Royaume-Uni : une économie touchée, mais pas coulée !
Pénuries d’essence, problèmes de livraisons de marchandises, conflit commercial avec l’UE sur les termes du Brexit, etc. L’économie du Royaume-Uni traverse une tempête, mais dispose des atouts nécessaires pour s’en sortir…
Les pénuries d’essence et les longues files d’attente devant les stations-service, alors même que le pays exploite du pétrole et du gaz naturel en mer du Nord, font dire à certains commentateurs que la puissance économique du Royaume-Uni est écornée depuis le Brexit et la pandémie. Or, une telle lecture s’avère bien trop réductrice, car le Royaume-Uni n’a cessé de déjouer les pronostics depuis cinq ans.
Si l’on s’en tient au PIB en 2020, le Royaume-Uni est la cinquième économie mondiale et la deuxième économie européenne, derrière l’Allemagne et devant la France. Certes, la croissance réelle, les investissements privés et la productivité ont ralenti depuis le référendum sur le Brexit de 2016, tant les incertitudes se sont multipliées du fait de négociations avec l’UE qui n’en finissaient pas et de rebondissements politiques en série. Mais l’économie britannique a également subi le ralentissement de l’économie mondiale et bien entendu les conséquences de la pandémie (confinements longs et stricts, en raison d’une circulation très active du virus), ce qui a conduit le gouvernement de Boris Johnson à augmenter très fortement les dépenses publiques, en créant notamment un dispositif de chômage partiel. Ainsi, après une chute du PIB de 9,8 % en 2020, le FMI prévoit une hausse de près de 7 % en 2021. Et quant aux finances publiques, le déficit a atteint 14,5 % du PIB en 2020 et la dette 97 %.
Une économie tirée par les services
Si l’industrie (aérospatiale, chimie, pharmacie et automobile) représente 14 % de la valeur ajoutée, ce sont bien les services qui tirent l’économie britannique (80 % de sa valeur ajoutée et 80 % des emplois). Quant à l’énergie, le pays compte poursuivre le développement du nucléaire, tout en menant une ambitieuse politique en faveur des énergies renouvelables, notamment dans l’éolien maritime. Et malgré le Brexit, les services financiers et les assurances conservent toujours un poids important (7,0 % de la valeur ajoutée en 2018 et 4,2 % de la main-d’œuvre), ne serait-ce qu’en raison du savoir-faire acquis par les opérateurs de la City. En tout état de cause, le taux de chômage reste à un niveau bas (4,5 %) et les offres d’emploi sont pléthoriques, même s’il faudra surveiller le marché de l’emploi dans les mois à venir avec l’arrêt du programme de chômage partiel qui prenait en charge jusqu’à 80 % des salaires, à hauteur de 2 500 livres par mois.
Tensions sur les chaînes d’approvisionnement
Les conséquences du Brexit et de la pandémie se font sentir dans tous les secteurs, en augmentant les tensions sur l’emploi et les chaînes d’approvisionnement. Le plus marquant est qu’avec les confinements, les retards d’examen du permis poids lourds et le casse-tête du passage aux frontières, le nombre de chauffeurs routiers disponibles pour acheminer matières premières et marchandises est désormais très largement inférieur aux besoins logistiques. D’où des pénuries répétées de carburant, mais aussi des retards de livraison de marchandises et des ruptures ponctuelles de stocks, quels que soient les points de vente. Face à ce constat, Boris Johnson n’a eu d’autre choix que de modifier la politique migratoire, afin d’accorder des milliers de visas de travail. Quant à l’inflation, elle dépasse allègrement dans ce contexte la cible de 2 % et la hausse des prix de l’énergie ne fait qu’aggraver le phénomène, menaçant le pouvoir d’achat des ménages.
A la recherche d’accords commerciaux
Isolé officiellement de ses anciens partenaires européens depuis le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni doit batailler pour maintenir ses exportations vers l’Union européenne, qui s’affichent en baisse sensible depuis 2020, alors que ses importations en provenance de l’UE augmentent. Or, en 2019, le Royaume-Uni réalisait la moitié de ses échanges commerciaux avec l’Union européenne, ce qui en fait, bon gré mal gré, son premier partenaire commercial. Cela n’empêche pas les casus belli commerciaux sur la frontière nord-irlandaise ou la pêche.
Dès lors, pour tenter de diversifier ses échanges commerciaux, le gouvernement britannique cherche à nouer des accords commerciaux avec ses partenaires historiques (États-Unis et pays du Commonwealth), même si ceux-ci ne représentent pour l’instant qu’une faible part des flux commerciaux avec le Royaume-Uni. Cette politique, baptisée Global Britain, s’est déjà traduite par la signature d’accords commerciaux avec le Japon, le Canada, la Turquie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. C’est dire combien il reste de chemin à parcourir, mais les fondamentaux de l’économie britannique demeurent solides.
Raphaël DIDIER