Ségolène Royal, l'impossible adieu à l'arène

En annonçant vendredi son intention de conduire une liste "d'union" de gauche avec La France Insoumise aux élections européennes, Ségolène Royal poursuit une stratégie du coup d'éclat permanent éprouvée pendant quarante ans de vie politique mais dont les...

Ségolène Royal lors de la Journée de la finance climatique au ministère de l'Économie à Paris, le 11 décembre 2017 © ERIC PIERMONT
Ségolène Royal lors de la Journée de la finance climatique au ministère de l'Économie à Paris, le 11 décembre 2017 © ERIC PIERMONT

En annonçant vendredi son intention de conduire une liste "d'union" de gauche avec La France Insoumise aux élections européennes, Ségolène Royal poursuit une stratégie du coup d'éclat permanent éprouvée pendant quarante ans de vie politique mais dont les succès apparaissent désormais de plus en plus flous.

Que 2007 semble lointain... Désignée cette année-là candidate à l'élection présidentielle par les militants socialistes, Ségolène Royal connaît alors l'apogée d'une carrière - elle est la première femme à se qualifier au second tour dans la course à l'Elysée - en même temps que le début de son déclin - ses innombrables tentatives de retour sont jusqu'ici demeurées vaines.

"Arrêter? C'est impensable. C'est ma passion", prévenait-elle pourtant en 2012 après avoir perdu son siège de députée. 

Vingt ans plus tôt, la jeune ministre, presque inconnue, avait invité les caméras du journal de 20-heures de TF1 et Antenne 2 (devenue France 2) dans sa chambre de maternité, avec dans les bras l'enfant qu'elle venait de mettre au monde. Le "ségolénisme", ou l'art de faire un pas de côté pour attirer la lumière, était né. 

Les dérapages ont depuis grippé la machine.

Certes, Ségolène Royal a longtemps surpris par sa résilience: tout sourire sur les toits du siège de Solférino devant une foule en liesse au soir de sa défaite à la présidentielle, elle s'était relancée quelques semaines plus tard lors d'un étonnant meeting où elle faisait répéter en boucle au public "Fra-ter-ni-té".

Habituée aux railleries, celle qui lançait "Aimez-vous les uns les autres" n'a jamais échappé à la caricature d'une "madone" aux accents "messianiques", manière de la renvoyer à une enfance austère auprès d'un père militaire sensible aux thèses d'extrême droite et une mère assignée au foyer autant dévouée à sa famille qu'à la foi catholique.

Iconoclaste, chantre de "l'ordre juste", partisane de l'intervention de l'armée dans les banlieues et pourfendeuse des dessins animés japonais, Ségolène Royal a toujours joué de ces attaques en pensant avoir bousculé durablement la politique depuis sa performance de 2007, par ailleurs convaincue de son "lien" noué avec les Français. 

Las: pour sa première tentative de retour lors de la primaire socialiste en vue de la présidentielle de 2012, elle ne recueille que 6,95% des suffrages des sympathisants, loin derrière le père de ses enfants dont elle est séparée, François Hollande. Face caméra, elle ne retient pas ses larmes.

Entre exaspération et commisération

Après un retour au gouvernement en 2014, elle vote Emmanuel Macron en 2017, lequel la nomme ambassadrice. Ses critiques envers l'exécutif, au mépris du devoir de réserve, lui valent d'être limogée.

Depuis? Une tentative avortée de prendre la tête d'une liste de gauche aux européennes en 2019, déjà. Celle qui a rendu sa carte du PS n'a jamais remisé ses ambitions présidentielles, dessein calmé en 2022 par des sondages qui la créditent de 5%. Elle préfère finalement soutenir Jean-Luc Mélenchon.

Surtout, l'ex-conseillère de François Mitterrand à l'Elysée s'illustre depuis plusieurs années par des sorties tonitruantes. 

Cent cinquante jeunes, à genoux, mains liées ou derrière la tête, parfois contre un mur, arrêtés par la police dans les Yvelines? "Ça ne leur a pas fait de mal, ça leur fera un souvenir". 

L'interdiction de l'hydroxychloroquine? "Une espèce de vengeance contre le professeur Raoult."

Cuba? "Une propreté et une sécurité vraiment remarquables, que l'on n'atteint pas dans beaucoup de pays qui donnent aujourd'hui des leçons de droits de l'Homme".

Embauchée en 2021 comme chroniqueuse sur BFMTV, elle est remerciée quelques jours plus tard après avoir exprimé des doutes sur la réalité des crimes de guerre de la Russie en Ukraine, notamment le massacre de Boutcha.

Chez nombre de socialistes, son évocation suscite depuis un certain temps exaspération, voire (fausse) commisération. Elle, tête de liste aux européennes? "Si Mélenchon accepte, ils vont perdre tout le monde, même les leurs", prédit un cadre PS, selon qui "les vieux militants insoumis sont partis du PS à cause de Ségolène".

"Elle est persuadée qu'elle est populaire et qu'elle a un destin et à chaque élection, elle s'imagine qu'elle est le recours", s'étrangle un autre, en rappelant que lors de sa dernière candidature, aux sénatoriales en 2021, elle n'a recueilli que 11 voix parmi les 530 grands électeurs... 

Fin septembre, Ségolène Royal fêtera ses soixante-dix ans, en même temps qu'elle doit devenir chroniqueuse dans une émission de Cyril Hanouna sur C8 pour "décrypter la politique". 

Il y a six mois, son dernier livre appelait à "refuser la cruauté du monde". Son sous-titre? "Le temps d'aimer est venu".

33TM77Q