Une entreprise calaisienne fournit Tchernobyl

L'arche de confinement s'est installée au-dessus du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl, afin de protéger la population des radiations qui en émanent. Vinci et Bouygues, qui gèrent le projet, ont fait appel à une entreprise calaisienne pour en assurer la surveillance.

Aloatec fournit l'ensemble du dispositif de surveillance pour Tchernobyl, clef en main.
Aloatec fournit l'ensemble du dispositif de surveillance pour Tchernobyl, clef en main.

Ce sont une demi-douzaine de salariés qui travaillent dans l’hôtel d’entreprises situé zone Marcel-Doret, à Calais, pour la sécurisation du site de Tchernobyl. «C’est un fournisseur qui nous livre une partie de la vidéosurveillance qui nous a recommandé aux responsables du projet. Lors de la première phase, ils n’avaient trouvé personne répondant correctement à l’appel d’offres», raconte Philippe Bourrier, directeur d’Aloatec. Le sarcophage de Tchernobyl avait en effet besoin d’être doté de caméras de surveillance de haute précision en ce qui concerne la détection de chaleur, point de départ des incendies. «Lorsqu’on surveille un site, on sait ce que l’on veut détecter, mais pas ce que l’on ne veut pas détecter.» Autrement dit, si l’on veut détecter de la chaleur, on ne veut pas que la chaleur humaine soit prise en compte. Un corps mobile à 37°C ou un point de chaleur à 42°C ne sont pas du tout identiques, pourtant tous les systèmes ne sont pas programmés pour les différencier. C’est là qu’intervient “Aloa_DETECT”, un concept développé par l’entreprise calaisienne. Le concept : différents logiciels acquièrent certaines données importantes – mobilité du point chaud, température, etc. – via de petites opérations indépendantes et se les échangent. «L’ensemble est programmé, on n’a besoin que de texte pour appeler le programme. Au total, nous disposons d’une centaine d’applications pour faire ce qui nous est demandé.» Ce qui explique la réactivité surprenante de l’entreprise, qui a fortement joué dans la sélection de l’entreprise, malgré un cahier des charges… chargé.

Un client particulier. «C’est la première fois que nous faisions appel à un avocat pour une commande, explique Christophe Boutin, ingénieur chargé d’affaires. Techniquement, juridiquement, c’était très compliqué, même si le cahier des charges décrivait exactement ce qu’on sait faire.» Le problème étant que l’équipe n’avait pas encore travaillé avec des radiations, raison pour laquelle il était indispensable de se protéger légalement par rapport à cette partie de la problématique. «Nous fournissons l’ensemble du dispositif clés en main, détaille le directeur. Nous avons fait le maximum pour protéger les caméras contre les radiations.» Puisque celles-ci peuvent affecter le bon fonctionnement des caméras de surveillance, et puisque l’opération doit durer cent ans, il fallait une protection appropriée. D’autre part, le temps était compté, il fallait faire vite. Pour mettre au point le système, Aloatec a fait appel à une entreprise de Frethun, Specifmeca, qui l’a aidée à modéliser l’intérieur du dôme recouvrant la centrale afin de prévoir les angles de vue des caméras. L’autre point particulier de l’expérience : les navettes entre Calais, Paris, Chambéry, Rouen, l’Ukraine… «On a reçu des documents rédigés en ukrainien, c’est plutôt inhabituel chez nous», s’amuse Christophe Boutin. Finalement, l’expédition se fera dans les prochains jours, pour une installation sur le site prévue au début de l’année prochaine.

Historique. Aloatec s’est établie en 1998 à Dunkerque. À l’époque, Philippe Bourrier était cadre, responsable environnement de l’usine d’ArcelorMittal à Dunkerque, qui encourageait les initiatives créatrices d’emploi. «J’ai fait ce dont je rêvais à l’époque : un système pour détecter les poussières et résidus qui se déposaient. Heure par heure, le système détectait la quantité de poussière qui se déposait. C’était un gros problème dans notre secteur d’activité. C’était de la pure R&D, je me suis entouré de docteurs.» En 2002, l’entreprise investit ses nouveaux locaux calaisiens. «Nous cherchions des locaux corrects. Ici, c’était en zone franche, c’était parfait.» En 2010, la société décroche le trophée “innovation” au Midest. En 2012, Aloatec décroche le prix «innovation» du salon Habitat de Calais. Aujourd’hui, l’entreprise a ses applications en Europe, au Brésil, au Qatar et aux Emirats Arabes Unis, et produit un chiffre d’affaires annuel avoisinant le million d’euros pour six à sept équivalents temps plein.

CAPresse

Aloatec fournit l'ensemble du dispositif de surveillance pour Tchernobyl, clés en main.