Un congrès électif centré sur la réforme territoriale
Après Dainville en juin 2014, c’est Lesquin qui accueille le jeudi 9 avril le congrès de l’Union régionale du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales. Rencontre avec son président, Jean-Marc Ducroquet, directeur général des services de la mairie d’Hazebrouck.
La Gazette. Qui sont les DGS ?
Jean-Marc Ducroquet. Les directeurs généraux des services des collectivités territoriales ont pour mission de diriger et de coordonner les services, une formule qui offre l’avantage d’être courte, mais pas suffisamment claire pour définir leurs responsabilités réelles. Car − et c’est ce qui peut parfois causer souci −, les DGS sont responsables juridiquement, voire pénalement, dans le cadre des actions menées par les collectivités locales ou EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). S’agissant d’un cadre d’autorité, le DGS sera considéré par le juge comme disposant de pouvoirs élargis et engagera sa responsabilité, même si le maire a limité son champ d’intervention. Quoi qu’il en soit, le tandem maire/DGS est fondamental pour la bonne administration d’une collectivité locale ou d’un EPCI et repose sur une très forte relation de confiance. Le DGS est l’interface incontournable entre la sphère politique et les services municipaux.
Quel est le rôle du syndicat dont vous êtes, depuis deux ans, le président régional ?
Le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales est un syndicat corporatiste qui rassemble les DGS toutes tendances politiques confondues. Il agit bien sûr pour défendre la profession, mais aussi et surtout se trouve très impliqué dans l’organisation territoriale de la République. C’est ainsi que le président national, Stéphane Pintre, et les membres de son conseil d’administration ont régulièrement des échanges avec les ministères et la Direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur. Cette forte implication peut chagriner certains élus, mais nous considérons, en raison de notre expertise et notre rôle professionnel, avoir notre mot à dire dans le fonctionnement de l’administration territoriale. A ce titre, le syndicat fait beaucoup de propositions pour tenter d’améliorer le fonctionnement de l’administration. Ainsi, dans la période récente, est-il beaucoup intervenu sur la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPAM, et sur le projet de loi pour une Nouvelle Organisation territoriale de la République (NOTRe), projet de loi qui est d’ailleurs le thème retenu pour notre congrès régional.
Quel est le poids régional du syndicat ?
La région compte environ 350 directeurs généraux des services, dont 304 sont syndiqués, ce qui la classe au troisième rang des régions après l’Ile-de-France et Rhône-Alpes qui en ont 347 chacune, mais avec respectivement 4 et 8 départements. Nord et Pas-de-Calais sont les départements qui comptent le plus d’adhérents. Le président du syndicat dans le Nord est Jacques Havez, DGS de la mairie de Sin-le-Noble. La présidence du Pas-de-Calais est assurée par Elodie Kuchcinski, DGS à la mairie de Vendin-le-Vieil.
Au-delà du débat sur la loi NOTRe, le principal sujet de la partie statutaire de notre congrès portera sur le renouvellement de nos instances régionales et départementales, puisque 2015 est une année élective. A ce stade, l’enjeu du congrès est de parvenir à rajeunir les instances et à les féminiser, tant la profession est majoritairement masculine, sans doute du fait que cet emploi est chronophage et donc pas toujours très compatible avec une vie familiale. Si Elodie Kuchcinski remet son mandat en jeu, Jacques Havez, arrivé en fin de carrière, souhaite voir un membre actif lui succéder.
Quelles sont aujourd’hui les principales préoccupations des DGS ?
Pour la première fois, suite au renouvellement des conseils municipaux en mars 2014, le syndicat a fait le constat qu’un nombre important de DGS avaient été déchargés de leurs fonctions par les nouveaux maires élus. Spécificité de leur statut, les DGS sont des fonctionnaires nommés sur un emploi fonctionnel. DGS n’est pas un grade, mais une fonction. Jusqu’aux dernières élections, la décharge ne concernait que les communes de plus de 20 à 30 000 habitants. L’extension de la décharge sur des communes de plus de 5 000 habitants a été une surprise. Le fait d’avoir exercé la fonction avec une majorité donnée est souvent reproché par la nouvelle majorité sans qu’il y ait forcément une implication politique. C’est ce qui nous apparaît particulièrement gênant et explique que nous demandions aux maires nouvellement élus de laisser les DGS démontrer leurs compétences, car, dans la très grande majorité des cas, ils ne sont pas politiquement marqués et ont pour souci principal l’intérêt général. Dans la région, le syndicat a dû traiter 20 de ces situations et c’est sans compter les cas qui ont été résolus par le biais de mutations, mais là le recensement des chiffres est plus délicat.
Un autre sujet qui tient à cœur aux DGS est celui, en cette période de raréfaction des moyens financiers, de la définition des politiques publiques et du maintien des services avec des moyens fortement réduits. Il nous importe de participer à la définition de vraies politiques publiques en ce sens qu’elle doivent s’inscrire dans la durée et dans l’efficacité et non dans une politique par à-coups, qu’elles doivent être correctement bâties, correctement analysées et judicieusement modifiées selon leurs résultats. Au-delà de la recherche de nouveaux moyens et de l’organisation des services, il va nous falloir, en termes de management, nous employer à accroître plus encore l’efficience en termes de ressources humaines pour maintenir les politiques publiques mises en œuvre. En revanche, il est à craindre qu’à l’avenir le rôle d’amortisseur social des communes ne devienne particulièrement complexe, voire impossible.
L’époque des services cloisonnés trop étanches, bien combattue, s’achève. Les projets, les programmes sont de plus en plus complexes et la transversalité s’impose. Dans les collectivités locales comme d’ailleurs dans les entreprises, tout repose sur des personnes qualifiées, volontaires, dynamiques. Il y a nécessité de faire travailler les services en même temps, dans le même sens et surtout en mode projet, en rassemblant toutes les compétences nécessaires pour parvenir à l’objectif. A cet égard, on peut dire que le DGS est un assembleur de compétences. Après les premières lois de décentralisation, le DGS était surtout un technicien qui parvenait à suivre l’évolution législative et décrétale. Avec le temps, le DGS est devenu davantage manager que technicien, certes avec un minimum de savoirs professionnels, mais surtout un bon niveau de culture générale puisqu’il lui faut penser global pour agir local. Ceci sous-tend des connaissances sur les plans politiques, économiques, sociologiques, environnementales…
Le thème principal de votre congrès porte sur le projet de loi NOTRe.
Si l’an dernier, le congrès avait consacré ses travaux à la mutualisation verticale et horizontale − qui, sans être forcément source d’économies, offre l’intérêt d’une plus grande efficience pour les collectivités territoriales −, il a pour thématique cette année le projet de loi NOTRe avec l’objectif de répondre aux questions «pourquoi une nouvelle organisation territoriale ? quels effets ?». S’il a été adopté en première lecture par le Sénat le 27 janvier 2015 et par l’Assemblée nationale le 10 mars, ce projet de loi doit encore repasser en deuxième lecture devant ces assemblées avec l’objectif d’harmoniser leurs divergences, notamment, par exemple, sur la taille minimale des intercommunalités. Cette table ronde sera l’occasion de faire le point sur les évolutions possibles du projet. Animée par Pierre Mathiot, directeur de Sciences-Po Lille, elle sera le moment fort du congrès régional et bénéficiera des participations de René Vandierendonck, sénateur et rapporteur du projet de loi, et de Christian Colin, vice-président de la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, mais aussi de celles d’Yves Duruflé, directeur général des services de la région Nord-Pas-de-Calais, Christian Deruy, directeur général adjoint des services au secrétariat général du conseil départemental du Pas-de-Calais, Bruno Cassette, directeur général des services de Métropole européenne de Lille, et Patrice Girot, directeur général des services de la communauté d’agglomération du Val de Montmorency (CAVAM) et vice-président national du SNDGCT qui relaiera les propositions du SNDGCT en ce domaine et qui portent sur quatre priorités, à savoir la gouvernance, la nouvelle répartition des missions et compétences, les ressources des collectivités et les nouveaux enjeux du service public local.