», détaille Sophie Crepin-Carly, manager du service production-maintenance.

Tous les trois ans, après 700 000 kilomètres, les navettes sont entièrement désossées pour une révision de six semaines. «On travaille de plus en plus sur la maintenance prédictive. On va saider de lintelligence artificielle et de lanalyse des données pour anticiper et prédire les problématiques que les trains peuvent rencontrer avant que les problèmes ne se produisent», développe Sophie Crepin-Carly.

Un projet plus important est en cours. «On va totalement désosser la navette et remplacer 100% des organes», explique Fabrice Paris, manager du service mouvement et coordination. La première navette entièrement rénovée devrait sortir des ateliers à la fin de l’année, au rythme d’une navette par an dans le cadre d’un contrat avec Alstom. De leur côté, les navettes fret ont déjà été renouvelées une fois.

Sous la mer, un passage de service permet aux techniciens d’accéder aux tunnels ferroviaires pour assurer la maintenance de l’infrastructure. © Aletheia Press/Valentin De Poorter

Un renouvellement du personnel à venir

Parmi les 2 700 salariés d’Eurotunnel – dont 1 800 côté français –, beaucoup sont entrés dès les premières années et prendront bientôt leur retraite. «Il y a 800 personnes dans la concession qui ont plus de 25 ans d’ancienneté», indique Guillaume Rault, directeur des opérations d’Eurotunnel. «Notre enjeu doit être de recruter et de remplacer ces équipes dans les prochaines années». Aujourd’hui, un jeune sans qualification peut être employé, confirme Denis Lavoisier, responsable des formateurs au Ciffco, l’organisme de formation ferroviaire de Getlink. «On va demander des prérequis, mais ensuite, on va apporter tout ce dont il a besoin pour réaliser son travail».

Dans les prochaines années, l’entreprise devrait encore accélérer la cadence. «Aujourd’hui, 400 trains circulent quotidiennement. On est largement capable de doubler ce chiffre pour de nouvelles perspectives : joindre Genève, Cologne ou Francfort à Londres», imagine Yann Agneray, manager du service client fret. Il y a encore énormément de choses à faire».

Dans le bâtiment «F46», long de 850 mètres, les navettes sont montées sur des rails surélevés pour assurer leur maintenance. © Aletheia Press/Valentin De Poorter