Une exposition pour décrypter les photos prises à Auschwitz par les nazis

"Montrer ce qu'on ne voit pas alors que c'est sous notre nez": près de 200 photographies du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau sont exposées à partir de jeudi au Mémorial de la Shoah à Paris pour...

Des visiteurs regardent une installation vidéo contenant des photographies prises par des gardes SS, lors de la visite en avant-première de l'exposition "Comment les nazis ont photographié leurs crimes - Auschwitz 1944" au Mémorial de la Shoah, le 21 janvier 2025 à Paris © Sébastien DUPUY
Des visiteurs regardent une installation vidéo contenant des photographies prises par des gardes SS, lors de la visite en avant-première de l'exposition "Comment les nazis ont photographié leurs crimes - Auschwitz 1944" au Mémorial de la Shoah, le 21 janvier 2025 à Paris © Sébastien DUPUY

"Montrer ce qu'on ne voit pas alors que c'est sous notre nez": près de 200 photographies du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau sont exposées à partir de jeudi au Mémorial de la Shoah à Paris pour "analyser les images" prises par les nazis.

L'exposition "Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944" s'articule autour des 197 clichés de l'"album d'Auschwitz", un recueil de photographies prises en 1944 et documentant l'arrivée des juifs de Hongrie à Birkenau.

Sur ces clichés en noir et blanc, des femmes fixent l'objectif, des personnes âgées sont assises épuisées près d'un wagon, des groupes attendent la "sélection" entre personnes aptes au travail et condamnés à la chambre à gaz.

"Ces photos, vous les avez forcément croisées, elles sont iconiques", souligne l'historien Tal Bruttmann, commissaire de l'exposition. Avec ce travail d'analyse il s'agit d'aider à "lire les images" pour "montrer ce qu'on ne voit pas alors que c'est sous notre nez".

Conservées au mémorial de Yad Vashem, les clichés ont été pris par deux photographes nazis sur ordre de Rudolf Höss, le commandant de ce camp où un million de Juifs ont été assassinés, "pour illustrer son savoir faire", explique l'historien.

Mais les clichés de ce qui était conçu comme un rapport administratif "montrent que ces victimes ont une attitude que les photographes n'attendent pas. Elles résistent, elles sont dignes alors qu'elles sont conçues comme des images antisémites".

Avec des cartons explicatifs et des explications audios, l'exposition attire l'attention du visiteur sur des détails à la fois minuscules et évidents.

Sur une photo, deux femmes se bouchent le nez, témoignant de l'odeur pestilentielle des chambres à gaz toute proches. Sur une autre, une femme tire la langue, dans un défi passé inaperçu du photographe.

porosité

Même si le photographe essaie de gommer la violence, une multitude d'indices la révèlent: ainsi ce SS, dans un coin d'une photo prise au moment de la sélection, qui donne un coup de canne à deux jeunes femmes.

Les cannes elles-mêmes témoignent de la violence de l'assassinat, puisque certaines proviennent du "Kanada" où étaient entreposés les effets volés aux déportés.

Autre exemple: la présence de garde du corps, qui montre que la sélection ne se passe pas forcément de façon ordonnée, ou l'interaction, malgré l'interdiction, entre un déporté travaillant au Kanada et un arrivant - peut-être pour l'inciter à mentir sur son âge?

Une grande carte du camp permet aussi de situer exactement où chacune des photos a été prise.

Tal Bruttmann avait déjà, avec les Allemands Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller, publié en 2023 une analyse de ces photographies dans un ouvrage intitulé "Un album d'Auschwitz: comment les Nazis ont photographié leurs crimes" (éditions du Seuil).

Avec cette exposition il s'agit aussi de "tirer d'autres fils, pas présents dans le livre", et "notamment ce que l'on sait de l'extérieur".

Car "on n'est pas dans un lieu isolé. Il y a autour de la ville un trafic ferroviaire considérable. Le lieu n'est pas inconnu", souligne l'historien.

Que ce soit par la présence d'ouvriers venus de l'extérieur, la fumée de train passant en arrière plan, plusieurs photos laissent deviner "à quel point il y a une porosité entre le site et la ville, la vie normale", ajoute-t-il.

36V64YJ