«Un entrepreneuriat de contrainte va apparaître»

Crise sanitaire et Entrepreneuriat à l’université ! C’est sur ce thème que le réseau national des vice-présidents Entrepreneuriat a organisé auprès de ses membres une consultation prospective. Au-delà de l’interrogation de la place à venir de l’entrepreneuriat au sein des établissements universitaires, c’est toute une approche nouvelle de l’entrepreneuriat qui se profile. Entretien avec Christophe Schmitt, président du Réseau national des vice-présidents Entrepreneuriat des Universités.

«L’Université doit être prête quand la situation économique basculera et elle devra favoriser le rebond des personnes mises en difficulté par cette situation économique», assure Christophe Schmitt, vice-président de l’Université de Lorraine en charge de l’Entrepreneuriat et de l’Incubation. © Emmanuel Varrier
«L’Université doit être prête quand la situation économique basculera et elle devra favoriser le rebond des personnes mises en difficulté par cette situation économique», assure Christophe Schmitt, vice-président de l’Université de Lorraine en charge de l’Entrepreneuriat et de l’Incubation. © Emmanuel Varrier

Comment percevez-vous cette crise sanitaire qui nous touche ?
Christophe Schmitt : C’est une situation inédite. D’habitude quand nous sommes confrontés à une crise, c’est souvent l’offre ou la demande qui s’effondre, là ce sont les deux. Aujourd’hui, tout demeure sous perfusion. Dans l’ensemble avec les différents dispositifs étatiques mis en place les trésoreries des entreprises tiennent mais reste la question de l’après ? L’incertitude demeure, voire même une certaine forme d’insouciance, face à un facteur et une variante complètement exogène que personne ne contrôle. Une chose ressort fortement tout de même, c’est que la notion même de prospective n’existe plus.

Comment voyez-vous l’évolution de la notion même de l’entrepreneuriat ?
L’entrepreneuriat va devoir se réinventer ! Soit tout revient comme avant et rien ne change et l’on continue dans la notion d’entrepreneuriat d’avant, soit rien ne revient comme avant et c’est là qu’une remise en cause totale va s’imposer. Ce n’est pas le passé qui fait le présent mais le futur et l’entrepreneuriat n’échappe à pas cette règle. Avec la crise, le marché de l’emploi va défaillir avec une demande qui augmente et une offre qui diminue. On peut s’attendre au développement d’un entrepreneuriat de contrainte, à la différence de l’entrepreneuriat volontaire qui prévaut actuellement. C’est pour cette raison que nous lançons à l’Université de Lorrain un nouveau Diplôme Universitaire baptisé «Rebond», à destination des salariés qui vont se retrouver sur le carreau et vont se tourner vers l’entrepreneuriat. Le programme est opérationnel, il peut facilement s’appliquer dans d’autres régions.

Président du Réseau des vice-présidents Entrepreneuriat vous avez lancé auprès de vos membres une consultation prospective sur le thème : «Crise sanitaire et Entrepreneuriat à l’Université». Quels sont les principaux enseignements ?
En plus de cette notion d’entrepreneuriat de contrainte auquel nous allons peut-être avoir à faire face, il y a une crainte de voir les universités se refermer sur leurs métiers historiques que sont la formation et la recherche et que les moyens, notamment humains et financiers, finissent par positionner l’entrepreneuriat comme cinquième roue du carrosse. Reste qu’aujourd’hui, l’entrepreneuriat est un bon vecteur de transformation de l’université notamment dans la consolidation de son rôle conscient et avéré d’acteur économique tant au niveau local, qu’aux niveaux national et international.

«L’entrepreneuriat est un bon vecteur de transformation de l’université, notamment dans la consolidation de son rôle avéré d’acteur économique.»

Comment les universités ont-elles fait face à la crise sanitaire pour maintenir leurs actions et relations avec les étudiants-entrepreneurs ?
Globalement, il apparaît que les universités ont su faire face aux contraintes de la crise sanitaire en proposant une continuité de services aux entrepreneurs et, plus particulièrement aux étudiants-entrepreneurs. Cette adaptation n’est pas le fruit du hasard. Elle est du principalement au mode de fonctionnement en cohérence avec l’entrepreneuriat : agilité, capacité à pivoter, anticipation. La grande partie des universités utilisait déjà des outils ou des applications numériques permettant un basculement à distance. Aujourd’hui l’enjeu est autre part. La question que tout le monde se pose consiste à s’interroger sur la manière de sensibiliser les étudiants à l’entrepreneuriat dans le contexte sanitaire de la rentrée universitaire. Les pistes qui se dégagent renvoient à la nécessité de développer des campagnes de communication locales, et nationales et notamment sur les réseaux sociaux pour faire la promotion de l’entrepreneuriat à l’université. Il nous faut développer des démarches nouvelles.

Quel rôle l’Université pourra-t-elle jouer dans la sphère entrepreneuriale ?
Les universités ont développé un savoir-faire en matière d’entrepreneuriat permettant d’accueillir et d’accompagner des porteurs de projets qu’elles pourraient mettre au service de ce type d’entrepreneuriat de contrainte. Il s’agit essentiellement de gérer l’état gazeux de l’entrepreneuriat, la phase amont (la phase aval correspond à l’état de cristallisation et elle est gérée par les structures d’accompagnement et les chambres consulaires). L’objectif est double pour les universités. Elles doivent être prêtes quand la situation économique basculera et elles devront favoriser le rebond des personnes mises en difficulté par cette situation économique.

Propos recueillis par Emmanuel VARRIER (Les Tablettes Lorraines) pour Réso Hebdo Éco / www.reso-hebdo-eco.com