Sophie Muller chapeaute le beau
Quinze ans que Sophie Muller conçoit des chapeaux haut de gamme de toutes les tailles et de toutes les formes pour dames et messieurs. Sous l’appellation Sofimilli, la chapelière-modiste porte cette marque d’élégance à la française comme un étendard.
«Je suis une chanceuse et née sous une bonne étoile. J’aurais pu être psychologue tellement j’aime écouter les gens.» Les mots de Sophie Muller dégagent une rassurante paisibilité. Elle naît un jour de novembre 1978 à Pont-à-Mousson. Une enfance passée dans le décorum de la place Duroc, un père militaire, une mère vendeuse de vêtements, une éducation rigoureuse… et une fascination pour les affaires de ses grands-mères, habits du temps jadis et chapeaux que l’on portait élégamment quand ceux-ci répondaient à des codes sociétaux. L’intéressée se souvient : «Je rêvais d’être costumière. D’ailleurs, c’était mon rôle dans mes troupes de théâtre.» Ses études la mènent à un BTS en immobilier avec une originale alchimie germée dans son esprit : «J’ai imaginé travailler dans l’immobilier comme une artiste. J’étais persuadée que trouver un toit à un client équivalait à lui mettre un chapeau sur la tête pour le protéger.» De cette vision idéaliste aux réalités économiques de terrain, elle déchante. Poursuivant : «Je suis tombée de haut. J’ai compris que cela n’était pas fait du tout pour moi.» Elle a vingt ans et entame alors un BTS de stylisme par correspondance, doublé de cours de couture et de dessins, effectuant un stage chez Chapeau d’Isabelle à Metz. Le déclic. Sophie Muller se rappelle : «Ces huit mois m’ont révélé à moi-même. J’ai vendu mais aussi créé des modèles qui ont séduit les clients.» Diplôme en poche, la jeune femme n’entend pas s’arrêter en si bon chemin et se forme au réputé atelier du chapeau à Chazelles-sur-Lyon, étudiant là une impressionnante palette de techniques de fabrication de couvre-chefs, sous la direction d’exigeants professeurs.
Chacun son chapeau
Sophie Muller sort de cette période initiatique renforcée dans ses convictions et choisit de se lancer à son propre compte. Un pari risqué et osé, car, à ce moment, le chapeau n’est pas encore revenu en grâce. Qu’importe. La créatrice installe à Metz sa nouvelle enseigne Sofimilli. Les débuts sont chaotiques : «J’ai ramé, galéré comme pas possible», confie-t-elle. Elle s’accroche, cumulant les jobs alimentaires en parallèle. Portée par la détermination, la qualité de travail de sa conceptrice, et le retour soudain de la mode du chapeau, Sofimilli décolle. En 2005, Sophie Muller s’installe à Nancy. Depuis, elle n’a jamais cessé de concevoir ou de restaurer des coiffes pour une clientèle éclectique : étudiants, collectionneurs, fans de mode, personnes chauves, enfants, papis et mamies… Chapeaux rigides, capelines, bérets, casquettes, mini haut-deforme, serre-tête, cache-oreilles… la modiste vit son quotidien dans l’art du beau et l’esprit haute couture, maniant avec rigueur et dextérité des matériaux rares et nobles. «J’embellis les gens et je les vois rayonner», glisset-elle. Évoluant dans une éthique éco-responsable, en partenariat avec les artisans locaux, son ambition est de faire grandir Sofimilli, c’est-à-dire trouver une vitrine où ses plus belles créations pourraient être vues par la rue, et, pourquoi pas, collaborer avec un mécène qui parierait sur cette activité de tradition, finalement prisée du grand public. Les semaines de Sophie Muller sont bien remplies, entre sa vie de chapelière-modiste, entre atelier et salons, et son autre activité dont elle parle : «Je suis animatrice socioculturelle à la villa SaintPierre Fourier non loin de chez moi. Les personnes âgées adorent mes chapeaux. Il y a un côté affectif : cela leur rappelle leur jeunesse.» Pas de doute, ces fameux chapeaux sont bien pour elle une courroie de transmission, celle d’un savoir-faire artisanal et de valeurs marquées du sceau de l’authenticité, celles qui jalonnent son itinéraire d’existence.
laurent.siatka