Sencrop veut démocratiser l’agriculture de précision
Cette start-up innovante du nord des Hauts-de-France propose aux agriculteurs un outil de gestion agronomique à distance, économique et accessible en un clic sur tablette, PC ou smartphone. Ses concepteurs, Martin Ducroquet et Michael Bruniaux, font le pari que leur station agro-météo connectée accompagnera bientôt le quotidien des agriculteurs et de leurs agro-partenaires.
Alors que notre société hyper connectée navigue sans cesse dans l’univers 2.0, comment imaginer que l’agriculture puisse manquer sa petite révolution numérique ? Car à côté des programmes high-tech sophistiqués, bardés de capteurs, de données satellite et maintenant de drones permettant aux agriculteurs d’optimiser leurs cultures, il commence à émerger des outils simplifiés portés par la génération AgTech (plates-formes collaboratives, services) qui entendent adapter les technologies numériques aux besoins spécifiques du monde agricole. Des solutions digitales innovantes, plus souples, plus proches du quotidien de nombreux agriculteurs et surtout moins onéreuses dont Sencrop, jeune start-up des Hauts-de-France, fournit l’un des meilleurs exemples. Créée en janvier 2016 par Martin Ducroquet et Michael Bruniaux, elle propose un premier produit phare : une station agro-météo connectée qui donne à l’agriculteur la possibilité de mesurer en temps réel et sur sa parcelle la température de l’air, le degré d’hygrométrie, la pluviométrie et la vitesse du vent. « L’intérêt est de pouvoir ajuster ses traitements et ses semis à la réalité du terrain, car, d’une parcelle à l’autre, les données peuvent être très différentes, même à deux kilomètres de distance, explique Martin Ducroquet. L’autre intérêt, c’est de pouvoir en faire un outil collaboratif, soit en alimentant des OAD*, des logiciels de prédiction, ou en partageant des données avec des coopératives, des négoces ou d’autres agriculteurs. »
Un système agro-connecté
D’une régularité sans faille, le système élaboré par Sencrop actualise ses informations toutes les quinze minutes, avec la possibilité de programmer des alertes SMS et e-mails. Comme le raconte le créateur, cet outil dispose d’une autre corde à son arc, il est évolutif et adaptable : « Il dispose d’une API puissante pour alimenter les logiciels et on peut améliorer l’interface. » La station agrométéo fonctionne grâce à des capteurs mobiles placés dans les champs qui envoient leurs informations via de nouveaux réseaux bas débit de très longue portée de type Sigfox, très peu énergivores. L’agriculteur possède un code d’accès individuel et reçoit une alerte si la station dévie de son axe. « C’est un outil de renseignement hyper local : on ne peut pas pulvériser, par exemple, si le vent souffle à plus de 19 km/h. Il a également une visée environnementale : on agit à bon escient, en réduisant les traitements inutiles et en assurant une production plus durable des sols. Sencrop apporte une ligne complémentaire aux drones ou aux données satellite », argumente son concepteur. La région des Hauts-de-France n’a pas été choisie au hasard : « C’est une région à forte production, en pointe dans le domainede l’agriculture et donc une région pilote pour nous », affirme le créateur.
Premières installations dans l’Oise
Le 12 janvier dernier, Sencrop a posé ses toutes premières stations dans le département de l’Oise, à Bresles (au sud de Beauvais) et à Rouville (près de Crépy-en-Valois). Benjamin Rambour, jeune agriculteur breslois, possède une exploitation de 71 hectares dont les parcelles, disséminées tout autour de sa commune, sont parfois séparées de plusieurs kilomètres. L’outil connecté conçu par la jeune start-up va donc lui faciliter la tâche sans nécessiter d’investissement lourd. Un exemple idéal pour Sencrop puisque, de son propre aveu, l’agriculteur ne possédait « aucun outil de renseignement auparavant ». Ce dernier a choisi d’installer sa station nomade sur une parcelle betteravière de six hectares et demi et s’il décide de partager son application avec un autre agriculteur, comme cet exploitant à Laversines, spécialisé comme lui dans la culture des betteraves et des céréales, sa facture d’abonnement s’en trouvera allégée. « Il existe déjà des outils de conseil au niveau départemental. Mais là l’intérêt, c’est que c’est hyper local », commente un autre agriculteur venu se rendre compte sur place. Nantie d’une certification agricole décernée par Arvalis, la station agro-météo de Sencrop vient de recevoir une première consécration avec une récompense lors des SIMA Innovation Awards, en amont du prochain salon de 2017 (salon mondial de l’agro-équipement) . « C’est pour nous, une reconnaissance internationale. » De quoi booster l’avenir de cette jeune start-up qui commence déjà à regarder au-delà des frontières hexagonales. « Des agriculteurs hollandais et belges viennent de nous acheter des stations », confie le fondateur de Sencrop.
Une levée de fonds de 1,4 million d’euros
Mais Martin Ducroquet et Michael Bruniaux vont devoir concentrer leurs efforts sur les exploitations françaises,
car ils visent d’en équiper plusieurs milliers d’ici la fin de l’année. Et dans la perspective de son développement, Sencrop vient tout à la fois de lever des fonds propres (1,4 million d’euros) et de démarrer le recrutement de six nouveaux collaborateurs, « des ingénieurs de type Lasalle », qui porteront les effectifs à douze d’ici six mois. Cette levée de fonds permettra de financer sa R&D dédiée au déploiement des stations, des services web, mais aussi d’asseoir son développement commercial. Pour ce faire, Sencrop, déjà soutenu par le Crédit Agricole Brie Picardie et la BPI, a su séduire deux investisseurs de poids : Emertec, leader européen du capital-investissement dans la Greentech, et Breega Capital, spécialisé dans l’investissement au sein de start-up innovantes de l’économie digitale. Signe que l’on prend Sencrop très au sérieux, cette levée de fonds en amorçage fait partie des plus importantes réalisées cette année dans le domaine de l’AgTech en Europe. Martin Ducroquet et Michael Bruniaux se sont rencontrés il y a un an et demi. Le premier, issu d’une famille d’agriculteurs (profil type des tenants de la génération AgTech), a conçu dans le passé une tablette connectée pour la cuisine et des scanners à code barre. Il se définit comme le plus commercial du tandem, alors que Michael Bruniaux reste avant tout un informaticien dédié au digital. Les deux associés ont incubé leur projet à EuraTechnologies, avant de rejoindre le Village by CA Nord de France, un lieu élaboré par le Crédit Agricole en lien avec des partenaires locaux, qui abrite 17 start-up. Un an seulement après leur création, ils n’ambitionnent rien de moins que de mettre l’agriculture de précision à la portée de tous grâce à ce premier produit, déjà leader de sa catégorie.