Taxonomie verte et CSRD : les entreprises n’ont plus le choix
Après la Taxonomie verte, l’Europe demande aux entreprises à partir de 2024 la publication d’un nouveau rapport, la CSRD, et ce dans le cadre du Pacte Vert. Les experts plaident pour se saisir de cette nouvelle contrainte rapidement afin d’en faire une opportunité. Retour du débat à ce sujet lors du World Forum 2023 à la Cité des échanges de Marcq-en-Baroeul le 21 novembre dernier.
La Taxonomie a été une première étape pour contribuer au financement du Pacte Vert de 2019. Ce règlement de «Taxonomie verte», adopté en 2020, devait flécher les capitaux vers les activités durables, qui tendent vers une neutralité carbone à 2050 et 1,5 degré de réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle. Une classification (ou taxonomie) de critères a été ainsi créée permettant de mesurer et de rendre transparente la part « verte » d’une entreprise.
Concrètement, les activités bénéficiant de ce label doivent contribuer au moins à un des six objectifs de la finance verte sans porter atteinte aux autres : atténuation et adaptation au changement climatique, lutte contre la pollution, contribuer à l’économie circulaire, protection de la biodiversité, respect des ressources marines et aquatiques. Les entreprises doivent démontrer leur contribution à ces objectifs via des indicateurs financiers, à savoir la part du chiffre d’affaire, de Capex (dépenses d’investissement) et d’Opex (dépenses d’exploitation) dédiés à ces objectifs. Dans la réalité, cette Taxonomie concerne peu d’entreprises : seules celles soumises à la NFRD (directive sur l’information extra-financière) doivent publier leur alignement à la taxonomie européenne, et ce pour la première fois en 2023.
Nouveau reporting extra-financier
Nouvelle étape dans le financement du Green Deal : favoriser la transparence des activités des entreprises. Ainsi, depuis 2022, la CSRD, Corporate sustainability reporting directive (qui remplace le NFRD) demande un reporting extra-financier annuel à un plus grand nombre d’entreprises (on passe de 11 700 à 50 000 entreprises en Europe). « C’est une bonne chose car cela va rendre plus transparente la communication financière des entreprises sur leur impact RSE et cela permettra la comparabilité entre elles, une convergence du financier et extra-financier et un niveau de reporting plus exigeant, plus récurrent », souligne Tristan Mourre associé chez Mazars
Aujourd’hui, le calendrier s’accélère car le déploiement de la CSRD est progressif jusqu’en 2027, selon les tailles des entreprises. Pour les grandes sociétés déjà soumises à la NFRD de plus de 500 salariés, cela concerne l’exercice 2024, pour une publication de rapport en 2025. Les grandes entreprises de moins de 500 salariés sont concernées sur 2025-2026, et les PME cotées sur 2026-2027. Administrations publiques et hôpitaux devraient être concernés en 2026 et les sociétés non européennes en 2028. « À terme, toutes les entreprises seront concernées car celles soumises à ces obligations européennes imposeront un certain nombre de pratiques dans la recherche de financement et la responsabilisation de la chaîne de valeur », envisage Tristan Mourre.
Impact sur l’entreprise
Si jusqu’à maintenant tous les grands groupes n’étaient pas éligibles
en matière de Taxonomie, demain, ils seront tous concernés par la CSRD.
C’est le cas de Bonduelle. Le groupe avait déjà une obligation de
reporting extra-financier. Demain, pour Grégory Sanson, CFO Bonduelle et
président Lille Place Financière, la CSRD est une bonne chose : « C'est
notre mauvaise conscience qui nous surveille quand on fait un pas de
côté. Les enjeux sont nombreux en terme de management de la performance :
on passe de la performance financière, à la performance financière et
extra-financière. Il s’agit de mettre en place des process pour voir
comment travaillent ensemble la direction financière et la direction de
la RSE et pour former les collaborateurs à ces nouvelles remontée de
données. »
Et selon lui, la gouvernance est aussi concernée avec la nécessité d’une mobilisation plus forte du conseil d’administration et du conseil de surveillance. Mais sur ce dernier point, ce n’est pas simple.
Mobilisation des Conseils
Pour Monique Huet, représentante de l’IFA Institut français des administrateurs, membre du club ESG : « Malgré la montée de ces sujets, ils sont pris en compte de manière inégale au sein d’un conseil d’administration car chacun a une sensibilité différente. Et si la situation se tend dans la santé financière de l’entreprise, les obligations RSE peuvent passer au second plan. » Selon cette administratrice indépendante, le conseil d’administration, qui définit les orientations stratégiques et supervise l’exécution de la stratégie, doit intégrer davantage ces enjeux de durabilité. « Ce sont de nouvelles responsabilités pour l’administrateur qui doit se former afin de soutenir et challenger le dirigeant qui doit faire des arbitrages difficiles face aux enjeux de durabilité. » D’ailleurs, l’IFA vient de publier un guide « Durabilité : les nouveaux engagements du conseil » pour aider les administrateurs à s’organiser face à ces nouvelles normes.
Pour Tristan Mourre, « on n’a plus le temps face à l’urgence climatique, aux engagements des grandes entreprises et aux attentes des citoyens. Les petites entreprises doivent saisir l’occasion pour repenser leur modèle. Cela leur permettra à terme un gain de productivité, notamment face à ces entreprises non européennes qui n’auront pas pris le train en marche. »