Climat
Températures : les scénarios réalistes du réchauffement
L’année 2024 sera-t-elle aussi chaude que les précédentes ? Mieux vaut se préparer aux conséquences du dérèglement climatique, prévient un cabinet de conseil spécialisé. Ce ne sont pas seulement les températures qui seront bouleversées, mais aussi l’économie, la démographie, la nature, le coût des biens et des services, etc.
Tout le monde a été surpris. « Cette nuit, la neige est tombée à 1 000 mètres d’altitude » et Charlie « ne se souvient pas de la dernière fois qu’il a neigé autant et aussi bas ». Cette phrase ne décrit pas la météorologie de cet hiver, bien que les températures aient été particulièrement douces pendant la période des fêtes, mais est issue d’une fiction publiée par BL Evolution. Cette société de conseil en transition écologique, qui compte une soixantaine de collaborateurs et a pour clients des entreprises et des collectivités territoriales, a imaginé à quoi ressemblerait « La France à +2 degrés ».
Dans l’un de ces « récits de vie dans le climat du futur », situé à une date non précisée, Charlie, une jeune femme « chargée de préservation de la ressource en eau », doit faire face aux multiples aspects du changement climatique en cours. La neige qui ne tombe plus si souvent n’en est qu’une conséquence parmi d’autres. Une station touristique, située plus haut dans la montagne, n’a pas cessé de miser sur le ski alpin, en creusant des retenues collinaires chargées d’alimenter les canons à neige. Résultat, l’eau manque, d’autant que la région connaît un afflux de nouveaux résidents attirés par les températures estivales moins caniculaires qu’en plaine. Le lait du chocolat chaud ne provient plus de la vallée, car les bêtes souffrent de la chaleur. Le fromage coûte beaucoup plus cher. Les forêts ont changé, peuplées d’espèces exotiques, tandis que les épicéas d’autrefois ont subi sécheresses, incendies et maladies. « Un hiver exceptionnellement froid, aujourd’hui, c’était un hiver doux il y a cinquante ans », se souvient le grand-père de la jeune femme. Et la station de ski « croule sous les dettes », en raison de ses choix hasardeux, et faute d’avoir obtenu « l’aide d’urgence climatique de l’Etat ».
BL Evolution imagine cinq autres scénarios, portant sur l’agriculture, la biodiversité, la montée des eaux dans le Pacifique, la mobilité ou la santé. Les textes, consultables en ligne (https://lafrancea2degres.fr/), sont truffés de solides références scientifiques, qui corroborent les risques décrits. Le scénario consacré à la santé dépeint un univers anxiogène. Des travailleurs du BTP souffrent de déshydratation et de brûlures, des sans-abri perdent connaissance sous l’effet de la chaleur, une patiente asthmatique subit les effets de l’air ambiant, dégradé par un anticyclone persistant. Le personnel médical apparaît comme débordé, tandis que la généralisation de la climatisation, notamment dans les bâtiments exposés au sud que l’on a continué à construire en toute connaissance de cause, provoque des coupures de courant. Dès lors, les hôpitaux, prioritaires, deviennent des refuges pour les personnes les plus précaires. L’éradication des moustiques, vecteurs d’épidémies comme la dengue ou le chikungunya, est devenu un enjeu urbain. Les grenouilles et les chauve-souris sont mises à contribution.
La société s’adapte lentement
Car la société a commencé à s’adapter, malgré les réticences. Ainsi, comme l’imagine le scénario consacré à la mobilité, l’usage du vélo électrique s’est généralisé pour les déplacements de moyenne distance, y compris à la campagne. Les transports ferroviaires, financés par une surtaxe sur les vols intérieurs, sont plus efficaces, mais aussi plus coûteux pour les voyageurs. Mais le chemin de fer est soumis, lui aussi, aux tensions du réseau électrique, et les trains sont souvent en retard. Pour limiter l’impact des événements climatiques sur les services de santé, les « personnes fragiles » n’ont pas le droit de se déplacer en pleine journée. Les tempêtes classées « rouge » se traduisent, comme ce fut déjà le cas en Bretagne en novembre dernier, par une interdiction totale de circuler dans des départements entiers.
La lecture des récits de BL Evolution montre que les conséquences du bouleversement qui s’annonce dépassent de loin la simple hausse des températures ou la répétition des canicules. Le manque d’eau, les difficultés d’approvisionnement en énergie, la disparition d’espèces de faune ou de flore, le renchérissement des produits de base ou les changements démographiques seraient, d’après le cabinet de conseil, le lot commun des années 2030, 2040 ou 2050. L’économie de territoires entiers serait modifiée, et certaines libertés limitées. Sur ce dernier point, les auteurs demeurent toutefois plutôt optimistes. Ils n’envisagent pas la mise en place d’un régime autoritaire ni d’un contrôle permanent de l’ensemble des individus. Mais leur travail « n’a pas vocation à être exhaustif », précisent-ils.
BL Evolution rappelle que l’augmentation de la température moyenne du monde de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle correspond, en France, à une hausse moyenne de 2,7 degrés. Avec cette « lecture émotionnellement active » qui s’affranchit du vocabulaire technique, les consultants assument ne pas proposer de « solution claire, définitive, ni de vision idéale d’avenir ». Ils alertent, car une hausse mondiale de 2 degrés est « un seuil à ne pas dépasser ». Et pourtant, « considérer que le réchauffement climatique va continuer de s’accroître n’est pas pessimiste, mais réaliste ».
Olivier RAZEMON