Pouvoir d'achat : « Avec le vrac, si vous n'avez besoin que d'1 euro de produit, vous n'en dépensez pas 4 »
Acheter ses produits en vrac peut constituer un atout pour le pouvoir d'achat, argumente Célia Rennesson. Pourtant, en prix au kilogramme, le match entre produits en vrac et emballés penche souvent en faveur du second...
En quoi le vrac permet-il de répondre aux préoccupations de pouvoir d'achat ?
Le vrac est le seul mode de consommation qui permet de choisir la quantité de produit acheté. En soi, cela permet une meilleure maîtrise de son budget : si vous n'avez besoin que d'un euro de produit, vous n'en dépensez pas quatre. Mais cela va au delà. En effet, le vrac permet d'éviter certains travers liés à l'achat de produits préemballés. Lorsque vous allez faire vos courses muni de votre liste d'achats, les offres commerciales « deux produits plus un gratuit », par exemple, font que l'on ressort souvent du magasin avec des produits en plus. Non seulement cela occasionne une dépense supérieure à celle prévue, mais en plus, ces achats supplémentaires sont souvent gaspillés. Littéralement, on met de l'argent à la poubelle : d'après l'Ademe, sept kilogrammes de nourriture, soit une centaine d'euros, sont jetés par personne et par an. Un autre effet financier corollaire s'ajoute encore à celui du gaspillage. Le poids de nos poubelles augmente. Cela coûte cher en taxes d'enlèvement d'ordures ménagères, lesquelles finissent aussi par gréver le budget des ménages. Par ailleurs, acheter en vrac permet de fabriquer moins cher que des produits sur le marché, pour l'entretien ménager, par exemple.
Pourtant, une étude de l'Institut national de la consommation (INC) de novembre dernier montre que le prix des produits en vrac est souvent plus élevé que celui des produits emballés. Qu'en est-il ?
Historiquement, le vrac est né dans les circuits bio, il y a une quarantaine d'années, car les chaînes ont voulu proposer une offre moins chère. Aujourd'hui, dans ces magasins, les produits en vrac sont moins chers. C'est le résultat d'une décision stratégique des chaînes. En effet, si le vrac était plus cher que les produits emballés, les consommateurs ne l'achèteraient pas. Mais il est vrai que ce mode de distribution nécessite plus de main d’œuvre : il implique 1,85 ETP(équivalent temps plein) dans un magasin, contre 1 lorsque les produits sont préemballés. Et au delà de la main d’œuvre, la question du prix du vrac est aussi liée à celle de la maturité, de la taille critique du marché. Et pour l'instant, le vrac est encore peu développé hors des circuits bio. Toutefois, en 2020, de grandes marques ont lancé des expérimentations avec Babibel, Kellogs ou Lutti dans l'alimentation, ou L'Occitane et Mustela pour la cosmétique. Les distributeurs s'y intéressent aussi, comme par exemple Carrefour qui a lancé un « challenge innovation » auprès de start-up, pour améliorer l'expérience du vrac dans ses magasins. Plus le marché du vrac va se développer, plus les prix vont baisser...
Au delà du surcoût de main d’œuvre, y a-t-il d' autres différences structurelles entre le marché du vrac et celui des produits emballés ?
Oui. Les marchés du vrac et du non vrac ne sont pas sur un pied d'égalité, et cela constitue un véritable souci. Aujourd'hui, en effet, le coût d'un emballage n'est pas payé à son juste prix, par rapport aux externalités négatives qu'il produit. Il est vrai qu'il existe des écotaxes. Toutefois, une étude récente du WWF [Fonds mondial pour la nature] a montré que le prix du plastique pour les emballages devrait être multiplié par dix pour intégrer réellement toutes ses externalités négatives, notamment environnementales. Les pouvoirs publics devraient l'imposer. Cela aurait pour effet d'augmenter la compétitivité des prix de la filière vrac. C'est l'une des propositions prioritaires que nous portons dans le cadre de l'élection présidentielle, afin de favoriser le développement du marché du vrac. Aujourd'hui, celui-ci pèse 1,3 milliard d'euros et compte environ 11 millions de clients.