Un théâtre élisabéthain pour sceller l'Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne

«Le théâtre élisabéthain dans sa cage de bambous »
«Le théâtre élisabéthain dans sa cage de bambous »

C’est un événement européen. Dans un contexte économique morose où les édiles taillent à tour de bras dans les budgets de la politique culturelle, où les élus n’osent plus défier le climat préélectoral, le département du Pas-de-Calais l’a fait. Il vient d’investir 6 millions d’euros, à lui tout seul, dans un bijou architectural au service de la culture dont il aura l’entière gestion. La volonté est là, d’offrir du beau, de l’émotion et de la réflexion à l’ensemble de la population. Visite de ce lieu tout en rondeur qui rend hommage à Shakespeare et Dominique Dupilet, initiateur du projet du Centre culturel de l’Entente cordiale, en présence de Michel Dagbert, président du département du Pas-de-Calais, et Andrew Todd, architecte.

 

C’est à côté du château d’Hardelot, près de Boulogne-sur-Mer, au cœur de la réserve naturelle du marais de Condette, dans la continuité de la Tour vagabonde et du théâtre éphémère, que s’érige désormais le théâtre. Le seul en France dans sa conception, à allier architecture du théâtre élisabéthain tout en verticalité, avec un toit en plus, et exigences écologiques du moment. D’un brun chatoyant, somptueux dans sa cage de bambou de 12 mètres de haut, il marie mélèze, épicéa et chêne brut ciré pour offrir des performances acoustiques exceptionnelles. Une double configuration a été imaginée par Andrew Todd : l’une théâtrale qui peut accueillir 388 personnes, l’autre pour des pièces musicales et lyriques avec 298 places. L’articulation de l’avant-scène peut faire apparaître une fosse d’orchestre pour 29 musiciens. La modularité du parterre permet d’optimiser le lieu pour d’autres types de rencontres comme des conférences ou des séminaires. Il aura fallu 20 ans de réflexion à Andrew Todd sur cette forme de théâtre, avant de le réaliser.

Un architecte britannique. Andrew Todd est anglais mais vit en France depuis 21 ans. Formé à la littérature anglaise à l’université de Cambridge (il écrira son mémoire de licence sur le théâtre de Shakespeare), puis à l’architecture à l’université de Pennsylvanie aux Etats-Unis, il s’est très vite engagé dans les sphères théâtrales. Je suis un esprit spatial, se plaît-il à dire. Des propos confirmés par Peter Brook, écrivain, metteur en scène, comédien britannique, avec qui il a collaboré à l’écriture d’un livre : The Open Circle (le cercle ouvert). Tous deux sont des admirateurs de Shakespeare. Ce théâtre est fait dans un esprit de partage, explique l’architecte. C’est quelque chose de plus grand que nous, quelque chose de vraiment magique. La rotonde est une forme shakespearienne. C’est une métaphore de la planète. Il appelait son théâtre le ‘Globe’…La forme ronde du théâtre aura été un défi à relever. La solution a été trouvée dans des panneaux CLT courbes, bruts sans finition (Cross-Laminated Timber), que l’on assemble en couches successives afin d’obtenir la forme voulue. Cette structure a été préfabriquée en Bavière et érigée sur place par quatre personnes. C’est inédit. C’est la première fois que cela se fait ainsi, souligne l’architecte. Il en est de même pour l’aération. Le théâtre élisabéthain serait le seul équipement culturel majeur en France à bénéficier d’une ventilation naturelle qui exploite les vents dominants du site et le tirage thermique du volume vertical de la salle. Une verrière permet également de bénéficier de la lumière naturelle, par souci d’économie d’énergie.

Brexit or not Brexit ? Nous vivons un moment exceptionnel, a déclaré Michel Dagbert. Nous dotons le territoire d’un équipement unique, dont la vocation est d’être un levier économique. Et de revenir sur la programmation artistique qui fait partie de la vie du lieu, depuis l’ouverture du Centre culturel de l’Entente cordiale en 2009, avec le Printemps médiéval, le Midsummer Festival (du 30 juin au 16 juillet), la Summer Season, Automn and Christmas… “Aujourd’hui, le Midsummer Festival a acquis une notoriété nationale avec sa programmation originale, toujours dans une tonalité franco-britannique. Ce théâtre va permettre au Département de développer sa politique culturelle volontariste. L’objectif est aussi d’engager des partenariats avec les collèges ou que chaque structure − éducative, environnementale, sociale et sportive − y trouve un lieu unique d’expression et de valorisation. Des siècles d’échanges avec la Grande-Bretagne ont profondément marqué le territoire. Il s’agit de faire rayonner cette histoire franco-britannique qui fait partie de notre histoire et de notre patrimoineconclut Michel Dagbert.

Lucy DULUC

CAPRESSE
Michel Dagbert et Andrew Todd en avant-première.

CAPRESSE

Le théâtre élisabéthain dans sa cage de bambou.