Vers une ubérisation de la pharmacie d'officine ?
Le 23 mai, au restaurant La Matelote de Boulogne-sur-Mer, la coopérative Welcoop, détenue par plus de 3 600 pharmaciens sociétaires en France, a convié les professionnels du Boulonnais à une présentation de son enquête sur la possibilité d'une ubérisation de la pharmacie d'officine.
Pour nourrir le débat, Olivier Morlot, directeur de la communication de Welcoop, projette une fiction sur ce que pourrait être la pharmacie ubérisée. On y découvre un médecin qui propose au patient de se faire livrer ses médicaments directement à domicile, sans passer par l’officine. C’est donc une société tiers qui centralise les ordonnances, puis des étudiants en pharmacie qui livrent les patients. Au travers de ce film, la coopérative souhaite attirer l’attention des pharmaciens sur les risques à continuer d’exercer le métier de pharmacien tel qu’il existe aujourd’hui. Xavier Pavie, professeur à l’ESSEC, explique en quoi ce scénario est plus que plausible, avant de donner des pistes pour se prémunir d’un tel risque. Welcoop ne souhaite nullement cet avenir, mais, si la pharmacie d’aujourd’hui ne change pas, elle risque de se faire concurrencer par des acteurs qui ont déjà pris le pouvoir sur d’autres professions, à l’image d’Amazon. «Nous souhaitons montrer, explique Olivier Morlot, que le pharmacien doit s’orienter vers davantage de services à valeur ajoutée, pour préserver l’avenir de la profession, et ne pas se limiter au négoce.»
La coopérative octogénaire prépare l’avenir. Créée en 1935 sous le nom de Coopérative des pharmaciens nancéiens, dans le but d’harmoniser leurs achats, avant de se développer et de se dénommer Welcoop en 2008, cette coopérative libérale figure aujourd’hui, avec 12 000 clients, 1 870 collaborateurs et 846 millions d’euros de chiffre d’affaires, parmi les plus importantes au monde.
Pour redonner aux pharmaciens le rôle de coordinateur de santé des Français qui leur incombe, Welcoop dispose, avec ses diverses filiales spécialisées, d’une imposante boîte à outils. Ainsi, Pharmagest propose déjà à 9 200 pharmaciens des services informatiques pour bien gérer leur officine (informatique officinale, agencement de la pharmacie, e-santé). «Nous avons intégré le suivi de l’observance du patient et nous pouvons auditer son domicile pour le sécuriser», assure Olivier Morlot.
Spécialiste du maintien à domicile, D Medica permet une prise en charge globale des patients avec la vente et la location de matériel médical, mais aussi des services pour lesquels il est à la pointe : perfusion, nutrition, insulinothérapie, assistance respiratoire, assistance aux personnes handicapées… Pharmacap est un dépositaire et distributeur pharmaceutique qui dispose d’une unité de reconditionnement (10 millions de boîtes par an).
Des labos et des marques. La coopérative va plus loin. Cristers, par exemple, est le seul laboratoire en France de médicaments génériques et d’auto-médicaments (OTC) dont le capital est détenu complètement par des pharmaciens d’officine. Il permet en outre aux 3 600 sociétaires de Welcoop de bénéficier jusqu’à 20% de dividendes coopératifs sur leurs achats de génériques, en plus des remises légales, votés par l’assemblée générale.
De même, le laboratoire Marque Verte est devenu la marque grand public de Welcoop. Il affiche clairement sa philosophie : garantir des produits de santé simples, naturels, innovants, éthiques et de qualité, portant la caution de la pharmacie, des produits qui soulagent, rassurent, protègent et accompagnent les patients en toute confiance, en évitant les substances indésirables (comme les gels douche de Dermasens).
Présente partout en France (DOM-TOM compris), la coopérative étend aussi sa toile géographique. Si elle cherche à renforcer son ancrage dans la région en organisant ses «Welcoop Days», elle s’implante aussi de plus en plus à l’étranger en essayant de faire partager sa vision du monde de demain aux pharmaciens du Benelux ou du Royaume-Uni.