Un an après les émeutes, Montargis, la "Venise du Gâtinais", panse encore ses plaies

Les haut-parleurs de la ville qui crachent les tubes du moment dans les rues de Montargis, surnommée "la Venise du Gâtinais", n'éclipsent pas les stigmates des émeutes de juin 2023: des immeubles sont détruits, d'autres menacent...

Les secours inspectent une pharmacie incendiée à Montargis, dans le Loiret, au sud de Paris, le 1er juillet 2023 © Mathieu RABECHAULT
Les secours inspectent une pharmacie incendiée à Montargis, dans le Loiret, au sud de Paris, le 1er juillet 2023 © Mathieu RABECHAULT

Les haut-parleurs de la ville qui crachent les tubes du moment dans les rues de Montargis, surnommée "la Venise du Gâtinais", n'éclipsent pas les stigmates des émeutes de juin 2023: des immeubles sont détruits, d'autres menacent de s'effondrer et la population reste stupéfaite.

Fin juin 2023, lors d'un contrôle routier, le jeune Nahel, 17 ans, meurt après avoir reçu un tir policier, entraînant des nuits d'émeutes un peu partout en France.

Ce sera le cas à Montargis, commune de quelque 15.000 habitants située à 120 km de Paris, où les séquelles des émeutes ont amené nombre d'habitants à revoir leurs intentions de vote à l'approche des élections législatives.

Du 29 au 30 juin 2023, "la nuit a été très mouvementée", se souvient Tony, 29 ans, qui a assisté aux scènes de saccage et violence depuis sa fenêtre. "Je ne m'attendais pas à ça, ils avaient des pavés à la main et ont attendu la nuit tombée pour se lancer", confie à l'AFP le cuisinier de profession.

En quelques heures, cette petite commune traversée par plusieurs cours d'eau et dominée par les vestiges de l'ancien château royal du XIIe siècle, a été dévastée: trois immeubles ont été détruits, 80 boutiques ont été dégradées, dont six pillées, par 200 émeutiers.

"Pour la mairie, le préjudice a été de 400.000 euros. Pour le domaine public, on évalue de 15 à 20 millions d'euros environ", avance auprès de l'AFP le maire (LR) de Montargis, Benoît Digeon. 

Un an plus tard, les stigmates sont toujours là : plusieurs vitrines sont encore bardées de panneaux en bois, l'emplacement des immeubles détruits est resté vide, et les bâtiments voisins, en péril, sont soutenus par un étaiement en bois.

C'est l'oeuvre de "vilains petits voyous, (organisés à travers) les réseaux sociaux, qui se sont dits: +On va aller brûler la mairie, le commissariat et les magasins+ et ils ont réussi", souffle l'édile.

- "La priorité, c'est manger", pas éduquer - 

Selon le gouvernement, les structures familiales ont joué un rôle dans les émeutes. Ainsi, quelque 60% des mineurs présentés à la justice après les événements étaient issus d'une famille monoparentale.

"Pour ces familles, cadrer les enfants n'est pas la priorité", estime Charline, 50 ans et travailleuse sociale, "la priorité, c'est de manger, trouver des ressources. L'éducation passe elle en second plan".

A Montargis, se trouve un concentré de misère: un tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté - selon l'Insee - le nombre d'expulsions locatives a fortement augmenté en raison d'impayés, 40% des logements sont sociaux, il existe peu de mixité sociale, une famille sur trois est monoparentale et les saisines pour mineurs en danger sont élevées.

Sur un autre volet, y prospère un trafic de drogues "vendues en bas des halls d'immeubles", selon le procureur de la République, Jean-Cédric Gaux.

"On a un concentré de cas sociaux, qui ne travaillent pas et qui sont aidés" dans une ville devenue "une plaque tournante parce qu'on est entre Paris et Orléans", s'agace cette "maman solo" qui a fui la ville avec ses trois enfants pour les "protéger de cette violence". 

L'extrême droite pour "plus de sécurité

"Se souvenir de cette période revient à raviver un traumatisme", soupire Ghislaine, 70 ans, pour qui les émeutes, "la goutte de trop", ont initié un changement dans son engagement politique. 

La Montargoise, qui votait jusqu'ici pour des partis de centre-droit, espère désormais "qu'avec l'extrême droite au pouvoir, on nous assurera plus de sécurité dans les rues".

Dans cette commune du Loiret, le Rassemblement national a raflé la première place aux élections européennes du 9 juin avec 30,5% des voix, plus de sept points de plus qu'en 2019. Le premier déplacement post-élections de Jordan Bardella a été organisé à Chuelles, une vingtaine de kilomètres à l'est de Montargis.

Accoudée à son vélo, Gaëlle, 47 ans et auxiliaire de vie, assure être "la première étonnée" face à sa décision de voter pour le RN aux élections législatives le 30 juin et le 7 juillet, "mais on a essayé la gauche, la droite modérée et rien n’a changé donc autant tester un nouveau parti pour voir le résultat".

Derrière la vitrine de sa boutique de prothèses auditives, où des fissures du verre sont encore visibles, Mouna Ras-el-Ma, 23 ans, se lamente de voir la commune "sombrer vers un danger certain". 

Car pour la conseillère de vente, les émeutes de Montargis ont "offert à beaucoup d'électeurs la possibilité de privilégier leur envie de confort au lieu de penser aux générations futures qui seraient terriblement impactées par un gouvernement d’extrême droite".

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