Une chercheuse venue du froid
La start-up Novocib s'est installée fin 2017 à Haliocap, la pépinière d'entreprises de la communauté d’agglomération du Boulonnais dédiée à la filière des produits de la mer. À sa tête, la Sibérienne Larissa Balakireva, docteur en biochimie, qui a notamment reçu le trophée de la Femme en or (catégorie «Femme d'Innovation») en 2011.
«Je suis née en Sibérie, à Novossibirsk, en 1966, raconte la chercheuse. J’ai intégré la Cité des sciences à Novossibirsk, la troisième université russe, en 1983. En 1996, après ma thèse de doctorat en biologie et à l’issue d’une visite d’une délégation française en Russie, j’ai été invitée à poursuivre mes travaux de recherche en France, en bénéficiant d’une bourse d’échange universitaire, et j’ai travaillé ainsi deux ans au Commissariat de l’énergie atomique de Grenoble. En 2005, j’ai créé ma propre société, Novocib, au sein d’une pépinière d’entreprises à Lyon, grâce au prix du Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes.» Novocib est une start-up de biotechnologie – l’application des connaissances du vivant à des fins industrielles – spécialisée dans la fabrication des enzymes rares. Sa créatrice a développé un kit d’analyse (le Precice®NucleotidesAssay Kit) pour mesurer la fraîcheur du poisson à partir des taux de trois nucléotides : ces produits de dégradation de l’ATP musculaire (molécule produite par le corps lors d’une contraction) lui servent de marqueurs. «Nos indicateurs, explique Larissa Balakireva, permettent d’obtenir une réponse fiable en cas de doute, lorsque la personne chargée de l’agrément ou de la qualité a des trous dans sa raquette d’analyses. »
Une antenne à Boulogne
Pour être au plus près des professionnels de la filière, Novocib s’est implantée à Haliocap, «car Boulogne est le premier centre européen de valorisation et de commercialisation des produits de la mer», précise-t-elle. La chercheuse a par ailleurs participé en 2012 à une journée d’information organisée dans les locaux de la communauté d’agglomération du Boulonnais par le pôle de compétitivité Aquimer sur les outils pour évaluer et préserver la fraîcheur des produits de la mer. «Ma société est aussi partenaire du projet ‘Altération’, labellisé par Aquimer en décembre 2016 et financé par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), que nous menons avec la Confédération des industries de traitement des produits des pêches maritimes et avec le laboratoire des produits de la pêche de l’Anses implanté sur le quai du bassin Napoléon à Boulogne.»
«Je pense que ma ‘famille’ est davantage à Boulogne qu’à Lyon, confie-telle. J’aime la mer, l’air marin, le port et les cris de mouettes. Et rien ne me ferait autant plaisir que de voir cette technique ‘scientifique’ entrer dans la pratique industrielle. À mes yeux, c’est un aboutissement de la recherche menée depuis 1959, la date à laquelle les chercheurs japonais ont démontré, pour la première fois, la possibilité de mesurer la fraîcheur par le dosage de produits de dégradation d’ATP musculaire.» Ces résultats ont été confirmés et les études, approfondies par des centaines d’autres chercheurs dans le monde entier.
Un kit pour contrôler la fraîcheur
Larissa Balakireva propose aux professionnels de Capécure un test de contrôle rapide de la fraîcheur de leurs produits, ne serait-ce que pour un autocontrôle de routine qui ne requiert pas de labo interne. C’est la première solution mondiale vendue sous la forme d’un kit simple. Elle marche pour toutes les espèces de poisson, sous toutes les formes : frais, surgelé, fumé, décortiqué, transformé, cuisiné, en conserve et même sous la forme de coproduit (farine de poisson). Dans un premier temps, Novocib propose aux industriels la possibilité de tester cette technique «en cas de doutes» pour avoir une réponse rapide sur la fraîcheur. La localisation au cœur de la zone industrielle Capécure, permet de gagner en réactivité. L’étape suivante consistera à assister les entreprises dans la mise en place d’un poste d’autocontrôle basé sur le dosage de nucléotides afin qu’elles puissent le réaliser elles-mêmes. «En prouvant la fraîcheur, résume-t-elle, on met en valeur la pêche de proximité. Toute la filière a, je crois, à y gagner.»