Vers un nouveau code de la commande publique ?
Bruxelles vient d’adopter de nouvelles directives sur les marchés publics et concessions, et Bercy annonce une refonte du droit de la commande publique.
Après deux ans de négociation difficile et 3 000 pages de compromis, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 11 février dernier, trois nouvelles directives : deux sur la passation des marchés publics (concernant les “secteurs classiques” et les “secteurs spéciaux”) et une sur les concessions. Dès leur publication, le 28 mars, les Etats membres auront deux ans pour les transposer. Se présente ainsi l’occasion pour la France de refonder son droit de la commande publique.
C’est dans cette perspective que le ministère de l’Economie et des Finances a organisé, le 12 mars dernier, un colloque consacré à la transposition en droit national de ces directives “marchés publics” et “concessions”. En clôture de cette manifestation, le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, en a profité pour présenter la feuille de route des prochaines réformes de la commande publique.
Simplification, assouplissement, flexibilité et modernisation sont les objectifs du paquet européen de la commande publique. Alors que la commande publique représente 19% du PIB en Europe et 90 milliards d’euros en France, c’était un rendezvous qu’il ne fallait pas manquer.
Moraliser la passation des marchés publics. Cette révision prévoit une vaste série de mesures concernant la passation des marchés publics, parmi lesquelles figurent les partenariats d’innovation, la généralisation de l’utilisation des moyens électroniques, l’encadrement des avenants ou l’élargissement des hypothèses de recours à la procédure avec négociation.
Les directives favorisent, en outre, l’accès des PME aux marchés publics. Le chiffre d’affaires annuel exigé du candidat est limité au double du montant estimé du marché. Les dossiers de candidatures sont simplifiés, les exigences de capacité reposeront sur des déclarations sur l’honneur, grâce au Document unique de marché européen (DUME). Les candidats devront fournir des auto-déclarations sur leurs capacités techniques, financières et professionnelles. Cette dématérialisation permettra de conserver et de réutiliser les données, tout en réduisant les frais d’information et de transaction. Dans le même état d’esprit, les Etats membres sont incités à davantage recourir à l’allotissement. Plusieurs mesures témoignent, par ailleurs, de la volonté de Bruxelles de moraliser la passation des marchés publics. L’offre “économiquement la plus avantageuse” devra être davantage privilégiée. Les nouvelles règles visent à offrir davantage de possibilités d’inclure dans les procédures de passation des marchés publics des objectifs sociétaux communs, tels que la protection de l’environnement, la responsabilité sociale, l’emploi, la lutte contre le changement climatique, le coût du cycle de vie, l’innovation, la santé publique et d’autres considérations sociales et environnementales. Les acheteurs publics devront redoubler de vigilance et éliminer les offres anormalement basses, et ce, afin d’éviter le “dumping social”, tout comme devra être écartée l’offre d’un candidat ayant commis une faute grave sur un marché précédent.
En ce qui concerne les concessions, la plus-value de la directive européenne est plus relative pour le droit français. Si cette réforme a le mérite d’encadrer juridiquement les concessions de service et ainsi d’unifier le régime des concessions de travaux et de services, le parcours juridique de ce texte n’aura pas été de tout repos et les négociations auront notamment abouti à exclure le secteur de l’eau du champ de la directive “concession”. Les activités concernées par la réforme sont les autoroutes, la gestion des déchets ou la restauration collective, et à condition que le contrat passé soit d’un montant supérieur à 5 millions d’euros.
Nouvel édifice juridique de Bercy. Bercy profite de l’obligation de transposer les directives européennes pour échafauder un nouvel édifice juridique. Dans un premier temps, avant le début de l’été, un décret de simplification transposera les mesures les plus urgentes telles que le “partenariat d’innovation”, la simplification des dossiers de candidature ou le plafonnement des exigences relatives au chiffre d’affaires minimal du candidat pour répondre à un marché. Le gouvernement adoptera, dans un second temps, une ordonnance qui viendra, d’une part, transposer la directive européenne “marché” et permettra, d’autre part, de regrouper les dispositions aujourd’hui disséminées entre le code des marchés publics et l’ordonnance du 6 juin 2005. Ce nouveau code des marchés publics intégrera d’ailleurs le nouveau contrat de partenariat. Enfin, la transposition de la directive “concession” s’annonce plus difficile puisqu’il s’agira ici de définir un socle commun à tous les contrats concessifs, tout en préservant le régime de la loi Sapin. Le Parlement s’attellera à cette tâche délicate dès le premier trimestre 2015.
La transposition des directives européennes du 14 février 2014 est ainsi apparue comme l’opportunité pour la France d’élaborer enfin un véritable “code de la commande publique”, qui devrait regrouper toutes les règles de l’achat public (marchés publics, marchés soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005, concessions, partenariats public-privé…).
Charlotte HERMARY,
avocate en droit public
(charlotte.hermary@fidal.fr)