Sur l'A64, les agriculteurs à bout campent et font bloc

Sous le soleil hivernal, des agriculteurs en colère ont installé un campement de fortune sur l'A64 à Carbonne, près de Toulouse, et se réchauffent autour de braseros, déterminés à tenir ce barrage...

Des agriculteurs bloquent l'autoroute A64 - Toulouse-Bayonne - à hauteur de Carbonne en  Haute-Garonne, le 20 janvier 2024 © Ed JONES
Des agriculteurs bloquent l'autoroute A64 - Toulouse-Bayonne - à hauteur de Carbonne en Haute-Garonne, le 20 janvier 2024 © Ed JONES

Sous le soleil hivernal, des agriculteurs en colère ont installé un campement de fortune sur l'A64 à Carbonne, près de Toulouse, et se réchauffent autour de braseros, déterminés à tenir ce barrage pour dénoncer la détérioration de leur condition.

"Ici commence le pays de la résistance agricole", peuvent lire sur une bâche, couvrant un tas de bottes de paille haut de près de trois mètres, les automobilistes contraints de sortir de l'autoroute à hauteur de Carbonne, à quelque 45 km de Toulouse.

Le ton est donné: voilà trois jours que l'A64 est coupée. Même s'il regrette les désagréments causés, Nicolas Suspene ne s'excuse pas.

"Ça ne nous plaît pas d'embêter les gens, mais comment se faire entendre autrement?", demande cet agriculteur de 44 ans, maire du petit village de Saint-Elix-Séglan.

Venu prêter main forte à ce "point névralgique" de la mobilisation agricole en Occitanie, qui vise à obtenir une massive et immédiate de l'Etat à un secteur en crise, Benoît Larroche, céréalier de 36 ans, pense lui que "ça va bouger".

Clope et cubi de rouge

Ils sont une grosse centaine à tenir samedi le camp de fortune installé sur les deux fois deux voies de cet axe autoroutier qui relie la Ville rose à Bayonne.

Sur place, les manifestants cassent la croûte, grillent cigarette sur cigarette, prennent des nouvelles des uns et des autres en se réchauffant les mains au-dessus de quelques braseros.

Non loin, saucisson, côtelettes, gâteau au chocolat côtoient un cubi de rouge sur une table blanche.

Le barrage s'étale sur plusieurs centaines de mètres, délimité par une longue file de tracteurs et camions agricoles.

Se mêlent l'odeur du diesel du générateur électrique et celle, âcre, des feux de camp.

"Ici, c'est le point où ça a commencé et où il faut tenir", lâche Benoît Fourcade, un autre céréalier âgé de 50 ans.

On n'en peut plus

Accoudé à un tracteur rouge vif, il énumère les difficultés qui s'accumulent pour le secteur: "La PAC (politique agricole commune, programme européen de subventions qui ont diminué au fil des ans, ndlr), le GNR (gasoil agricole dont ils dénoncent l'augmentation des taxes), tout ça, à un moment donné on n'en peut plus".

L'ambiance est cordiale. Mais les discussions dessinent en filigrane une grande détresse.

Si "on nous enlève le Roundup, je mets tout en jachère (...) et on va pointer à l'usine", explique Benoît Fourcade, casquette vissée sur la tête, en référence à l'herbicide à base de glyphosate considéré comme dangereux pour la santé.

Il déplore la concurrence déloyale de produits importés et ne répondant pas aux normes européennes, qui finissent par donner le tournis aux agriculteurs.

"Le gouvernement, faut qu'il se batte au niveau de l'Europe pour imposer des prix planchers", ajoute Hervé Boucton, céréalier de 58 ans. "Et si l'Europe (...) ne veut pas, alors l'Etat français doit arrêter de mettre constamment des charges supplémentaires..."

Sous le pont qui enjambe l'A64, des mannequins en bleu de travail se balancent, sinistres, la corde au cou.

Les voitures qui passent au dessus klaxonnent en soutien.

La solidarité est là. Ainsi, Eric Anquenot, collecteur d'huile de friture lui aussi "asphyxié par les taxes", est venu apporter une vingtaine de palettes pour aider à réchauffer ceux qui passeront la nuit.

"J'essaie d'être le plus solidaire possible", confie l'homme de 62 ans, qui se retrouve dans les difficultés que connaissent les agriculteurs. "On est tous dans la même galère", dit-il.

"Je vais passer du temps avec eux, leur remonter le moral." Pour cela rien de tel que les crêpes qu'il reviendra apporter dans la soirée.

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