Une reprise basée sur l’ambition de réveiller des marchés sommeillants
Un solide tandem d’amis ingénieurs reprend en 2011 cette belle société valenciennoise d’aménagement d’espaces commerciaux. Une cession sans problème, causée par des possibilités de développement d’un marché caché, les plateaux de bureau. Le CA doit progresser en 2015 de 3,2 M€.
La Gazette. Quels sont vos formations et parcours avant cette reprise ?
Christophe Picard. Samuel et moi, nous nous côtoyons depuis l’enfance, nous avons suivi des études d’ingénieurs à Polytech Lille. Ensuite nos chemins se sont séparés, mais nous sommes toujours restés en contact. Nos passages dans des groupes comme Siemens nous ont fait évoluer des responsabilités commerciales au management, souvent comme patrons d’agence dans des directions régionales. Nous avons pratiqué l’ensemble des métiers de l’entrepreneur et ressenti la nécessité de changer, bien sûr en tandem.
Quel fut le facteur déclenchant votre volonté de reprendre?
D’abord on ne voulait pas créer mais reprendre. On s’est posé la question. L’expérience de nos parcours devait servir à de l’existant, exigeant du vécu dans divers métiers. Nous étions, Samuel et moi, encore salariés, mais réfléchir à devenir son propre maître n’empêche pas de travailler, sauf le jour où on se décide vraiment, soit début 2011. Côté motivation, c’était clair pour nous , on en parlait depuis un moment quand on se revoyait, on n’allait pas rester salariés éternellement. Pourtant, tout allait bien, mais on avait besoin de liberté et de vraies responsabilités, d’aventures quoi… Donc, on s’est organisés, il allait chercher une entreprise à partir de Lille et moi je continuais à Nantes.
Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de cette entreprise ?
On s’est entourés de partenaires pour la recherche : les CCI, des cabinets privés et envoi de mailings aux experts-comptables, mais on s’est beaucoup auto-formés avec Internet, des lectures, des salons et beaucoup d’échanges avec d’autres entrepreneurs. On avait un book à montrer. Notre cible était précise : une PME de 20 salariés, en second œuvre du bâtiment, pas forcément urbaine et sans trop de production, plutôt en équipement technique du bâtiment et dans sa périphérie. Et, très vite, malgré trois ou quatre dossiers à examiner, une entreprise s’est dégagée. Elle avait été recommandée par un expert-comptable. Un de ses clients voulait céder : c’était EGT à Valenciennes, créée en 1992. En avril on rencontrait le cédant, tout est allé très vite. On s’est concentrés sur elle parce qu’elle présentait de nombreux côtés intéressants et qu’elle correspondait en tous points à nos souhaits. C’était «une belle boîte»…
Combien de temps a duré cette transmission ?
Six mois, on a signé le 30 septembre 2011. Le cédant était un homme de 58 ans ,expérimenté, très décidé, sachant ce qu’il voulait et très clair dans ses motivations et son attitude de cédant. Il cédait pour raisons personnelles, le dossier était simple. On l’a vu en deux étapes puisque j’étais à Nantes et, aussi vite que le reste, on est tombés d’accord sur tout, même le prix. Nous l’avons intéressé par nos compétences et notre envie, mais aussi parce qu’on était humbles et qu’on formait un solide tandem, dynamique, pas compliqué et que tout allait se faire vite.
Quels ont été vos partenaires durant cette transmission ?
BDL Valenciennes, l’expert-comptable du cédant que l’on a gardé, Didier Trolet, un conseil du cabinet Proactis, le Crédit du Nord Valenciennes, la banque du cédant, et Thèmes, l’avocat de l’entreprise. Sans oublier deux prêts d’honneur, un Hainaut entreprendre et Valenciennes initiatives.
Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?
Elle a été faite par Proactis, aucun problème sur le prix, elle était basée sur des clients très solides et des perspectives de développement prometteuses. Le cédant nous a accompagnés trois mois, puis à temps partiel avant de s’effacer. Nous étions totalement maîtres de la reprise et très investis.
Y a-t-il eu des moments particulièrement difficiles ou heureux dans cette transmission ?
Non, il y a eu comme prévu une grosse charge en organisation car on n’est pas compétent pour tout, ça crée une pression permanente. Pour le reste, les meilleurs moments c’est quand on voit les étapes de la cession se faire avec succès, sans problème, on avance !
Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ?
Sans surprise : EGT était connue, bien managée par un couple et cinq salariés, avec une clientèle nationale en grande partie dans la moitié Nord. L’activité − du «retail» − s’ adressait aux galeries marchandes mais pas seulement, c’est de l’agencement d’enseignes, on est dans le B to B innovant en permanence puisque ces espaces de vente ont besoin de se renouveler vite en épousant les modes et les tendances architecturales pour mieux motiver les clientèles. On a tout de suite vu, Samuel et moi, que les perspectives commerciales pouvaient progresser beaucoup. Le CA sortant de 4,3 M€ était normal mais perfectible. EGT était bien organisée, informatisée et ses process n’étaient pas obsolètes. En déménageant du boulevard Watteau à l’avenue d’Amsterdam, nous sommes devenus propriétaires de locaux très modernes, spacieux, un vrai showroom avec une surface doublée, une belle vitrine en somme. Le personnel a apprécié le changement…
Quel est votre projet depuis septembre 2011 ?
Notre métier c’est de travailler avec les directeurs techniques de grandes enseignes comme Yves Rocher ou Armand Thierry et bien d’autres encore. Quand il y a un projet, on réalise tout de A à Z tel que le projet a été conçu par l’architecte de l’enseigne. Nous réalisons en choisissant nos artisans qui sont restés, comme les débouchés commerciaux, fidèles à EGT. La grande nouveauté, à part une foule d’innovations en matière commerciale, par exemple en informatique, c’est l’adjonction d’un nouveau marché national, l’aménagement de plateaux de bureaux jusque Paris. Cela a pris tout de suite avec 30% de l’activité… Le CA a bondi en 2012 à 4,5 M€, 5,6 en 2013, et nous sommes partis pour 7,5, l’objectif étant 10 M€ en cinq ans (donc en 2016) avec plus d’une centaine de clients, tous des majors. Devenir vite leader en tertiaire est essentiel car le marché plus classique est soumis à rude concurrence, donc plutôt fragile. De plus le tertiaire se renouvelle vite et suit les tendances du space planning contemporain. Enfin, l’effort a porté sur la communication avec un cabinet spécialisé et une présence accrue en Belgique − 10% du CA −, à Anvers, Louvain, Liège.
Trois conseils à donner à un candidat repreneur ?
Savoir exactement pourquoi on reprend. Est-on prêt ? Etre très disponible, se libérer de son salariat quand on peut. Etre très bien entouré par des compétences et ne pas hésiter à y mettre le prix. Rester aux commandes de la transmission, se mettre tout de suite dans la peau du futur chef d’entreprise.
L’entretien s’est déroulé en l’absence de Samuel Skrzypzczak.