Simplifications pour tous… Vraiment ?
Une ordonnance et un décret. Près de trois cents articles pour réformer la commande publique. Comprendre : simplifier, sécuriser, moraliser. Un air de déjà-vu ? Dame, vous n’y êtes pas. Cette fois, c’est la bonne ! Essayer, c’est l’adopter, rassure Jean Maïa. Voire. Car, sans préjudice des opérateurs économiques qui, plus d’un mois après son entrée en vigueur, ressentent déjà quelques vapeurs au déchiffrage de cette réforme, faut-il rappeler que l’acheteur public n’est pas non plus cet être désincarné que nul changement ne rebute ? Entendons-nous. Que, pêlemêle, les communes de Lyon, Lille ou Bordeaux puissent ingérer autant de textes en espérant, un jour, en faire l’usage attendu, on peut le concevoir. Mais quid de celles qui comptent moins de cinq cents habitants, soit près de 55% des presque 36 000 communes de notre beau pays ? Les concernant, il faut dire le mot et la chose : une délégation de signature ou un arrêté de police sont déjà hérissés de difficultés juridiques. Cela, nul praticien et, au premier chef, les si méritants magistrats desdites communes, ne l’ignore. Dès lors, qui pour imaginer que le récent “paquet marché public” puisse un jour leur être familier ? Illustrations. S’agissant des marchés de travaux publics, l’article 5 de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics sonne le glas de la maîtrise d’ouvrage. De là, une conséquence : depuis le 1er avril 2016, quel qu’en soit le montant, un BEA ou une vente immobilière avec charge pourront, le cas échéant, être requalifiés en marchés de travaux publics, au risque, au passage, de contrarier la loi MOP. Une certitude : Clochemerle ne le saura jamais. Les articles 139 et 140 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics régissent désor
mais les modalités de modifications des marchés publics. Avec une célérité louable, Bercy y a consacré une fiche pratique (30 mars 2016). Qui ne suffira pas. Car tandis que l’article 20 du code des marchés publics de 2006 tenait en quatre lignes, ses successeurs prévoient six cas de modifications possibles dont la complexité semble érigée en système. S’y croisent en entrelacs cabalistiques les notions de “clause de réexamen”, et autre “interopérabilité avec les équipements existants”… S’y ajoutent trois seuils de modifications du montant du marché (10%, 15% et 50%). Comprendre leur articulation est un défi aux migraineux. Last but not least, les “modifications substantielles” sont de celles, apprend-on, qui “si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale auraient attiré davantage d’opérateurs économiques ou permis l’admission d’autres opérateurs économiques ou permis le choix d’une offre autre que celle retenue”…Où l’on voit qu’une gigantesque explication de texte s’impose donc. L’Etat doit s’y consacrer sans mollir en dépêchant, sur les chemins vicinaux, ses missi dominici. A défaut, 20 000 communes demeureront ignorantes.
Étienne COLSON, Avocat au Barreau de Lille