Sur la Côte d’Opale, les inquiétudes de la CME
Si certaines modalités quant au Brexit restent transitoires jusqu’en octobre prochain, le secteur de la pêche est désormais régi par un accord définitif. Le constat est amer pour la Coopérative maritime étaploise (CME).
Le directeur général de la CME, Etienne Dachicourt, est très inquiet : «La zone de jeu pour les pêcheurs entre le Royaume-Uni et la France, c’est 17 miles marins. L’accord prévoit l’accès au 12 miles de chaque côté. C’est inapplicable tout simplement. D’autant plus qu’on n’a toujours pas accès aux côtes anglaises même si les licences ont commencé à arriver.» En effet, l’application de l’accord sur la pêche est un sac de nœuds que même les marins les plus expérimentés ont du mal à défaire… L’accord dit que les Anglais récupèrent leurs eaux territoriales et y appliquent librement leur propre réglementation.
La filiation des navires
«Les Anglais mettent des conditions d’antériorité entre 2012 et 2016, mais la plupart des petits bateaux n’étaient pas équipés d’instruments pour prouver qu’ils pêchaient dans ces zones ! Et les Anglais ajoutent des conditions supplémentaires comme la filiation des navires : en France, on rachète un bateau avec les droits de pêche attachés au permis d’exploitation ; les Anglais considèrent les droits attachés à la coque. Mais la coque change quand c’est un nouveau bateau...» fulmine Etienne Dachicourt.
D’autres critères viennent encore compliquer (et limiter) la pêche des bateaux de la Côte d’Opale, la puissance du moteur et le tonnage par exemple. La commission d’arbitrage relative à l’accord du Brexit est entrée en fonction le 1er juillet dernier. Le temps de traiter les premiers dossiers, certains pêcheurs pourront-ils échapper au dépôt de bilan ?
Brexit + Covid
Conséquence de la nouvelle donne, les zones rétrécissent et le nombre de bateaux augmente : «Les Hollandais, les Belges continuent de venir sur nos côtes, et c’est normal, mais les Français ne peuvent plus pêcher comme avant sur les côtes anglaises. Tout le monde a besoin de travailler, mais il y a trop de monde...» Certains pêcheurs se rabattent sur la coquille Saint-Jacques, mais le marché pourrait être ébranlé par cet afflux de pêche ; d’autres essaient d’aller plus loin, mais les coûts sont plus importants.
La CME dispose aujourd’hui de 45 navires ; sur l’ensemble de la centaine de bateaux, seuls 23 ont une licence effective… L’an dernier, les aides de l’Etat ont permis aux pêcheurs de tenir le coup (jusqu’à 30 00 euros selon le degré de dépendance des pêcheurs aux ressources dans les eaux britanniques). Mais cette année le coup de grâce n'est pas loin : la pandémie a ralenti considérablement l’activité hôtelière consommatrice de produits de la mer.
«C’est la double peine pour nous, soupire le directeur de la CME. On est sorti d’un redressement judiciaire en 2013 et on est dans un plan de continuation jusqu’en 2024. Mais comment va-t-on faire avec la baisse continue de notre activité ?» A la rentrée, un nouveau plan sera ouvert pour les pêcheurs : «un plan de sortie de flotte !» tonne le cadre. En fin d’année, les pêcheurs risquent aussi de rater la saison de l’encornet (la plus rémunératrice) et d’épuiser leur trésorerie. Lors d’un déplacement le 26 avril dernier sur la Côte d’Opale, les ministres de la Mer et des Affaires européennes (respectivement Annick Girardin et Clément Beaune) l’avaient dit : «Le diable se cache dans les détails.» Dans les prochains mois, la situation pourrait bel et bien s'avérer infernale pour la profession...