Un couple de chauffagistes, un défi contre la morosité

Isabelle Watbled a relevé un double défi. Celui de quitter un poste d’ingénieur d’étude à l’Institut Pasteur pour rejoindre la société de son mari en qualité de chauffagiste, un métier plutôt masculin. Portrait d'une personnalité passionnée et redécouverte d'un métier en pleine évolution.

Un couple de chauffagistes, un défi contre la morosité
D.R.

Isabelle et Jean Watbled, APP services à Lomme. Une reconversion pour un couple compétent qui s’est engagé dans l’artisanat avec passion.

  Un couple d’artisans, une complémentaritéIsabelle et Jean Watbled évoquent leur parcours professionnel, unis par une même complicité. Tous les deux épousent le même métier alors que leur parcours professionnel s’avère différent. Jean travaillait dans une société de téléphonie quand il s’est retrouvé au chômage en 1999. Le propriétaire de son logement, Christian Vanfleteren, se lie d’amitié avec lui et remarque ses compétences. Il l’incite à découvrir son métier de chauffagiste alors qu’il songe à prendre sa retraite. Bien vite, Jean Watbled se passionne pour ce travail. La transmission se fait tout naturellement. «J’ai eu la chance de rencontrer Christian, il m’a ouvert sa porte et m’a fait confiance. Je l’ai observé et j’ai été suivi par la Chambre de métiers. J’ai ensuite hérité de toute sa clientèle et ai continué à assumer le service selon ses principes.» La création de APP services est officialisée rapidement. «Je me consacre plutôt à l’entretien des chaudières et propose des contrats d’entretien annuels. Pour les installations, je travaille avec tout un réseau de collègues et nous nous entraidons sur la base de la complémentarité mais notre métier devient de plus en plus complexe. L’électronique, les normes de sécurité, le respect de l’environnement… Notre clientèle est de plus en plus avisée et renseignée, et nous devons sans arrêt nous former, nous remettre en question et répondre aux nouvelles demandes. Notre responsabilité est importante en termes de sécurité.»

 Chauffagiste : un métier en pleine évolution. C’est bien ce qui passionne Isabelle Watbled. Plus c’est compliqué, plus ça lui plaît. Quel parcours étrange que celui de cette chauffagiste qui vient d’obtenir son diplôme d’agent technique en dépannage et entretien. «Je suis la première femme dans le Nord qui décroche ce diplôme. J’ai suivi une formation près de Douai et n’y ai côtoyé que des hommes. Ils m’ont bien fait marcher au début mais j’ai du répondant. Aujourd’hui, je suis en stage dans l’entreprise de mon mari car je dois compléter la théorie de l’enseignement. J’adore ce métier et je me lève la nuit pour lire des brochuresJe ne m’endors pas tant que je n’ai pas compris.» Car cette technicienne a le sens du défi et n’hésite pas à jeter les clichés aux orties.

 Un challenge. Pôle emploi ne cessait de lui rappeler qu’elle était trop diplômée pour retrouver du travail. La solution a été trouvée facilement. En accompagnant son mari chez le client, cet ingénieur d’étude en microbiologie, qui a exercé ses talents pendant 22 ans au sein de l’Institut Pasteur, a été intriguée par les installations de chauffage. En effet, les notions de chimie, de bactériologie, de physique sont présentes. Rien ne lui plaît plus que de calculer les pertes d’énergie et de dresser un diagnostic. La bosse des maths s’exerce sur des choses concrètes et l’appétence pour l’apprentissage des choses nouvelles ne s’en trouve que vivifiée. «Tout se rejoint, l’hygiène, l’environnement, l’écologie… Pour moi qui étais également correspondante qualité AFNOR, ça constitue un vrai challenge.»  Il s’agit donc d’une continuité et non d’une métamorphose professionnelle. Entrée à l’Institut Pasteur en qualité de technicienne, Isabelle Watbled a gravi tous les échelons pour devenir ingénieur d’étude dans le domaine de l’hygiène de l’environnement, travaux éminemment importants, notamment dans le secteur hospitalier. Elle a dirigé une équipe de cinq personnes jusqu’en 2011, une période où le cumul de plusieurs facteurs l’a obligée à prendre de la hauteur. Le chômage a suivi. Après une période d’incertitude, l’opportunité de rejoindre son mari dans l’affaire artisanale est devenue une évidence et une chance à saisir. 

 Des projets. «Je ne regrette vraiment pas», assure Isabelle Watbled. Même si son mari estime qu’elle apprend un peu trop vite à son goût mais on sent, sous-jacente, une certaine fierté de partager la vie d’une personne si vive et si réceptive. Leur association professionnelle engendre de nouveaux projets. Celui de pouvoir délivrer des certifications Qualigaz, de pouvoir opérer des dépannages sur  les pompes à chaleur, un travail qui exige des notions de physique et de chimie. Continuer à se former aux nouvelles technologies et, pourquoi pas, un jour dispenser des cours sur le métier de chauffagiste… Les yeux d’Isabelle Watbled pétillent quand elle évoque sa reconversion. Elle est prête à parler de son expérience pour briser les a priori, mettre en valeur un métier qui, s’il est fait dans les règles de l’art, ne connaîtra pas le chômage, et redonner confiance à tous ceux qui doutent de la nécessité de se remettre en question au niveau professionnel. Un témoignage précieux en ces temps de morosité. Une réalisation qui confirme que l’artisanat est bien le premier employeur de France.