Un déluge d'eau pour le décollage d'Ariane 6

Il faut des trombes d'eau pour faire voler Ariane 6: face au feu des moteurs alimentés par des centaines de tonnes de poudre, d'hydrogène et d'oxygène liquides, des milliers de litres sont déversées sur le...

Décollage d'une fusée Ariane 5, à Kourou, en Guyane, le 25 juillet 2018 © -
Décollage d'une fusée Ariane 5, à Kourou, en Guyane, le 25 juillet 2018 © -

Il faut des trombes d'eau pour faire voler Ariane 6: face au feu des moteurs alimentés par des centaines de tonnes de poudre, d'hydrogène et d'oxygène liquides, des milliers de litres sont déversées sur le pas de tir au décollage de la fusée.

Au moment du tir inaugural du nouveau lanceur européen prévu mardi au Centre spatial guyanais (CSG) à Kourou, 800.000 litres d'eau vont être lâchés en quelques dizaines de secondes sur la table de lancement depuis les dizaines de buses qui la ceinturent.

Il s'agit de "réduire l'effet acoustique" de la fusée, explique Olivier Bugnet, chef de projet Ariane 6 au Cnes, l'agence spatiale française responsable du CSG.

Les deux propulseurs d'appoint à poudre (boosters) et le moteur Vulcain alimentés par de l'oxygène et de l'hydrogène vont cracher 170 décibels, bien au-delà du seuil de la douleur de 120 décibels ou d'un avion à réaction au décollage.

Avec cette puissance, "les ondes acoustiques se réverbèrent et créent des vibrations qui vont secouer la fusée et les satellites" qu'elle emporte, détaille-t-il. Au risque de les endommager. Noyer la table de lancement sous l'eau permet de réduire la propagation de ces ondes et de limiter l'empreinte sonore.

"Le deuxième objectif, c'est de protéger les installations de l'effet thermique" des milliers de degrés dégagés par les moteurs, ajoute le chef de projet.

Pour cela, un château d'eau de 90 mètres de haut contenant 1.200 m3 d'eau, l'équivalent d'une demie-piscine olympique a été construit à quelques dizaines de mètres du pas de tir. Une canalisation de 2,5 mètres de diamètre permet de déverser 30 m3 d'eau par seconde.

Le déclenchement du "déluge", comme le procédé est appelé, est automatique, selon un synchronisation bien précise: "il doit arriver le plus tôt possible dès que ma fusée commence à s'élever", indique Olivier Bugnet, "mais s'il se déclenche trop tôt, ça couche le lanceur".

L'eau est ensuite récupérée dans le carneau, le conduit d'évacuation des gaz qui plonge dans les entrailles du pas de tir, puis elle est traitée et renvoyée dans une retenue d'eau située à proximité.

Ariane 5 ou la fusée Vega utilisent également la technique du déluge. La fusée géante Starship de "Space X a essayé (de s'en passer), on a vu le résultat", pointe Guy Pilchen, chef du projet Ariane 6 pour l'agence spatiale européenne (ESA).

La puissance des 33 moteurs du mastodonte a détruit le pas de tir de sa base de Boca Chica (Texas) lors du premier vol en avril 2023. Un système de déluge a depuis été ajouté.

Pas de déluge non plus pour la fusée russe Soyouz, lancé depuis les glaciales steppes de Baïkonour où l'eau pourrait geler. "Cette fusée n'utilise pas de booster, et le carneau est ouvert" pour limiter la propagation des ondes, selon Olivier Bugne.

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