Vers un renouveau de l'emploi à Calais ?
La situation paraît morose à Calais en termes d’emploi. Toutefois, les perspectives à long terme peuvent s’éclaircir… Entre manifestations à Paris pour la cause économique locale et projets de grande envergure en cours dans le territoire, entre chômage une fois et demie plus élevé que la moyenne nationale et volonté des collectivités de faire bouger les lignes, le visage de l’emploi dans le Calaisis est difficile à décrire. Ce 27 avril, le salon “Destination emploi”, organisée par la Maison de l’emploi et de la formation, a connu un franc succès : prévoyant d’accueillir 2 000 personnes, les organisateurs ont vu entre 2 600 et 3 000 visiteurs passer les portes du forum Gambetta… pour près de 250 offres d’emploi. Preuve de l’attente assez forte des Calaisiens vis-à-vis des perspectives d’avenir professionnel qui se dessinent peu à peu sur le long terme. En revanche, les plus impatients semblent plutôt cyniques.
Des signes d’espoir. Malgré les signaux quelque peu alarmants de l’emploi à Calais – le chômage pointe à 15,8%, contre un peu plus de 10% pour la moyenne nationale, et se situe entre 30 et 40% lorsqu’il s’agit du chômage dans les quartiers, l’actualité a montré quelques entreprises en mauvaise santé ou qui ont cessé leur activité, comme MyFerryLink ; le commerce peine à se développer dans un centre-ville aux vitrines désertes… –, quelques rayons de soleil viennent éclaircir le paysage. Malgré le contexte quelque peu maussade, entre crise des migrants et fermeture de grandes entreprises, le taux de chômage dans la ville a une tendance baissière. De 16,2% l’an dernier, il est passé à 15,8%. “Le taux de chômage des jeunes à Calais est moins élevé que la moyenne nationale, ajoute Michèle Ducloy, adjointe à l’emploi et à la formation à la mairie de Calais. On est à 19%.” Pour rappel, 25% des jeunes Français sont au chômage…
“Destination emploi”. Le salon “Destination emploi” a fait carton plein avec un nombre spectaculaire de visiteurs, qui ont dû faire la queue pendant une centaine de mètres pour accéder à ses portes. Une fois à l’intérieur, de nombreuses possibilités se sont offertes aux chercheurs d’emploi. Il était par exemple possible de s’essayer aux différents corps de métiers plutôt porteurs. L’artisanat, par exemple, était plutôt bien représenté. Les plus classiques job datings occupaient une place centrale dans le salon. Armatis, Eurotunnel, McDonald’s, mais aussi l’OPH et des entreprises d’intérim étaient présentes, avec une poignée de postes à pourvoir. Certains visiteurs, comme Nicolas, 26 ans, se sont sentis quelque peu frustrés : “Il y a beaucoup d’offres que j’ai déjà vues passer à Pôle emploi. Je ne suis pas mécontent d’être venu, mais c’est quand même dommage de ne pas voir plus de choses lors d’un événement de cette envergure…” Les recruteurs, eux, étaient plus que satisfaits de se rendre compte que la plupart des postes avaient trouvé un profil correspondant. “On a pu voir beaucoup de monde, assure Fabien Vandaele, chargé de recrutement chez Armatis, l’un des gros pourvoyeurs d’emplois du Calaisis. Nous avions trois annonces : une pour le métier de téléconseiller, une autre pour un contrat de professionnalisation pour devenir téléconseiller, et un dernier pour la gestion de paie. Nous avons pu rencontrer beaucoup de candidats intéressants pour les postes de téléconseiller. Pour la gestion de paie, c’est plus difficile.“
Obstacles. On arrive à un point problématique de la situation à Calais. Le niveau de formation des jeunes dans la ville est plutôt bas, et ce, malgré la présence de la section scientifique de l’université du Littoral Côte d’Opale (ULCO) dans la ville. “Lorsqu’on a besoin de salariés pour des postes à responsabilités, ça devient assez vite compliqué de trouver quelqu’un de qualifié, glisse un dirigeant d’entreprise. Le niveau de qualification est assez bas ici, sans parler de la mobilité…” D’un autre côté, il n’y a pas d’entreprise embauchant des ingénieurs en informatique alors que les premières promotions de l’ULCO sortent de l’école. “C’est quand même dommage qu’il n’y ait pas la possibilité pour un ingénieur sortant de l’ULCO de travailler ici, à Calais“, déplore Steven, ingénieur de formation de 24 ans, fraîchement embauché dans une autre ville de la Côte d’Opale. L’autre principal obstacle à l’embauche des jeunes : la mobilité. Éric Lelieur, président de FACE Calaisis – association d’entreprises travaillant autour de différents axes afin de lutter contre l’exclusion (voir encadré) – explique : “La mobilité est un des plus gros problèmes à Calais. Il y a des habitants de Calais qui ne sont jamais allés à la plage. On leur fait prendre le métro à Lille, ce n’était pas gagné d’avance…” Le président de l’association se veut rassurant et volontaire lorsqu’il parle de l’emploi à Calais, même si les problèmes de mobilité, de formation et d’attractivité du territoire se posent. “Les entreprises renâclent à l’idée de s’implanter à Calais. Le fait qu’Armatis soit présent ici, par exemple, est une bonne chose, mais nous manquons d’industries à Calais.“
Efforts. Pour contrebalancer ces obstacles, les collectivités s’engagent dans le sens de l’emploi. De gros projets vont voir le jour – Heroic Land et ses mille emplois non délocalisables, Calais port 2015 et son chantier pharaonique – et les entreprises, devant l’enjeu, vont dans le même sens, et ce malgré quelques frictions entre le Medef local et la communauté d’agglomération Cap Calaisis au sujet du versement transport. Devant l’ampleur de la tâche, il fallait prendre quelques dispositions en plus des projets d’ampleur de la ville.
Job Center. Un des projets phares de la Ville en termes d’emploi – en plus de “Destination emploi” qui, vu son succès, est voué à devenir un rendez-vous récurrent – est le Job Center. Le projet est en pleine phase d’élaboration et de discussion via un diagnostic local d’accompagnement. Le concept : réunir tous les acteurs de l’emploi dans un guichet unique. Les différents organismes en faveur de l’emploi (Mission locale, PLIE, Maison pour l’emploi et la formation…) seraient disponibles dans un même espace afin de répondre aux besoins de chaque acteur de l’économie : un recrutement, une formation, une recherche d’emploi… Ceci dans le but de mutualiser les forces de frappe et de réfléchir en termes de circuit court. “Le projet a été reporté en raison d’une baisse des dotations de l’État, déplore Michèle Ducloy. Mais il n’est pas annulé pour autant. À terme, ‘Destination emploi’ deviendrait un outil du Job Center. Les différents acteurs ne disparaîtraient pas, en revanche il s’agirait d’un guichet unique“, insiste l’adjointe. C’est une volonté de Natacha Bouchart que de réfléchir sur une capitalisation des ressources du territoire.” Reste à voir si cette volonté se concrétisera sur le long terme, et à attendre l’issue de chaque projet d’ampleur visant à favoriser l’emploi du territoire…
Encadré :
FACE Calaisis s’engage contre l’exclusion
Lors de son assemblée générale le 29 avril, FACE Calaisis a détaillé ses actions contre l’exclusion. Les principaux axes de travail de l’association : l’emploi, l’éducation, l’entreprise, la consommation et les territoires. L’association d’entreprises multiplie les actions : appartement-témoin dans le but de consommer le moins d’énergie possible, actions en faveur de la mobilité, actions RSE, placements à l’emploi, éducation à la gestion des revenus d’un foyer… “Chacune de ces actions est en faveur de l’entreprise. Nous n’oublions pas notre but premier qui est d’aider au mieux les entreprises, annonce Éric Lelieur. Mais un salarié qui est mal dans sa peau, qui manque de formation, qui gère mal ses revenus sera automatiquement moins efficace dans son travail.” Chaque année, FACE Calaisis forme des jeunes, les accompagne à l’aide de contrats en CDDI, du dispositif “Permis, sport, emploi” – qui permet à des jeunes de trouver un emploi bien plus facilement –, de la Ressourcerie qui compte 31 salariés en CDDI, et du dispositif “FACE à l’emploi” qui collecte les candidatures et les fait correspondre à des profils connus de l’association. “C’est un peu particulier : nous sommes une des seules structures à être contente lorsqu’un de nos membres nous quitte.” L’association fonctionne via des subventions auprès des collectivités, mais aussi grâce à certains partenaires privés. Elle organise une foultitude d’actions pour lutter contre l’exclusion, notamment dans les quartiers prioritaires.