Violences sur mineurs en famille d'accueil: les premiers prévenus nient les accusations

"Beaucoup d'enfants sont des menteurs": les premiers prévenus ont nié lundi à Châteauroux toutes les accusations de violences, lors du procès de familles jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains auraient subi des violences...

Des avocats et des enfants placés posent devant le palais de Justice avant l'ouverture du procès à Châteauroux, dans le centre de la France, le 14 octobre 2024 © JEAN-FRANCOIS MONIER
Des avocats et des enfants placés posent devant le palais de Justice avant l'ouverture du procès à Châteauroux, dans le centre de la France, le 14 octobre 2024 © JEAN-FRANCOIS MONIER

"Beaucoup d'enfants sont des menteurs": les premiers prévenus ont nié lundi à Châteauroux toutes les accusations de violences, lors du procès de familles jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains auraient subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé.

"Je n'ai jamais vu de violences à la maison, ni de mon mari, ni de mon fils", martèle la mère d'un des principaux prévenus, Colette M., à la barre. "Je suis écoeurée des enfants, beaucoup sont des menteurs."

Plusieurs jeunes ont pourtant accusé son fils Julien M., mais aussi son mari Antoine M., de violences, notamment de "gifles" et de "clés de bras".

Elle admet tout juste des "tapes sur la tête", façon de "remonter les bretelles" de jeunes "difficiles", "déstructurés", qui "pétaient souvent les plombs". 

"Il faut faire des efforts" quand on est adopté, dit-elle encore, dans un mélange de froides déclarations dénuées d'empathie.

Cette retraitée de 72 ans exerçait avec agrément jusqu'à la condamnation de son mari pour agression sexuelle sur mineure en 2007, pour laquelle il a été relaxé depuis.

Colette M. va toutefois continuer d'accueillir des jeunes grâce à un agrément "jeunesse et sport", qui n'autorise en théorie que l'accueil de courte durée.

En réalité, elle conservera la garde des enfants souvent plus longtemps, parfois plusieurs mois, prétextant que l'Aide sociale à l'enfance (ASE) "lui demandait de les garder".

"Ces enfants n'ont jamais manqué d'amour", affirme-t-elle à la barre, emmitouflée dans son pull gris, sans exprimer la moindre compassion pour les victimes présentes.

Elle reconnait seulement les faits de fraude fiscale, presque une décennie sans payer d'impôts. "Je suis un peu je-m’en-foutiste", justifie Colette M.

Son mari Antoine a également nié en bloc toutes les accusations de violences, tout comme les insultes à caractère raciste. "Je n'ai aucun souvenir de faits de violences, j'ai peut-être contenu quelqu'un d'agité, mais je suis quelqu'un de normal", assure-t-il.

Sur l'accueil de mineurs sans agrément, il s'est aussi longtemps montré hésitant. Avant de lâcher, "quelque part, oui, on est coupables".

Le fils des époux, qui doit être entendu mardi par le tribunal, reprendra leur suite, à travers la structure "Enfance et Bien-Être", dont il est l'un des cofondateurs avec Bruno C., un des principaux prévenus. 

Des dizaines d'enfants ont alors été confiés à l'association contre des sommes qui s'élèveraient à au moins 630.000 euros sur sept ans, accueillis par des familles de l'Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.

Être reconnus et écoutés

Pour Me Jean Sannier, un des conseils des parties civiles, les époux "se savent déjà condamnés". "Il y a trop d'enfants avec des horizons différents qui évoquent des faits de violences."

"Ces enfants ont été violentés, insultés, maltraités, et le silence est le roi", a dénoncé Me Myriam Guedj Benayoun, avocate de victimes.

Au moins cinq jeunes doivent témoigner lors du procès, parmi lesquels Mathias, qui s'est dit "content d'être ici". "On attend d'être reconnus et écoutés."

Selon l'enquête, l'affaire éclate à la suite de son hospitalisation pour "une chute à vélo" et qu'il refuse, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau. Un signalement au parquet est alors effectué, qui met au jour des faits répétés commis entre 2010 et 2017.

Dans ce procès, dix-huit personnes comparaissent jusqu'à vendredi devant le tribunal correctionnel, entre autres pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture. 

Ils risquent jusqu'à dix ans de réclusion en fonction des chefs d'accusation.

En revanche, aucun responsable de l'ASE ne sera jugé, ce que fustigent les parties civiles.

"On aurait souhaité que l'aide sociale à l'enfance réponde, mais elle n'est pas là, comme elle n'est pas là depuis le début", a pointé Me Guedj Benayoun.

Le président Christophe Geoffroy a dit mesurer "les attentes suscitées par ce procès". "On peut penser que d'autres personnes auraient pu comparaître, mais le tribunal ne pourra juger que ce dont il est saisi", a-t-il ajouté.

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