Une démarche «chronophage» mais indispensable...

Prêt bancaire, recours à des investisseurs, à Bpifrance, aux internautes... Chaque entrepreneur élabore sa propre solution pour trouver un financement. La démarche, qui se construit rationnellement, prend des formes parfois inattendues ! Témoignages, lors du récent Salon des entrepreneurs.

Une démarche «chronophage» mais indispensable...

Tous en conviennent, il ne s’agit pas du moment le plus passionnant de la vie d’un entrepreneur. Mais comment en faire l’économie ? Le 7 février à Paris, dans le cadre du Salon des entrepreneurs,  une table ronde intitulée «Entrepreneurs, panorama des solutions de financement pour votre projet» a fait place aux témoignages de plusieurs fondateurs d’entreprise. Tout d’abord, a rappelé en introduction Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, «aujourd’hui, nous avons de nombreuses formes de financement en France». Pour elle, les dispositifs de financement du démarrage d’une entreprise sont «plutôt un succès». Ce qui peut s’avérer moins facile à trouver, en revanche, c’est le financement qui accompagne le développement et la modernisation des entreprises.

© 3d world

Pour l’instant, en dépit de son très jeune âge, Grégory Clément a franchi tous les obstacles, y compris pour la phase de développement de son entreprise. A 23 ans seulement, en 2011 le jeune homme a cofondé Bagel Corner, une chaîne de boutiques de restauration rapide spécialisée dans les bagles. Huit ans plus tard, l’entreprise compte déjà une cinquantaine de restaurants. «Il faut bien se préparer et bien s’entourer. Cela facilite le financement», explique Grégory Clément. Avec ses associés – de la même génération –, il a fait le choix de s’entourer d’un board composé de personnalités reconnues du monde de l’entreprise, comme l’ancien DRH de McDonald’s France, afin d’asseoir sa crédibilité auprès de potentiels financeurs. Résultat : entre 2014 et 2018, l’entreprise a levé 2,2 millions d’euros en trois tours de table. Bagel Corner s’est appuyée sur des financeurs très  divers : Starquest Capital, un fonds d’investissement,  Bpifrance, la banque publique, avec un prêt de croissance et une subvention au développement à l’international, le CIC, réseau bancaire, certains membres du board et les trois fondateurs de l’entreprise. Par ailleurs, ce n’est qu’une fois quatre magasins ouverts – dont une franchise – que les associés ont recherché des partenaires financiers importants. «Nous avons levé 1,4 million auprès d’investisseurs. Si nous l’avions fait au début, nous aurions perdu le contrôle de l’entreprise. Mieux vaut attendre que la valorisation de l’entreprise monte», précise Grégory Clément. Le jeune entrepreneur, qui préfère conserver les mêmes partenaires financiers sur la durée, préconise également de prévoir un «petit matelas» dans l’évaluation des  montants de financement  à rechercher. Ce principe lui a, par exemple, permis de recruter plus rapidement que prévu un profil marketing pour proposer de nouveaux produits à la vente. Aujourd’hui, l’entreprise poursuit son développement en élargissant son réseau de franchisés, les investissements pour l’ouverture des boutiques revenant à ces derniers. La société les favorise, ayant notamment été élue «Bpifrance Excellence» pour la qualité de son réseau et son développement maîtrisé, une distinction de nature à rassurer les banquiers. Bagel Corner vise une centaine de boutiques en 2021.

Des financements parfois
inattendus

Autre trajectoire, totalement différente, celle d’Alizée Doumerc, cofondatrice en 2013 de Guestviews, une start up qui propose une application destinée aux musées et autres institutions. «Notre solution réinvente le livre d’or en le digitalisant. Cela permet à un musée ou à un hôtel de collecter des données à valeur ajoutée sur les visiteurs, de les analyser et de les valoriser pour améliorer la stratégie de communication et marketing», explique la jeune femme. Avec  son associée, elle cumule une expérience professionnelle  dans de grands musées parisiens et chez Louis Vuitton. Lequel a constitué leur premier client… avant même la réalisation du produit ! Une subvention à l’innovation de Bpifrance a permis aux deux start-upeuses de développer la version bêta de leur projet afin de le proposer à Louis Vuitton. Et d’autres clients ont suivi. Au total, en cinq ans, la start-up a cumulé 500 000 euros en aides à l’accompagnement, subventions, investisseurs… «Nous avons pioché un peu partout (…), c’est chronophage. Comme chef d’entreprise, ce n’est pas la partie qui m’excite le plus», témoigne Alizée Doumerc qui a mis neuf mois à préparer une levée de fonds pour faire rentrer un business angel dans le capital de l’entreprise. La démarche est en effet «chronophage», confirme Bertrand Fleurose, fondateur de City Scoot en 2014. Mais les similitudes entre les démarches de financement des deux entrepreneurs s’arrêtent là : avec l’aventure de City Scoot, ces flottes de scooters électriques disponibles à la location en libre accès, les projets de financement présentent un zéro de plus. Bertrand Fleurose s’est appuyé sur différents investisseurs. Parmi eux, Bpifrance, à hauteur de plusieurs millions d’euros au total. «Bpifrance est l’un des seuls financeurs qui ne prête pas qu’aux riches (…). Les prêts sont assez faciles à obtenir. En revanche, pour les avances remboursables, l’argent arrive un peu trop tard», commente Bertrand Fleurose. L’entrepreneur a aussi rencontré sur la route la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Pourtant, en 2016, pour appuyer son développement, il recherchait plutôt des capital-risqueurs… «Sans la Caisse des dépôts, je n’existerais pas. Ce n’était pas à l’origine l’investisseur idéal. Avec une ambition internationale, on a plus envie d’avoir des investisseurs VC (‘venture capital’) prêts à prendre des risques», explique Bertrand Fleurose. Depuis la création de l’entreprise, l’entrepreneur a réalisé deux tours de table, l’un à hauteur de 15 millions d’euros et le second de 40 millions d’euros. Notamment auprès du fonds RATP capital innovation, spécialisé dans les nouvelles mobilités.