Variable et immatérielle, la RSE entredans la rémunération des dirigeants

Une étude vient de sortir sur l’intégration des critères RSE dans la part variable des rémunérations des dirigeants et chefs d’entreprise. Edité par l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), en collaboration avec le cabinet PwC, ces 68 pages témoignent d’une problématique devenue de plus en plus familière dans le monde des acteurs économiques.

Tableau de bord RSE.
Tableau de bord RSE.

 

Schéma de la démarche FRED.

Schéma de la démarche FRED.

Elles sont sept à avoir formé l’échantillon des entreprises interrogées, toutes reconnues comme leaders dans leur secteur d’activité : Vivendi, Schneider electric, Danone, Crédit agricole, France Telecom Orange, Rhodia et La Poste. Des comptesrendus de ces auditions, sont sortis les éléments principaux de cette étude partagée en quatre parties. Les auteurs de l’étude passent tout d’abord en revue les principales pratiques observées dans ces entreprises. “La mise en place des pratiques RSE est décidé au plus haut niveau de l’entreprise et s’inscrit dans un but précis : garantir la pérennité de la démarche RSE en interne et la crédibilité externe (La Poste), modifier en profondeur les comportements (Danone), concilier les performances économiques et la performance sociétale (Crédit agricole), créer un sentiment de coresponsabilité de la qualité sociale”. Les expressions employées par les entreprises introduisent le parallèle entre pérennité et transformation interne. Leurs choix semblent stratégiques. L’initiative prise en termes de RSA vient généralement de la direction générale, de celle du développement durable ou des ressources humaines. Les enquêteurs ont pu consulter les instances suivantes : conseil de surveillance, conseil d’administration, direction générale, financière, de la stratégie, du développement durable, ainsi que les correspondants RSE. Ainsi, seuls les cadres et/ou actionnaires “opérationnels” seront partie prenante de la question des rémunérations liées à la RSE…

Entre cadres et dirigeant, un effet miroir. A propos de la conception du dispositif de rémunération relative au RSE, les enquêteurs posent d’emblée que “l’entreprise doit déterminer la population qui va être concernée par l’intégration des critères RSE dans la part variable de la rémunération, le périmètre d’application organisationnel, les critères (…), la part de rémunération variable, et la méthodologie de calcul”. Si les auteurs n’en font pas état, il semble clair que l’exclusivité des futurs bénéficiaires les rend donc seuls comptables des progrès ou des échecs à venir. Pourquoi un choix restreint dans la population de l’entreprise qui pourrait bénéficier des fruits du RSE ? L’exemple d’Axa l’explique : le géant européen de l’assurance a mis en place un “outil annuel d’autoévaluation” qui permet de mesurer les progrès réalisés dans les domaines suivants : “gouvernance, prévention et gestion des risques, éthique des affaires, relation client, management environnemental, produits d’assurances verts, micro-assurance, accessibilité des produits, diversité et inclusion, développement des carrières, dialogue social, santé/sécurité, satisfaction des collaborateurs”. Des problématiques qui concernent souvent les cadres dirigeants qui peuvent très sereinement auto-évaluer leur maturité sur une échelle de 1 à 5. Le Crédit agricole ne ferme pas la porte à plus de transparence et sa population concernée réside dans un premier temps dans 650 cadres dirigeants. Mais l’ouverture ne change pas la nature du choix : les futurs entrants seront aussi des cadres. Cette “discrimination” porte en elle une vue biaisée de l’entreprise et ne constitue pas une méthode de partage des objectifs. Or, l’ORSE le dit dès l’introduction : trois éléments fondent la RSE : “l’engagement au plus haut niveau de la direction, l’appropriation des enjeux et la mise en oeuvre des actions par les managers, l’adhésion des salariés”. Ces derniers auront probablement du mal à être motivés sans part variable partagée… Ils ne seront toutefois pas absents du dispositif. Ainsi, France Telecom Orange fait part de sa pratique : “L’indicateur est composé pour 50% d’un baromètre social et pour 50% d’indica-teurs RH.” Le baromètre social s’appuie entre autres sur l’expression collective des salariés. Maigre consolation.

Tableau de bord RSE.

Tableau de bord RSE.

Du social, de la formation et de la culture. Ce qui varie dans un dispositif d’intégration de la RSE dans la rémunération concerne la qualité de la prime : individuelle, collective. Cette dernière est préférée par les entreprises. “La part variable collective 2011 des cadres stratégiques et dirigeants comprend un objectif RSE qui pèse pour 15% de l’objectif collectif : le montant des achats solidaires réalisés (secteur adapté et protégé de l’insertion par l’activité professionnelles)”, lit-on dans les entretiens menés chez La Poste. Mais les critères sont souples. A partir du moment où chaque entreprise définit elle-même ses choix d’intervention dans la RSE (de même que ses filiales), il manque une cohérence d’ensemble pour en juger. Danone a choisi de réduire ses émissions de gaz CO2 de 30% entre 2008 et 2012. En cas d’accident mortel survenu dans l’entreprise, Rhodia supprimera purement et simplement la part variable RSE dans la rémunération de ses cadres. France Telecom Orange oriente ses choix vers la formation, la diversité et le bien-être au travail : “taux de départ définitif avant trois ans par rapport à la date de recrutement, taux de féminisation, taux de salariés sans formation sur les trois dernières années….”. Enfin, Vivendi optera pour le culturel à travers sa filiale Canal + qui, rappelle sa maison mère, “veille à soutenir un certain nombre de films européens et de films à petit budget”. Mêmes problématiques chez son autre filiale Universal Music, “qui évalue sa contribution au développement des talents locaux dans les pays émergents”.

SMART. Les méthodes de calcul varient d’une entreprise à l’autre. Chez Schneider electric, tous les managers ont la même structure de rémunération : “la rémunération variable du manager représente entre 10 à 50% selon son niveau de responsabilité”. Soit la rémunération est individuelle, soit elle est collective, mais pour tous selon les années. Par exemple, si l’entreprise privilégie l’aspect individuel, trois ensembles de composantes forment la base de la rémunération : un tiers sur les objectifs du groupe, un tiers sur les objectifs de la direction de l’entité concernée, et un tiers sur des objectifs personnels. Si l’entreprise favorise l’aspect collectif, les trois composantes sont pondérées différemment : “60% sur les objectifs du groupe, 20% sur des objectifs de la direction selon l’entité, 20% sur des objectifs personnels”. Chez Rhodia, si les objectifs ne sont pas atteints, les 10% ne tombent pas. Au Crédit agricole, la rémunération globale des cadres est ainsi faite : salaire fixe + rémunération variable annuelle sur des objectifs économiques pour moitié et non économiques (objectifs managériaux, de satisfaction client et de valeur sociétale) pour l’autre moitié, + rémunération variable long terme en actions de performance, elle-même dépendante d’un indice de progrès de création de “valeur sociétale” – indice FReD, du cours de l’action Crédit agricole et des résultats d’exploitation du groupe. Entre l’immatériel créé et le tangible comptable, la répartition reste majoritairement concrète pour les dirigeants. Rien de fumeux dans la mesure des progrès sociétaux si l’on reste arrimé à des choses simples et tangibles. Le chef d’entreprise se souviendra de l’acronyme SMART qui définit bien la démarche qui vise un objectif. D’abord, l’objectif doit être défini de manière “simple, rigoureuse et sans équivoque” (le S). Ensuite, l’objectif doit être mesurable “au moyen d’indicateurs clairs et d’outils de suivi appropriés” (le M). Puis, l’objectif doit être attrayant (le A) pour motiver l’engagement des collaborateurs. Suit le réalisme (R) dont doivent faire preuve ceux qui s’y lancent. Enfin, rien ne devra se faire sans échéancier : c’est le T du facteur temps.
Selon la définition du ministère du Développement durable, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. La démarche consiste pour les entreprises à prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur activité pour adopter les meilleures pratiques possibles et contribuer ainsi à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement. La RSE permet d’associer logique économique, responsabilité sociale et éco responsabilité.