Conjoncture

Vers un nombre record de défaillances d’entreprises cette année, en France

Le grand nombre des entreprises en difficulté serait lié à un rattrapage des années Covid. Mais la part très significative que représentent les PME dans l’ensemble des défaillances a un fort impact sur l’emploi.

(c) Adobe Stock.
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Avec un total de près de 33 500 défaillances d’entreprises sur le premier semestre 2024, contre une moyenne de 28 000 sur les premiers semestres 2018 et 2019 (avant la crise sanitaire), le bilan des six premiers mois de l’année en France « laisse entrevoir un nombre record de défaillances », selon l’Observatoire des données économiques du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ). « Sur 12 mois glissants, le nombre de défaillances pourrait dépasser les 65 000, au niveau des records de 2009 (63 425) et 2015 (62 834) ».

Même si le nombre de défaillances d’entreprises a ralenti au second trimestre par rapport au trois premiers mois de 2024, le niveau des procédures collectives a rattrapé et dépassé ceux d’avant la crise sanitaire. Une tendance qui s’inscrit donc au-delà du simple « retour à la normale », estime le CNAJMJ. Quelque 102 400 emplois sont menacés depuis le début de l’année.

Une conjoncture particulièrement difficile pour les PME et ETI

« C’est le pire deuxième trimestre depuis au moins quinze ans », a déclaré Julien Laugier, économiste au sein de la BPCE, lors d’une présentation de l’analyse économique du groupe bancaire à la presse (16 405 défaillances). La conjoncture est particulièrement difficile pour les PME et ETI, « qui sont beaucoup plus nombreuses à faire défaut », alors que l’on constate une meilleure résistance des TPE de moins de trois salariés. « En ce qui concerne les ETI et les PME, on est dans une période de rattrapage par rapport aux défaillances évitées pendant la crise sanitaire », a expliqué Alain Tourdjman, directeur des Études économiques de la BPCE, alors que cet effet de rattrapage « est beaucoup plus partiel pour les TPE ».

Une hausse inquiétante des difficultés des entreprises plus anciennes et employeuses

Autre signal d’alerte, jugé préoccupant par les deux économistes : l’accélération des défaillances ne concerne pas des entreprises récemment créées, mais des structures plus anciennes. « Cette hausse n’est donc pas liée à l’accélération des créations d’entreprises observée ces dernières années, mais à la fragilisation d’entreprises employeuses qui ont une certaine ancienneté. C’est ce qui explique l’impact très important des défaillances sur l’emploi, et c’est inquiétant. »

De fortes disparités territoriales et sectorielles

Selon les données économiques de l’Observatoire de la BPCE, l’Aquitaine, le Poitou-Charentes, Rhône-Alpes et la Martinique sont les territoires les plus touchés par les défaillances (toutes tailles d’entreprises confondues), alors que les moins affectés sont le Limousin, la Lorraine et la Guyane.

Au-delà de la dimension géographique, les disparités sont également importantes selon les secteurs d’activité. Les activités financières et d’assurance (notamment, ce qui relève du courtage et du conseil), le transport routier et l’entreposage, l’immobilier, les activités scientifiques et techniques (tels que les bureaux d’études et de design) et l’information et la communication, ainsi que les services aux entreprises continuent de connaître de grandes difficultés cette année. Tandis que la situation est beaucoup plus favorable dans les secteurs de la santé, de l’enseignement et des activités récréatives, par exemple.

Immobilier et construction, commerce, hébergement et restauration

Du fait de la forte baisse des transactions, l’aggravation de la situation dans la construction, le bâtiment et l’immobilier depuis un an a un fort impact sur la sinistralité des agences immobilières et sur la promotion immobilière privée – d’autant plus que le rebond après crise avait entraîné une très forte expansion des agences immobilières. La tendance générale est également critique pour les professions du secteur du bâtiment, où près de 13 000 défaillances ont été enregistrées sur un an. La forte hausse des coûts de construction accroît par ailleurs les risques de défaillances.

Le contexte inflationniste a eu fort impact sur le pouvoir d’achat des ménages et les a conduits à modifier leurs habitudes de consommation. Si le niveau des défaillances dans le commerce se situe à un niveau habituel en moyenne, le commerce alimentaire et la restauration rapide rencontrent actuellement beaucoup plus de difficultés que les hôtels et débits de boissons.

Pas de « tsunami » de défaillances cette année

Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ? « Pour l’ensemble de l’année 2024, la tendance s’oriente vers 65 000 défaillances, avec une hausse des défaillances des plus petites entreprises qui ont été épargnées jusqu’à présent et le maintien du haut niveau de défaillances des entreprises de taille plus importante », a répondu le directeur des Études économiques de la BPCE.. « Soit une poursuite du rattrapage, sans avoir pour autant un tsunami de défaillances devant nous », mais « la part significative des PME dans l’ensemble des défaillances se traduit pas un impact très important sur l’emploi ».

Tribunal des activités économiques : l’expérimentation démarrera le 1er janvier 2025

Un décret du 3 juillet 2024 fixe les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation du Tribunal des affaires économiques prévue par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027. Il précise la composition et le fonctionnement du comité de pilotage et du comité d’évaluation, les règles d’information des usagers et des justiciables concernés, ainsi que les modalités de désignation et d’exercice des assesseurs exploitants agricoles.

Un arrêté du 5 juillet 2024 fixe la date de début de l’expérimentation au 1er janvier 2025, pour quatre ans, et désigne les 12 tribunaux de commerce dont les compétences sont étendues pendant cette période d’expérimentation. Il s’agit des tribunaux de commerce d’Auxerre, Avignon, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc, et Versailles.