Conduites addictives : une affaire d’Esper...
Depuis la fin de l’année dernière, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a lancé le dispositif Esper (les Entreprises et les Services publics s’engagent résolument) pour tenter de briser le tabou des conduites addictives au sein des entreprises.
Alcool, tabac, drogues illicites, médicaments mais également réseaux sociaux, écrans ! Les conduites addictives tout le monde les connaît, mais peu réellement en parle. La sphère entrepreneuriale n’échappe pas à la règle. Les 18-35 ans sont les plus consommateurs d’alcool, de tabac et de cannabis tandis que les plus de 50 ans se «shootent» allégrement aux médicaments psychotropes. Depuis la crise sanitaire, plusieurs enquêtes ont mis en avant que les comportements addictifs ont pris de l’ampleur. À la sortie des confinements la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) a réalisé une étude sur l’effet du télétravail. Pour l’alcool, la première des drogues, 14 % des salariés ont accru leur fréquence de consommation. Côté cannabis, la hausse de sa consommation atteint les 20 %. Du côté des raisons de cette augmentation : 31 % mettent en avant l’isolement par rapport aux collègues de travail, 29 % les évolutions des conditions de travail et la charge de travail. Pour bon nombre de professionnels, l’évolution de la consommation de substances n’est pas l’apanage du télétravail. Les raisons du mal sont ailleurs.
10 % des arrêts de travail
Une grande majorité des professionnels des luttes contre les addictions en milieu de travail l’assurent : «c’est globalement le volume de travail, les objectifs de performance, l’isolement et l’incertitude économique qui favorisent le stress donc la consommation de substances.» Situation paradoxale dans un univers entrepreneurial où l’aujourd’hui fameuse QVST (Qualité de vie et santé au travail) est mise en avant. «Le travail s’affiche comme protecteur car il est un facteur de socialisation et d’accomplissement. Inversement, la souffrance au travail mise en avant par certains collaborateurs les entraînent à rechercher un équilibre par la consommation de produits», explique un médecin addictologue. L’addiction est souvent passée sous silence au sein des entreprises. «Les addictions représentent 10 % des arrêts de travail, elles sont la cause d’accidents, d’absentéisme, de retard, de conflit, de pertes de motivation ou d’erreurs de décision», continue le médecin addictologue. Histoire de tenter de briser le tabou, la Mildeca a lancé en octobre dernier le dispositif Esper (les Entreprises et les Services publics s’engagent résolument). «La crise sanitaire a révélé l’ampleur du phénomène des conduites addictives et l’urgence à mettre en place des stratégies de prévention et d’accompagnement.» Une charte a été mise en place à laquelle toutes les entreprises peuvent adhérer. Objectif : promouvoir la santé de leurs collaborateurs en s’engageant à définir un projet global de prévention, d’instaurer le dialogue et créer un climat de confiance, mettre en œuvre une démarche de prévention non stigmatisante et accompagner les salariés vulnérables et prévenir la désinsertion professionnelle. Plus qu’une nécessité, une urgence histoire de préserver ce fameux capital humain tant loué (et recherché) aujourd’hui.