Un remorqueur français de haute mer pourassurer la sécurité dans le pas de Calais
Arrivé au port de Boulogne-sur-Mer le 30 septembre vers 9h, le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage (RI AS) Abeille Languedoc remplace dans le pas de Calais L’Anglian Monarch, affrété conjointement par la Grande-Bretagne et la France, depuis 2000, pour assurer la sécurité dans l’une des zones maritimes les plus fréquentées au monde, la porte d’entrée de toute l’Europe du Nord.
A l’automne 2010, en effet, le Royaume-Uni avait annoncé qu’il ne renouvellerait plus, au 1er octobre, le contrat d’affrètement de l’unité commune en raison de restrictions budgétaires.
Face à ce désengagement britannique, l’Etat français a pris ses responsabilités, car il était risqué de laisser le détroit – ne serait-ce qu’une journée – sans un ange gardien. L’Abeille Languedoc, confirme le vice-amiral d’escadre Bruno Nielly, préfet maritime basé à Cherbourg, va être à la fois le gendarme, le pompier et la dépanneuse du détroit. Et ce choix de l’affecter au pas de Calais ne coûtera pas un euro de plus à la collectivité, puisque ce remorqueur, jusqu’à présent stationné à La Rochelle, était affecté à la sécurité du golfe de Gascogne. Pour la Marine nationale, le coût d’affrètement des quatre Abeilles (avec la Liberté à Cherbourg, le Bourbon à Brest et la Flandre à Toulon) reste inchangé. “L’Abeille Languedoc, explique le préfet maritime, c’est un coût de 10 000 € par jour, de 3,5 M€ pour l’année, carburant compris.”
Une intervention immédiate. Ce moyen hauturier, qui appartient à l’armateur Abeilles international, filiale du groupe Bourbon, est affrété par la Marine nationale au profit du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord. Doté de capacités de remorquage et de lutte antipollution, il est armé alternativement par deux équipages de dix à douze hommes. En marge de ses patrouilles dans le détroit, il est disponible en moins de 40 minutes – 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365 – et, en prévision, appareille dès que le vent dépasse la vitesse de 28 noeuds afin que les délais d’intervention soient plus courts.
Le premier détroit au monde. L’Abeille Languedoc possède une traction au croc de 160 tonnes lui permettant de remorquer les navires les plus grands, dans les pires conditions météorologiques. Pouvant atteindre une vitesse de 17 noeuds, ce navire long de 63,45 m est aménagé pour accueillir 24 personnes. A son bord : 18 cabines, unréfectoire salon, une cuisine, une buanderie, une infirmerie, des locaux climatisés… “Notre politique a toujours été basée sur la prévention, rappelle l’amiral Nielly. Près de 90 000 navires et de 430 millions de tonnes de matières dangereuses passent chaque année dans le dispositif de séparation du trafic (DST) du pas de Calais, auxquels s’ajoute un trafic transversal de quelque 30 000 bateaux de passagers, de pêche, de commerce ou de plaisance. En nombre de navires, c’est le premier détroit du monde ; en tonnes transportées, le second après celui de Malacca, face à Singapour. Le risque de collision dans ce Piccadilly Circus y est permanent.”
Equipé pour la lutte anti-incendie et l’assèchement, d’un canot de sauvetage et de deux Zodiacs, le remorqueur assurera des missions d’assistance de personnes et de biens, de sauvetage et de remorquage de navires présentant un danger pour la navigation ou le littoral. Par ailleurs, il est apte à remplir des missions annexes telles que la lutte contre la pollution, la surveillance de la navigation, la protection de l’environnement maritime ou le transport de personnels et de matériels.
La solidarité transmanche demeure. Faute d’avoir pu convaincre les autorités européennes de mettre la main à la poche, la France a donc fait le choix d’affréter son propre remorqueur et de déplacer l’Abeille Languedoc de La Rochelle à Boulogne. De son côté, L’Anglian Monarch, qui a effectué 64 escortes et 17 remorquages entre 2008 et 2010, a rejoint le port de Folkestone où l’armateur privé JP Knight espère lui trouver une nouvelle utilité. Néanmoins, le préfet maritime Manche-mer du Nord souligne que les Britanniques pourront utiliser l’Abeille Languedoc “à la demande et sans délai”, dans le cadre du Manche Plan (un accord de solidarité qui lie la France et la Grande-Bretagne depuis mai 1978), en cours de refonte, “qui n’est pas remis en cause. Mais le coût d’intervention leur sera facturé”.