TPE et ESS, associées sur les territoires face à la mondialisation ?
Artisans, petits commerçants, entreprises de proximité, certaines, inscrites dans le champ de l’économie sociale et solidaire (ESS), composent un tissu économique local qui fait face aux mêmes défis. Un atout de taille pour l’emploi et la solidarité. Débat récent, à la Banque de France.
Une table ronde intitulée «TPE/PME et entreprises de l’ESS, quelles synergies sur les territoires ?» s’est tenue le 13 mars dernier, à la Banque de France, à Paris, dans le cadre du forum sur «La dynamique entrepreneuriale et l’ESS au cœur des territoires». Le constat, tout d’abord, est que TPE et PME d’une part, et entreprises de l’ESS, d’autre part, constituent deux réalités massives sur le territoire. Les seuls artisans, par exemple, représentent 1,3 million d’entreprises pour un peu plus de 3 millions de salariés, d’après CMA France, qui fédère les chambres de métiers et de l’artisanat. Quant à l’ESS, elle représente 220 330 établissements qui regroupent 2,38 millions de salariés et 22 millions de bénévoles, estime le CNCRESS, le Conseil national des Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. Les deux démarches ne sont pas faciles à différencier, notamment parce que le monde de l’ESS est encore mal connu. Pourtant, le phénomène «n’est pas récent», rappelle Florent Duclos, directeur du CNCRESS. Les premières coopératives datent du 14e siècle… Mais ce n’est que depuis 2014 qu’une loi délimite précisément les contours de l’ESS. À présent, «l’ESS apparaît toujours plus comme un acteur à part entière de l’économie, qui apporte des réponses à des enjeux sociétaux sur les territoires», analyse Florent Duclos. La raison ? Structurellement, «l’ESS est une économie territoriale», insiste Françoise Bernon, déléguée générale du Labo ESS, think tank dédié à l’ESS. Exemple : Bretagne et Pays-de-Loire ont une très ancienne tradition de coopérative agricole. Et 69 % des communes rurales comptent des employeurs du champ de l’ESS. Une présence qui contribue au maintien d’activités économiques, de lien social, et aussi de l’émergence de solutions nouvelles, d’après le Labo de l’ESS. C’est par exemple le pari qui est fait Outre-mer, dont les économies locales sont confrontées à des difficultés économiques et sociales particulièrement aiguës et spécifiques.
Innover en puisant dans les traditions les plus ancrées
De leur insertion profonde dans le tissu économique et social local, ESS et artisanat traditionnel puisent la faculté d’innover en apportant des réponses à des problèmes très contemporains. Comme à Mayotte, par exemple, où des projets se développent sur le modèle traditionnel de la «chicoa». «Il s’agit d’un financement au sein d’une famille, ou d’un groupe, où plusieurs personnes apportent une somme pour réaliser un projet. C’est le type de financement qui se fait ici, car nous n’avons pas le même accès aux financements qu’en Métropole. Nous aimerions le transformer pour créer un outil de financement», explique Djemilah Hassani, responsable stratégie au sein de la CRESS, Chambre régionale de l’ESS de Mayotte. Jacques Garau, directeur général de CMA France, est sur la même longueur d’onde. «Nous ne sommes pas délocalisables. Nous participons à cette économie de proximité et nous travaillons à partir des territoires», explique-t-il. Ainsi, le boulanger va créer un dessert ou un pain spécifique, basé sur des fruits ou une farine locale… Mais aussi, «l’artisanat s’adapte aux évolutions. À l’origine, les corporations ont été à la base de l’essor des villes. Aujourd’hui, l’artisanat conserve le savoir-faire des métiers, mais prend la vague de la modernité.» Concrètement, ces entrepreneurs de terrain répondent aux nouvelles aspirations sociétales. «On voit dans la société un besoin d’inventer un nouveau vivre ensemble. L’’ESS y participe, et l’artisanat aussi», estime Jacques Garau. Ainsi, dans le développement de l’économie de la réparation : le réseau «Répar’acteurs» regroupe des milliers d’entreprises locales, pour inciter les consommateurs à réparer leurs objets plutôt qu’à les jeter. Déjà habitués à travailler ensemble sur les territoires, acteurs de l’ESS et artisans traditionnels ont aujourd’hui un intérêt nouveau à collaborer : il s’agit de faire face aux acteurs de l’économie numérique, potentiellement létaux pour l’économie locale, avec notamment, les plateformes comme Amazon ou Google. «Travaillons ensemble», prône Jacques Garau. «Nous ne sommes pas dans une logique d’opposition», souligne Françoise Bernon.