Violences sur des ados placés: jusqu'à sept ans de prison requis
Les "dysfonctionnements" de l'Aide sociale à l'enfance "ne doivent en rien diluer leur responsabilité pénale": jusqu'à sept ans de prison ont été requis vendredi à Châteauroux à l'encontre des principaux prévenus, jugés pour des violences sur...
Les "dysfonctionnements" de l'Aide sociale à l'enfance "ne doivent en rien diluer leur responsabilité pénale": jusqu'à sept ans de prison ont été requis vendredi à Châteauroux à l'encontre des principaux prévenus, jugés pour des violences sur des jeunes placés dans des familles sans agrément.
Les peines les plus lourdes, assorties d'un mandat de dépôt et 20.000 euros d'amende, ont été requises à l'encontre des têtes pensantes présumées du réseau, Julien M. et Bruno C., soupçonnés d'avoir brutalisé les adolescents.
"Nous pouvons placer le projecteur sur l'aide sociale et ses dysfonctionnements", a insisté la substitut du procureur Amélie Trochet. Mais "ce n'est pas l'ASE qui a, je reprends les mots de la procédure, pissé sur Matthias".
Dans sa plaidoirie en défense, Me Alban Briziou a tenté de détricoter l'image d'"ogre" de Bruno C., épaisse barbe grise et cheveux touffus, qui purge une peine de 20 ans de réclusion pour des viols répétés sur sa fille. "Un ignoble, un immonde, (...) un homme d'une noirceur qui n'est plus à démontrer", mais le seul à avoir clairement reconnu les violences qu'il a commises sur ces enfants de l'ASE, relève son avocat.
"La violence a commencé chez les M. bien avant l'arrivée de Bruno", a assuré Me Briziou. "Bruno C., son truc, ce n'est pas de frapper les gamins. C'est un pervers sexuel".
Dénonçant des réquisitions qui "tapent haut et fort pour faire bonne figure auprès des victimes", l'avocate de Julien M., Me Cathy Bouchentouf a estimé qu'on ne pouvait pas faire porter à son client "tout le malheur du monde".
Contre les parents de Julien M., Colette et Antoine, qui auraient eu également des rôles-clé dans cette affaire, ont été demandées des peines d'un an d'emprisonnement et une amende de 50.000 euros, ainsi que la saisie de leurs biens à Azérables (Creuse).
Depuis lundi, 18 personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Châteauroux, notamment pour violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture.
De 2010 à 2017, une soixantaine d'enfants ont été confiés illégalement par l'Aide sociale à l'enfance du Nord à une structure d'accueil située dans l'Indre, qui ne disposait pas de l'agrément nécessaire.
Cette structure, "Enfance et Bien-Être", aurait ainsi perçu des sommes qui s'élèveraient à au moins 630.000 euros sur sept ans. Les jeunes ont été accueillis par des familles de l'Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
Ils ont tous participé
A l'encontre des familles ayant accueilli sans agrément ces jeunes, des peines plus légères allant de quatre mois de prison avec sursis à deux ans de prison ferme ont été requises.
"Ils ont tous participé, en bout de la chaîne peut-être, mais ils ont participé", a justifié la magistrate.
L'affaire éclate en 2017 après l'hospitalisation pour "une chute à vélo" d'un des enfants, Matthias. Ce dernier refuse, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau présumé. Un signalement au parquet est alors effectué, qui met au jour des faits répétés commis depuis 2010.
Durant toute la semaine, les victimes, dont neuf ont assisté à l'audience, ont livré des récits accablants : des "coups, strangulations", des humiliations et des insultes.
Beaucoup d'entre elles, âgées à l'époque de 12, 14 ou 16 ans, ont également rapporté des "travaux forcés", "déscolarisées" pour s'atteler aux travaux de rénovation des têtes de réseau.
Les principaux prévenus, Julien M. et ses parents en tête, ont cherché à minimiser les faits, évoquant des "recadrages" nécessaires, des "tapes", sur des "enfants difficiles" dont "personne ne voulait".
Grand absent du procès selon les parties civiles, l'ASE s'est aussi retrouvée au cœur des débats mais aucun de ses responsables n'est poursuivi.
"Il y aura un avant et un après Châteauroux, vous allez redonner une image d'humanité à ces enfants", avait lancé au tribunal Me Myriam Guedj Benayoun, conseil de parties civiles.
Le jugement a été mis en délibéré au 18 décembre.
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