Un rapport étonnant

Les apparences sont trompeuses pour la Fondation pour le droit continental. Cette institution, placée sous la triple tutelle du quai d’Orsay (Affaires étrangères), de Bercy (Economie et Finances) et de la place Vendôme (Justice), a rendu public, avant l’été, son premier “Index de sécurité juridique” (ISJ). Etonnant...

Un classement où la France figure dans le trio de tête.
Un classement où la France figure dans le trio de tête.
Un classement où la France figure dans le trio de tête.

Un classement où la France figure dans le trio de tête.

C’est un classement comme on aimerait en voir plus souvent. Si la plupart des rapports sur la sécurité juridique des entreprises dans un choix significatif de pays émanent habituellement de cabinets de conseil anglo-saxons ou d’inspiration anglo-saxonne, celui-ci est une première. Oeuvre de la trop méconnue Fondation pour le droit continental, le document de 250 pages est le fruit du travail de Bruno Deffains et Catherine Kessedjian, tous deux professeurs à l’université Paris II Panthéon-Assas. Quatorze autres spécialistes ont planché sur ce rapport documenté et basé sur un questionnaire de près de 80 pages abordant tous les aspects du business dans 13 pays : Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Chine, Etats- Unis, France, Italie, Japon, Maroc, Norvège, Royaume- Uni et Sénégal. L’Index pointe qu’il est, globalement, préférable de faire du business en France, classée 1re en moyenne arithmétique et 3e au classement général, qu’aux Etats- Unis ou au Canada, classés respectivement 12e et 13e sur 13 ! L’Indicateur de sécurité juridique est au cœur de la problématique que soulève ce rapport. Il est composé de six domaines “considérés par les praticiens et les universitaires comme fondamentaux pour évaluer la sécurité juridique d’un système” : droit des contrats, droit de l’immobilier, droit de la responsabilité, droit des sociétés, droit du travail et réglementation des différends. Côté répondants, principalement des avocats, juristes spécialisés ont été sollicités. “Néanmoins, dans certains pays, il n’a pas été possible de trouver des praticiens disponibles. Dans ce contexte, nous avons alors fait appel à des universitaires spécialisés dans le système juridique observé et dont les travaux portent principalement sur le domaine en question”, précisent les auteurs de l’Index. Les questions donnent à voir de manière affinée la législation des pays audités : règles législatives, jurisprudentielles ? à publication large ? dans une ou plusieurs langues ? règles rétroactives ou pas ? à quel rythme de changement ? dans quelle relation avec les règles internationales ? contestables de quelles manières ? quelles frontières entre pénal et civil ? quelles interprétations des règles ? quelles applications ? quel champ du secret et de la confidentialité ?… Suite à l’interprétation des réponses, les résultats sont tombés.

La France très bien placée.

La France se classe 2e sur les contrats, derrière la Norvège et devant le Maroc, le Sénégal, le Brésil et l’Allemagne ; 2e aussi sur les sociétés, derrière la Chine et devant le Sénégal, le Maroc et l’Argentine. Enfin, elle est 3e sur le droit du travail et sur la responsabilité. Le classement général donne vainqueur la Norvège (avec une moyenne de 7,19 points), devant l’Allemagne (6,93), la France (6,82), le Royaume- Uni (6,56) et la Chine (6,41). Les pays ayant adopté la Common Law (à tendance jurisprudentielle) semblent, selon les auteurs, défavorisés par les questions générales qui pénalisent ces pays au droit non codifié. Si les questions restent légitimes pour tout type de pays, elles ont un pli “culturel” qui confère au systématisme, qui est proprement l’inverse du traditionnel pragmatisme juridique anglosaxon. Ceci explique le mauvais classement des trois pays anglo-saxons, relégués en fin de peloton. “Un tel regroupement de pays partageant d’importantes similarités dans la structure même de leur droit laisse à penser que les répondants de ces pays ont eu des difficultés communes à répondre à certaines questions. (…) Il est possible que les questions générales ne soient pas totalement cohérentes avec un système de droit commun, notamment en raison des nombreuses références au contrôle constitutionnel ou à la notion de règle.” Aussi, un classement général à résultats pondérés a été établi. Dans ce nouveau tableau, la France perd deux places pendant que les Britanniques en gagne 7. Les Etats-Unis restent à l’avant-dernière place alors que leur voisin canadien passe de la dernière à la 9e place. Surprise (certains y verront un parti pris) : les nations européennes, africaines et la Chine surclassent le continent américain.

Morgan RAILANE