Terra Terre, le stockage de carbone près de chez vous
Start-up lilloise récemment primée au concours "Graines de Boss", Terra Terre propose aux entreprises de compenser leurs émissions incompressibles de carbone à moins de 100 km de chez elles.
Mathieu Toutlemonde fait du commerce de carbone... Enfin presque. Avec sa plateforme web Terra Terre, il met en relation des émetteurs de carbone avec ceux qui sont en mesure d'en stocker. Originaire d'une famille d'agriculteurs de Villeneuve-d'Ascq, le jeune homme a créé son entreprise en 2020. De retour d'Asie après quatre ans, il se questionne sur l'avenir de l'exploitation familiale. Ses parents, qui exploitent 60 ha en grandes cultures, décident alors de se convertir à l'agriculture biologique. «Je me suis alors demandé comment compenser la perte de rendement induite par cette conversion, se rappelle-t-il. On s'est donc intéressé à des financements complémentaires.»
Relocaliser l'action climat
Intégrant l'idée que le sol représente le plus grand puits de carbone après les océans, il se penche alors sur les fameuses compensations carbone. «Jusqu'à maintenant les entreprises compensaient leurs émissions par des actions à l'autre bout du monde, du type 'je plante un arbre au Malawi'. Aujourd'hui elles veulent relocaliser leurs actions climat au plus près de leur chaîne de valeurs.»
Le jeune homme envisage alors à créer une plateforme pour mettre en relation des agriculteurs, qui cherchent à faire évoluer leurs pratiques, avec ces entreprises. Un moyen de faire financer une partie de la transition agro-écologique par des entreprises locales, qui achètent ainsi des crédits carbone. Le stockage du carbone est en effet devenu un enjeu majeur au sein des entreprises qui doivent réduire ou compenser leurs émissions de 40% à l'horizon 2030. «On estime que 34 Mt de carbone doivent être stockées chaque année en France», précise Mathieu Toutlemonde.
La plateforme est lancée au début de l'été 2021. Et la demande est là, au point que Terra Terre - quatre salariés - envisage déjà de recruter. Sur le seul mois de septembre, 30 entreprises ont pris contact avec elle. «On a beaucoup de demandes de la part du monde économique, de tous types d'entreprises, des grandes comme des petites, assure Mathieu Toutlemonde. On les laisse mesurer leur empreinte carbone car nous sommes une entreprise à mission. On ne peut donc pas être juge et partie. Ensuite on leur promet de trouver un agriculteur à moins de 100 km pour compenser leurs émissions incompressibles.»
Transparence et traçabilité
Un engagement qui suppose aussi, en parallèle de renforcer le réseau d'agriculteurs. «Il nous faut mapper la France pour que l'on trouve le matchmaking, pour répondre à notre promesse», commente Mathieu Toutlemonde. Actuellement le réseau compte 300 agriculteurs à l'échelle nationale, «recrutés» via les réseaux professionnels : coopératives, négoces... Un millier d'agriculteurs supplémentaires devrait rejoindre ce réseau d'ici la fin de l'année, via un échange avec le ministère de l'Agriculture. Tous sont très officiellement engagés dans une stratégie bas carbone. «Nous avons développé une plateforme de suivi, qui reprend les données issues des évolutions agricoles. Elles sont accessibles aux financeurs, qui peuvent suivre la transition des agriculteurs en temps réel. On met de la transparence et de la traçabilité pour les entreprises et pour leurs collaborateurs qui ont le souhait de comprendre les actions concrètes qui sont conduites par leurs employeurs.»