Vers un renforcement de la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale
Sans attendre l’adoption de la directive européenne sur le détachement des travailleurs, les députés ont adopté en première lecture, le 25 février, la proposition de loi “contre le dumping social et la concurrence déloyale”. Pour limiter les fraudes et abus, le texte vise notamment à renforcer les contrôles et à responsabiliser les donneurs d’ordre vis à vis de leurs sous-traitants.
Àprès le compromis des ministres du travail de l’Union européenne, fin 2013, le projet de directive renforçant les contrôles concernant les travailleurs détachés doit être confirmé par un accord avec le Parlement européen, pour une entrée en vigueur au mieux en 2016. Sans attendre ce texte, la proposition de loi “contre le dumping social et la concurrence déloyale” vise à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.
Les principales dispositions
Renforcer l’obligation de vigilance du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage. Le donneur d’ordre devra vérifier que son sous-traitant, s’il est établi hors de France, s’est bien acquitté du dépôt de la déclaration de détachement auprès des services de l’Inspection du travail. De même, et dès lors que l’Inspection du travail aura informé le donneur d’ordre du non-respect par le sous-traitant de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de l’exercice du droit de grève ou de la législation sur la durée du travail, le défaut de vigilance sera puni par une sanction prévue par décret en Conseil d’État. Quand l’Inspection du travail aura informé le donneur d’ordre que les salariés de son sous-traitant sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, si la régularisation n’intervient pas, le donneur d’ordres pourra être tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés. Ou encore, si l’entreprise donneuse d’ordre a été prévenue du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié et que l’Inspection du travail lui demande d’enjoindre à son sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation, elle pourra , en cas d’absence de régularisation, être tenue, solidairement avec l’employeur du salarié, du paiement des rémunérations et indemnités dues.
Information de l’Inspection du travail par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre. Le maître d’ouvrage ayant recours à une entreprise soustraitante qui détache des travailleurs devra en informer l’Inspection du travail. Cette obligation s’appliquera aux contrats dont le montant sera fixé par décret, sans pouvoir être inférieur à 500 000 euros. Nouvelle obligation pour les entreprises détachant des salariés en France. Les entreprises détachant des salariés en France devront désigner un représentant identifié sur le territoire national, qui aura pour obligation de fournir toutes les pièces justificatives, au donneur d’ordre quand il le demandera, mais aussi de répondre aux demandes de contrôle.
Liste noire des entreprises condamnées pour travail illégal. Mesure emblématique, une “liste noire” des entreprises condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal à une amende d’au moins 15 000 euros, sera créée. Cette liste sera publiée sur le site Internet du ministère du Travail, pour une durée maximale de deux ans à compter du jugement définitif.
Possibilité pour les organisations syndicales d’ester en justice. Les organisations syndicales représentatives auront la possibilité d’ester en justice et de faire ainsi valoir le droit des travailleurs détachés, ou en cas de travail dissimulé, à condition que ceux-ci n’aient pas déclaré s’y opposer. Enfin, un volet spécifique au transport routier de marchandises a été intégré au texte, via deux amendements, visant un renforcement des prérogatives des services chargés des contrôles en matière de concurrence déloyale, et des sanctions pénales, notamment, en cas de violation des règles européennes sur les temps de conduite et de repos. Adoptée en première lecture par les députés en février, la proposition de loi devrait être examinée au Sénat, en avril prochain, pour une adoption prévue au mois de mai…juste avant les élections européennes.