Vietnam: dans le delta du Mékong, des agriculteurs démunis en quête d'eau douce

Chaque jour, Nguyen Hoai Thuong prie le ciel pour que la pluie arrose ses terres frappées par la sécheresse et l'infiltration de l'eau de mer. Mais dans le Sud du...

Une maison près d’un étang asséché dans la province de Ben Tre, le 19 mars 2024 dans le sud du Vietnam © Nhac NGUYEN
Une maison près d’un étang asséché dans la province de Ben Tre, le 19 mars 2024 dans le sud du Vietnam © Nhac NGUYEN

Chaque jour, Nguyen Hoai Thuong prie le ciel pour que la pluie arrose ses terres frappées par la sécheresse et l'infiltration de l'eau de mer. Mais dans le Sud du Vietnam, la canicule devrait encore durer.

"C'est du gâchis de délaisser les rizières parce que nous n'avons pas d'eau douce. Je dois élever des vaches à la place", explique à l'AFP l'agricultrice âgée de 31 ans.

Située dans le delta du fleuve Mékong, la province de Ben Tre souffre de la vague prolongée de chaleur et de l'intrusion saline, qui menacent l'économie locale.

La région est stratégique pour la culture du riz, mais aujourd'hui, chez Nguyen Hoai Thuong, la terre destinée à la précieuse céréale, présente sur toutes les tables d'Asie, est lézardée par des crevasses.

Depuis un mois, le Sud du Vietnam affronte une canicule anormalement longue, qui pourrait encore se prolonger, ont alerté les météorologues avec, comme conséquence, l'aggravation de l'infiltration d'eau de mer dans les nappes phréatiques ou les eaux de surface.

Le phénomène, qui se produit chaque année durant la saison sèche, s'amplifie sous l'effet de la chaleur et la montée du niveau de la mer, tous deux mis sous tension en raison du changement climatique.

La salinité accrue affecte les cultures et l'accès à l'eau courante de la population.

Faute de pluie, la famille de Nguyen Hoai Thuong a acheté de l'eau pour sa propre consommation, auprès de son voisin, pour près de 500.000 dongs (20 euros) en février.

Des milliards de pertes

"Nous n'avons pas de source souterraine d'eau douce, et l'eau de surface est salée", explique l'agricultrice. 

Derrière elle, son père s'active autour du réservoir mobile de 1.000 litres qui contient le nécessaire pour les champs, mais aussi la cuisine, la douche, ou boire.

La montée des eaux salées sur les terres cultivées pourrait engendrer pour le Vietnam une perte annuelle d'environ trois milliards d'euros de récoltes, selon une étude dévoilée mi-mars par un institut dédié aux ressources en eau du ministère vietnamien de l'Environnement.

Le phénomène pourrait affecter 80.000 hectares de riz et de fruits, ont prévenu les scientifiques.

Entre 2020 et 2023, en moyenne, la province de Ben Tre a enregistré des pertes annuelles d'environ 430 millions d'euros, ont-ils relevé.

"Je dois réduire les cultures de trois à seulement deux récoltes par an. Toute l'eau dans ma zone est trop salée pour servir à quelque chose", explique l'agriculteur Phan Thanh Trung qui cultive du riz dans le même village que Nguyen Hoai Thuong.

Son voisin, Nguyen Van Hung, a trouvé un moyen de tirer profit du coup de chaud: il dispose d'une vaste source souterraine d'eau douce, qui lui permet de générer des revenus.

"Pendant les périodes de sécheresse et d'intrusion saline, je vends mon eau douce aux voisins. Mais pour dire la vérité, je ne suis pas content", assure-t-il.

"La météo défavorable nous a vraiment frappé de plein fouet", constate-t-il.

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