En pointe sur le marché de la consigne

Wambrechies : Le Fourgon tourne à plein régime

Et si Le Fourgon signait le retour des boissons consignées ? La start-up créée par trois entrepreneurs engagés a déjà séduit 15 000 adeptes bien au-delà des Hauts-de-France. Elle est aujourd'hui l'entreprise qui génère le plus de réemploi en France.

Charles Christory, cofondateur du Fourgon, dont le siège social, adossé à un entrepôt de 2 600 m2,  est situé à Wambrechies.
Charles Christory, cofondateur du Fourgon, dont le siège social, adossé à un entrepôt de 2 600 m2, est situé à Wambrechies.

Cela fait partie des bonnes vieilles pratiques remises au goût du jour et qui permettent de faire un geste pour la planète : la consigne. Autrefois largement démocratisée – notamment par la fameuse tournée du laitier –, elle avait été abandonnée avec l'essor de la grande distribution dans les années 1960, pour revenir en force aujourd'hui.

«Chaque jour, 36 millions de bouteilles plastiques sont jetées en France. Il y a un degré de conscience écologique que chacun doit avoir.» Le fondateur d'Adictiz – entreprise lilloise créée en 2008, connue pour son jeu Paf le chien et qui s'est ensuite tournée vers le jeu marketing à destination des marques – s'est donc lancé un nouveau défi après avoir revendu sa société au bout de dix ans. Et c'est entouré de deux associés, Stéphane Dessein et Maxime Tharin, qu'il a créé, en mars 2021, Le Fourgon, spécialisée dans la livraison de boissons consignées.

Entrepreneurs à impact

«Ce qui nous a ressemblé tous les trois, c'est l'envie de changer les choses en termes d'impact. Quitte à avoir un projet, autant qu'il soit en accord avec nos valeurs écologiques. En tant qu'entrepreneur, on se doit de le faire.» Les boissons consignées sont vite apparues comme une évidence : «Chaque bouteille réemployée permet d'économiser 370 g de CO2. En France, certes il y a le tri, mais on ne recycle que 20% du contenu d'une poubelle : 40% sont brûlés et 40 autres pourcent sont enfouis. C'est bien de revaloriser mais il faut surtout retraiter le problème à l'origine.»

En somme, revenir aux efficaces pratiques d'avant et qui fonctionnent par exemple très bien en Allemagne. Selon le Centre européen de la consommation, 98,5% des bouteilles et canettes allemandes sont recyclées, contre 56% des bouteilles en plastique en France et 43% des canettes. Il reste donc du chemin à parcourir.

Une fois récupérées lors des livraisons, les bouteilles sont lavées par des partenaires, pour repartir ensuite chez les producteurs.

S'il y a une centaine d'années, les petites brasseries réalisaient à la fois la production, la livraison et la récupération de leurs bouteilles, l'industrialisation de la consommation et l'arrivée de la grande distribution dans les années 1970 ont modifié les habitudes de consommation. «On a voulu régler la contrainte que peut représenter la consigne et aujourd'hui les consommateurs n'y sont plus habitués. Acheter des bouteilles en verre, c'est lourd et contraignant. Quand nous avons créé le Fourgon, le but était de diminuer l'empreinte carbone des boissons. Nous avons donc décidé de livrer gratuitement.» Et aux prix du supermarché et avec un taux d'engagement proche de la perfection puisque 98% des bouteilles livrées sont récupérées.

Sur le site du Fourgon, on trouve 450 références réparties en sept catégories : bière et cidre, eau, jus et soupe, lait, soda, thé et café, vin et autres alcools. En majorité locales, ces références n'étaient que 180 à la création. Rapidement, Le Fourgon a étendu sa gamme. Côté local oblige, l'offre de Lille ne sera pas la même à Nantes ou à Lyon.

Le fonctionnement

L'idée du Fourgon, c'est de créer une boucle vertueuse, la moins énergivore possible et la plus simple pour le consommateur : lorsque le livreur vient déposer la commande, il récupère les caisses de bouteilles vides, qui reviennent ensuite dans l'un des six entrepôts de la région (Lesquin, Wambrechies, Dunkerque, Amiens, Lens et Valenciennes).

«Ensuite, on fonctionne avec des partenaires locaux, comme Haut la Consigne sur la métropole lilloise, qui lavent les bouteilles pour les producteurs. Certaines bouteilles repartent directement chez les industriels – comme pour Coca ou Saint-Amand – quand ils sont équipés de laveuses.» Une boucle qui permet aussi aux industries de prendre le pas de la consigne, certes déjà engagée auprès du secteur des cafés-hôtels-restaurants, mais pas encore du côté du particulier, freinée par une logistique trop contraignante.

«La consigne était un marché en décroissance. Pour la remettre au goût du jour, les usines doivent réinvestir dans un nouvel outil de production. Les industriels essaient d'investir sur le recyclage du plastique, mais leur métier n'est pas de distribuer et de récupérer. Finalement, notre métier c'est de la logistique !» Pour qu'elle soit réemployable, la bouteille doit disposer d'une étiquette hydrosoluble. Elle peut ensuite être réutilisée jusqu'à 40 fois.

4,5 millions d'euros levés pour accélérer le développement

Un an et demi après la création, Le Fourgon enclenche la vitesse supérieure : un premier tour de table a récemment permis de lever 4,5 millions d'euros auprès de business angels et de fonds nationaux. Parmi lesquels les fondateurs de Frichti, de Foodchéri, de Michel&Augustin, de Batch, de Captain Train, etc., et le régional Mathieu Tarnus, fondateur de Sarbacane. «Ouvrir un entrepôt est un investissement conséquent. On va bien sûr continuer à ouvrir dans les Hauts-de-France. Nous venons d'arriver à Nantes et Rennes, et on prévoit une nouvelle ville lancée chaque mois, avec Angers dès le mois d'octobre, puis Strasbourg, Bordeaux et Toulouse.» Un développement rapide donc, avec l'ambition de doubler les effectifs pour atteindre 200 à 250 salariés d'ici un an.

Actuellement, 300 000 bouteilles sont recyclées chaque mois, avec la volonté de monter à 1,5 million l'an prochain. Quinze véhicules électriques – assemblés à Valenciennes, avec des batteries fabriquées dans le Nord, tient à préciser Charles Christory – livrent les 15 000 clients que compte le Fourgon. Les camionnettes jaunes n'ont donc pas fini de sillonner les routes de la région et bien au-delà...