Un rachat sur un coup de cœur
L’entreprise avesnoise de sérigraphie, qui travaille pour des enseignes du luxe, allait s’arrêter. Audrey Lenglin a décidé de reprendre et de relancer l’activité.
En économie, il y a rarement des contes de fées. Mais il peut y avoir des coups de cœur ou des situations qui, en tout cas, ne rentrent pas vraiment dans les “cases” habituelles. Voici une histoire étonnante, telle que la décrit Audrey Lenglin, de Sains-lès-Marquion, à l’ouest de Cambrai (62).
Au départ, la jeune femme est à la fois l’assistante de son mari, chirurgien dentiste, et mène avec lui des activités immobilières : “On achète des immeubles à des particuliers, on les remet en état et on les loue.” En début d’année, elle apprend ainsi que les bâtiments de l’entreprise Nord décor, rue de Guise à Landrecies, sont à vendre et que le fonds de commerce est à louer.
Savoir-faire. Début 2015, raconte-t-elle, sans être en dépôt de bilan, Nord décor, qui emploie encore quinze personnes, semble bel et bien condamnée à fermer. Créée en 1983 par Alain Dreumont, l’entreprise réalise de la sérigraphie sur des flacons destinés à la parfumerie et à la cosmétique, à des enseignes et boutiques de luxe. Un travail injustement méconnu.
Selon différents procédés, un personnel essentiellement féminin applique les décors voulus sur les récipients en verre (à plus de 95%) ou en plastique. Un travail de haute précision. “Ici, il y a un grand savoir-faire. Tout n’est pas fait par des machines et les flacons sont contrôlés un par un, avant et après. Il suffit de regarder le nom des enseignes pour comprendre que les clients sont évidemment très exigeants sur le résultat final. Un défaut et c’est le retour de toute la palette !“
L’entreprise allait fermer. Seulement voilà, depuis environ dix ans, l’entreprise subissait des coups durs et le personnel vivait bien des moments d’angoisse : décès du créateur puis de son successeur, un carnet de commandes qui fond, des licenciements, une liquidation judiciaire, un rachat en 2011 par le dernier propriétaire en date… Et précisons, pour couronner le tout, que le destin de Nord décor est lié en grande partie à celui des Verreries de Masnières, dans le Cambrésis (c’est de là que viennent les flacons à sérigraphier). Ces verreries, on le sait, ont traversé de grosses turbulences jusqu’à ce printemps…
Coup de cœur. Audrey Lenglin explique qu’en découvrant l’activité de l’entreprise et ce savoir-faire, elle en est littéralement tombée amoureuse. “Je collectionne les flacons de parfum, mais, comme beaucoup, j’ignorais tout de la fabrication de ces magnifiques décors.” Au 10 juin dernier, elle est devenue la gérante de la SARL, a racheté le fonds de commerce, gardé tout le personnel. Elle a aussi signé un compromis de vente pour les murs. La signature définitive est, dit-elle, prévue en septembre. Tout en relatant ces événements, elle explique qu’elle a, durant les mois précédents, démarché des parfumeurs et verreries à Paris et sur la Côte d’Azur. Elle a aussi découvert, peu de temps avant de conclure l’affaire, que la communauté de communes du Pays de Mormal s’intéressait au sort de l’entreprise et qu’il y avait débat entre les élus. Un autre scénario était même envisagé avec un autre repreneur…
Projet de travaux et d’embauches. Audrey Lenglin s’est donc imposée. Elle précise qu’à son coup de cœur, se sont ajoutés le soutien de son mari et la confiance du personnel (entre quinze et trente ans d’ancienneté). Ses projets ? “Je vais rester gérante bénévole tant que les comptes de l’entreprise ne seront pas redressés.” Elle fait comprendre aussi qu’elle a mis de sa poche, ajoute qu’elle a le projet d’embaucher afin de rétablir les trois-huit et que des travaux d’aménagement sont entrepris.