World Forum Lille 2012 : quand responsabilité rime avec rentabilité

Du 14 au 16 novembre 2012 s'est tenue au Grand-Palais de Lille la 6e édition du World Forum Lille, la manifestation de la responsabilité sociétale des entreprises. L'équipe de Philippe Vasseur, président du réseau Alliances et du World Forum Lille, a une nouvelle fois réussi à innover sur l'organisation de l'événement.

Conférence sur la valeur entrepreneuriale, en présence de Denis Terrien au centre des débats.
Conférence sur la valeur entrepreneuriale, en présence de Denis Terrien au centre des débats.

Le thème de cette année était «Entreprises responsables entreprises rentables» ou comment allier la performance tout en respectant les personnes et l’environnement. Des intervenants du monde entier – entreprises mais aussi fondations, think tanks, réseaux d’entreprises, universitaires, instituts, coopératives, observatoires, associations … − sont venus témoigner, chacun avec sa recette, sa bonne idée, sa pratique terrain, sa success story.

 

La troisième révolution industrielle. L’invité d’honneur était Jeremy Rifkin, président de Foundation of Economic Trend (USA). Il a été récemment missionné par la Région et la CCI Nord de France pour piloter sur le territoire une démarche d’étude stratégique visant le déploiement d’un nouveau concept. «La troisième révolution industrielle» résulte «de la jonction de la communication par Internet et des énergies renouvelables. Au XXIe siècle, des centaines de millions d’êtres humains vont produire leur propre énergie verte dans leurs maisons, leurs bureaux et leurs usines et la partager entre eux sur des réseaux intelligents d’électricité distribuée – sur l’inter-réseau − exactement comme ils créent leur propre information et la partagent sur Internet» selon les termes de Jeremy Rifkin, et ce, à l’instar des deux précédentes révolutions économiques au XVIIIe et XIXe siècle, «alimentées chacune par de nouvelles technologies de communication et de systèmes d’énergie innovants».

 

Visibilité des PME. Depuis six ans, le World Forum Lille a réussi à mobiliser 18 000 participants, à chaque fois autour de thèmes différents : «Diversité et égalité des chances pour l’emploi» (2007), «Nourrir et protéger la planète» (2008), «L’argent responsable» (2009), «La voie de l’entreprise responsable» (2010), «Oser la richesse» (2011). Depuis 2007, 650 fiches descriptives de bonnes pratiques ont été recensées et sont en libre disposition sur le site www.reseau-alliances.org. Cette année, parmi les différentes manifestations, un effort a été fait pour donner plus de visibilité aux TPE/PME mais aussi aux initiatives locales et régionales. Ont été communiqués les résultats d’une étude menée par le réseau Alliances et la CCI Nord-Pas-de-Calais en octobre 2012 sur «Le bilan de la transformation du modèle économique des entreprises en région, basée sur l’intégration de la RSE à leur stratégie et activité» (voir www.worldforum-lille.org). Et 70 bonnes pratiques ont été mises en valeur lors de conférences, temps forts, déjeuners thématiques et ateliers de travail. Une présentation de la RSE dans les différents continents a été proposée. L’objectif de ces trois jours du World Forum Lille reste toujours le même : inspirer et convaincre d’autres entreprises de s’engager dans une démarche RSE et proposer des outils concrets pour passer à l’action (base documentaire, formation, partage d’expériences).

 

Encadré 1 : Le Village

Anne Henry-Castelbou

Le Village du World Forum Lille 2012.

Au niveau décor, ne vous méprenez pas : ces installations sphériques, voire futuristes, composaient le nouveau Village du World Forum Lille 2012. Véritable hall de rencontre des participants, à la confluence des différentes salles de conférences situées tout autour. Les sphères ont notamment accueilli pendant trois jours des déjeuners thématiques. Les participants commandaient un plateau repas et, pendant une heure et demie, suivait une conférence-débat sur différents thèmes. Opération à succès puisqu’à chaque déjeuner se retrouvaient une vingtaine de personnes en moyenne. Les thèmes étaient variés : «Création d’entreprise, RSE et international», «L’éthique ludique pour vos collaborateurs», «Des achats durables aux achats responsables»…

 

Encadré 2 : La RSE dans les pays africains

Anne Henry-Castelbou

Déjeuner thématique «La RSE dans les pays africains».

La nouveauté du World Forum 2012 était de présenter la RSE dans les différents continents. Ce fut chose faite pour l’Afrique lors d’un déjeuner thématique organisé et animé par Thierry Téné, de l’Institut Afrique RSE, basé à Lille. «La notion de RSE est présente sur le continent africain, et ce, pour plusieurs raisons. La classe moyenne − soit 313 millions d’habitants avec un pouvoir d’achat significatif entre 4 et 20 dollars par jour − tire l’économie et est de plus en plus regardante sur la RSE. Par ailleurs, les entreprises européennes poussent leurs partenaires et filiales africains à entrer dans cette démarche. La RSE commence à faire partie des outils stratégiques des entreprises africaines. Enfin, si l’Afrique veut garder ses cadres, les entreprises se doivent de véhiculer ces nouvelles valeurs. La RSE est donc aujourd’hui un outil de compétitivité sur le continent africain. Et notre Institut se déplace régulièrement dans des forums RSE au Sénégal, en Côte-d’Ivoire, etc. pour mener des conférences à ce sujet.»

 

Encadré 3 : “LOL Project”

Anne Henry-Castelbou

David Ken, auteur du "LOL Project", entouré par son équipe

Projet innovant que celui de ce photographe belge, David Ken, installé à Paris et présent au World Forum Lille, qui, depuis 2009, photographie des personnes qui «rient à gorge déployée» (soit LOL, “Laughing Out Loud”). A chaque fois, en 15 min dans son studio, il réussit à saisir le moment où l’individu se lâche en explosant de rire. Après avoir fait le portrait de 2 600 personnes et créé une communauté de 50 000 personnes sur Facebook autour de son projet, David Ken travaille de plus en plus avec les entreprises : «Au départ, j’ai mené cette expérience dans les hôpitaux. L’objectif était de créer un mur LOL, avec les portraits de patients, médecins et partenaires qui soutenaient la démarche. Résultat : les médecins m’ont confié que durant les quelques jours où j’étais présent à l’hôpital, on donnait moins d’antidépresseurs !» Aujourd’hui, David Ken travaille avec des sociétés qui financent des journées LOL en entreprise et des journées LOL à l’hôpital. Il installe son studio quelques jours dans l’entreprise puis dans l’hôpital afin de réaliser les portraits. Ensuite, il crée d’immenses mosaïques de portraits LOL des employés, des patients, de leurs proches, du personnel soignant en plein lâcher-prise, qui seront accrochées dans l’entreprise et à l’hôpital. L’objectif est de faire du bien aux malades, d’amener du positif à l’hôpital Et pour l’entreprise, c’est une opération de team building, de cohésion d’équipe autour des valeurs de la société. Plusieurs murs ont ainsi été financés dans les hôpitaux de Garches, Robert-Debré, Hôpital Necker… Coût pour l’entreprise : entre 7 500 et 10 000 euros le projet. Pour plus d’info : www.lolproject.com ou 06 69 68 14 25.

Encadré 4 : Global Union for Sustainability (GUS)

Julie Nicolas Cerdd

Lancement de la GUS, par Claude Lenglet, vice-président du World Forum Lille, en présence de la délégation du Nord-Pas-de-Calais présente au Sommet de Rio en juin dernier, avec notamment Myriam Cau, vice-présidente du Conseil régional.

Le dernier jour du World Forum était lancée la Global Union for Sustainability, portée en France notamment par Claude Lenglet, vice-président du World Forum Lille. Officiellement, elle a été créée le 22 juin 2012 dans le cadre du Sommet de la Terre à Rio, à l’initiative de l’institut Ethos1, avec le soutien de nombreuses organisations, dont le World Forum Lille et le Global Compact. La Global Union for Sustainability est une «union d’entreprises, d’organisations et d’individus qui s’engagent publiquement à mener des actions simples, concrètes, mesurables avec leurs indicateurs, pour faire progresser les thèmes du développement durable». L’objectif est de rassembler le plus d’engagements possibles pour constituer un pouvoir d’influence sur les acteurs économiques, les organisations, les pouvoirs publics.

Comment participer ? La Global Union for Sustainability est composée par ses membres, un comité global et un secrétariat exécutif. Pour devenir membre, il suffit d’adhérer aux principes et de déclarer un engagement RSE. L’engagement décrit les actions, les indicateurs de mesure et le délai pour les atteindre, qui ne doit pas dépasser quatre ans. Ces engagements sont publiés sur le site internet de la GUS. Le comité global et le secrétariat exécutif sont ouverts à toute organisation désirant s’impliquer plus fortement : il faut avoir adhéré aux principes de la GUS, avoir déclaré son propre engagement et faire la promotion de la GUS dans sa sphère d’influence.

Pour la GUS, «il est urgent d’agir et de transformer nos modèles économiques. La GUS permet à chacun, quels que soient ses responsabilités, ses moyens, son pouvoir d’influence, de participer à son propre niveau et de bénéficier de l’impulsion donnée par les autres membres».

Pour plus d’information : www.globalunionsustainability.org

 

1. Partenaire du World Forum Lille depuis l’origine, l’institut Ethos est une organisation majeure dans le domaine de la responsabilité sociétale de l’entreprise au Brésil, et une référence mondiale sur ce thème.

 

Encadré 5 : La valeur entrepreneuriale

Anne Henry-Castelbou

Conférence sur la valeur entrepreneuriale, en présence de Denis Terrien au centre des débats.

Parmi les nombreuses conférences du World Forum Lille, citons celle sur “Valeur entrepreneuriale : valoriser aussi la capacité de l’entreprise à durer de manière profitable et responsable“, menée par Davide Dal Maso, fondateur d’Avanzi (Italie), expert en RSE et finance éthique. A ses côtés étaient présents Ahmed Bin Ali, vice-président de Corporate Communications Etisalat (Emirats arabes unis) et Denis Terrien,  depuis 2011 président de l’association patronale Entreprises et Progrès, et directeur général du Groupe 3 Suisses international. Ce dernier a développé la notion de valeur entrepreneuriale, cette capacité à durer de manière profitable, promue par l’association Entreprises et Progrès : «Les chefs d’entreprise qui font partie de l’association essayent de travailler avec leur tête, leur cœur et leurs tripes. La tête, c’est la capacité à mesurer tout ce qui se compte, à suivre la valeur financière de l’entreprise. Mais il faut faire attention car elle amène souvent à des décisions à court terme. Elle peut aboutir à l’épuisement des ressources. Ce n’est qu’un algorithme basé sur les ventes, les marges, le profit. Le cœur, c’est la responsabilité du chef d’entreprise vis-à-vis des autres. C’est sa capacité à mettre en œuvre une politique de RSE. Car une entreprise, c’est une aventure humaine, c’est un projet partagé par les hommes, c’est une vision commune avec les partenaires (fournisseurs, clients …).» Mais, selon Denis Terrien, il faut aller plus loin : «Le chef d’entreprise doit avoir des valeurs entrepreneuriales. Par exemple, une entreprise de distribution doit tous les ans trouver 20% de produits nouveaux pour maintenir son activité ; une entreprise de conseil doit avoir 10 à 20% de turn-over par an pour assurer un renouvellement de compétences. Ce sont autant de valeurs non financières qui ne se mesurent pas en RSE mais garantiront à terme le succès de l’entreprise. Pour être efficient, la valeur entrepreneuriale doit s’inscrire dans la durée, faire partie des processus de décision, voire des critères de rémunération des dirigeants.»